Le Deal du moment : -28%
Brandt LVE127J – Lave-vaisselle encastrable 12 ...
Voir le deal
279.99 €

 

 Comme on rêve d'une vie de château quand on vit dans le ghetto - Rodag

Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Aller en bas 
Aller à la page : 1, 2  Suivant
avatar
Invité
Dans la vie y a les tapes au fond et les tapes à côté, Les "T'as pas un euro?" ou la tape à l'arrachée, Y a l'Etat, les R.M.istes, les "T'as qu'à taffer", Si t'es en bas faut cravacher, t'as qu'à pas lâcher. T'as pas connu ça toi, l'envie d'empocher les patates, Être à gauche droite face à la mer loin des galères.Cela faisait quelques jours que j'étais rentré dans la vraie vie. J'étais à côté de mes pompes, totalement. Je me réveillais parfois avec l'impression d'entendre les abrutis qui me servaient de voisins faire... Les abrutis justement. Puis je revenais à la réalité, et je rigolais comme un con pendant une plombe. Et après je déprimais parce que je ne savais rien faire de mes dix doigts, parce que j'étais un ex-taulard qui s'était retrouvé derrière les barreaux après avoir arrêté l'école à seize ans. Parce que je devais faire une formation de coutelier, parce que c'était ce que je voulais faire, mais que j'avais peur, que j'avais pas de thunes, mes parents avec, et après je me remettais à rire, mais jaune. Parce que tout ce que je récoltais, je l'avais mérité, et je me rendais compte qu'en prison, c'était facile. Parce qu'ici, je devais affronter le regard d'inconnus, des gens que j'aimais, que je devais montrer que j'étais pas que le meurtrier de mon meilleur pote, que je pouvais bosser. En prison, je faisais des boulots de merde, pour occuper les types comme moi, à quelques centimes de l'heure, pour avoir une cagnotte pour ensuite acheter des trucs utiles, comme du savon, des chaussettes. Mais là, fallait autre chose. Pour pas être un poids. Donc, j'avais écrit un CV. Comme je pouvais hein. Avec ce qu'il y avait.

Alors, j'avais... Fait du ménage. Ouais, en prison, on nettoie sa cellule, et les lieux communs quand on avait la chance d'y être affecté. J'ai fait de la réparation de radio. Les ateliers pratiques, ouais. Et... Mais bordel, est-ce qu'on pouvait réellement mettre ça dans un CV ? Je savais pas quoi faire. J'avais envie de tout jeter en l'air, j'en avais marre. Je n'étais pas le type le plus idiot de la planète, demandez moi des trucs sur l'histoire, sur la physique, même sur des trucs comme le fonctionnement des volcans, mais un CV ? J'étais un inadapté complet. Ca m'énervait.

Après avoir été prendre mon petit déjeuner - à savoir un bon gros joint à la fenêtre - je finis par prendre ma douche, pour essayer d'être présentable. J'avais grandi depuis quelques années, donc j'avais récupéré les fringues qui m'allaient le mieux. Ce qui me faisait flotter à l'époque était désormais juste à la bonne longueur. Merci mon style vestimentaire qui était vraiment louche quand j'étais adolescent. Je tentai de me coiffer comme je pus, et ensuite, pochette de papiers sous le bras, je me dirigeai vers le service d'aide à la recherche de l'emploi. Ça n'allait pas être méga efficace, je n'avais pas énormément d'espoir, mais bon, ça se tentait malgré tout. Donc, rendez vous à Pilgrim Village, et donc le bâtiment administratif.

Dans le bus j'avais croisé les mêmes vieux qu'avant, qui prenaient toujours la même ligne à la même heure, ça, ça dérogeait pas, à se demander où ils allaient. Là où avant je les saluai par leur surnom habituel et qu'ils grognaient avec un rire enfoui dans la voix, maintenant ils me regardaient d'un air sévère, ils me jugeaient. Je n'aimais pas ça. Ce bus me rendit presque malade, à deux doigts d'aller leur taper dessus. Mais je ne voulais pas. Je ne pouvais même pas. En sortant de taule je ne m'étais pas rendu compte que j'allais vivre ça, ça paraissait logique au final. Il avait certainement dû y avoir un petit article sur ma libération, depuis que j'étais sorti.

Une fois descendu du bus, je me rendis dans l'accueil pour demander à une secrétaire :

"Bonjour, le service de recherche d'emploi s'il vous...
_Deuxième étage à droite de l'ascenseur."


Elle me répondit simplement, pour ensuite se tourner vers son ordinateur. Qu'elle n'avait pas vraiment quitté des yeux en fait. Elle m'avait regardé, puis vite détourné le regard. Même pas bonjour, merde, ou quoi que ce soit. J'étais déjà sur l'énervement de bus, alors je ne manquai pas de faire remarquer :

"Ouais, bonjour à vous aussi, et merci surtout. Vous embêtez pas pour moi, je m'en voudrais de vous donner du travail."

Puis je me barrai direction l'ascenseur. Deuxième étage à droite hein. J'irai à ton deuxième étage à droite, morue. Je marchai vite, pour empêcher  les portes de se fermer - je ne comptais jamais sur les gens à l'intérieur pour les arrêter pour moi. Dedans, il y avait deux mecs, un gars qui regardait ailleurs, et un autre qui semblait ne pas trop avoir envie de rester là d'un coup. D'ailleurs, au moment où je m'engouffrai, faisant se rouvrir les portes, il fit semblant de voir un truc sur son téléphone pour sortir à toute vitesse.

"Nan mais fait pas semblant, j'ai compris hein."

Puis, lorsque je voulus appuyer sur le bouton du deuxième étage, je vis que c'était le seul déjà activé. Bah ce sera déjà ça, super. J'étais avec un pote galérien. Ca se voyait d'ailleurs, il était encore plus mal en point que moi, c'était limite si je voyais pas un voile de poussière sur lui tellement il paraissait... Euh, abîmé ? Il me rappelait quelqu'un aussi. Mais qui ? Ça c'était une très bonne question. Ca me reviendrait après, sûrement. Plus tard, quand j'aurai été plus détendu. Enfin... Si y'avait pas de problèmes.

Et pile au moment où je pensai ça, voilà que l’ascenseur se décida à être le problème, justement. Il s'arrêta d'un coup, s'éteignit, pour ensuite laisser la lumière d'urgence, une espèce de lumière rouge tamisée. Hey ! On était pas dans un sex shop à mater des strip teaseuses en tube hein ! J'eus un soupire énervé, frappant un coup sur la paroi du box dans lequel j'étais enfermé, avec l'autre là.

"Bon, sérieux, c'est une journée pourrie. Hey, tu crois qu'on peut fumer une clope, ici, en attendant que ça revienne ?"

Je m'étais adressé à mon compagnon d'infortune, essayant de plaisanter, alors même que c'était interdit. En espérant qu'il avait pas seulement l'air à l'ouest et qu'il ne lisait pas le journal. Qui sait ? Peut-être que j'avais là le seul de Bray à pas être au courant du retour de l'enfant prodige au bercail.
©️ 2981 12289 0
Revenir en haut Aller en bas
avatar
Invité

Comme on rêve d'une vie de château quand on vit dans le ghetto
Dagda & Rod

« DANS LA VIE Y A LES TAPES AU FOND ET LES TAPES À CÔTÉ, LES "T'AS PAS UN EURO?" OU LA TAPE À L'ARRACHÉE, Y A L'ETAT, LES R.M.ISTES, LES "T'AS QU'À TAFFER", SI T'ES EN BAS FAUT CRAVACHER, T'AS QU'À PAS LÂCHER. T'AS PAS CONNU ÇA TOI, L'ENVIE D'EMPOCHER LES PATATES, ÊTRE À GAUCHE DROITE FACE À LA MER LOIN DES GALÈRES. »
Tu savais même plus quel jour t’étais. 70 heures que t’avais pas entrouvert tes volets - tu distinguais plus le matin du soir. Vers 16h tu t’endormais, puis tu rouvrais les yeux à 4h, pour te recoucher à 7, et voila qu’il était 14. Tu savais plus le jour de la semaine, ni même l’heure d’ailleurs. T’avais même pas changé de caleçon, encore moins de draps, pourtant tu passais ton temps enroulé dedans. Regarde-toi Rod, une épave, ça faisait même pas 3 jours et tu te supportais déjà plus. Tu t’en voulais de t’infliger ça, mais t’avais trop honte de ta face pour la présenter au soleil. T’as parcouru Twitter, t’y as passé près de deux heures, puis tu t’es senti crevé encore. Mais t’avais faim, alors t’as titubé jusqu’à tes placards. Le frigo était déjà vide, depuis le temps que t’avais pas fait les courses, alors tu prenais plus la peine de l’ouvrir. T’as chopé une soupe en poudre et une boîte de thon. Combien d’heures que t’avais pas mangé ? Une quinzaine peut-être, mais t’avais même pas le courage de mettre de l’eau à chauffer. La seule chose qui t’y a motivé, là, c’est que t’avais froid. T’avais tellement froid que tu le sentais dans tes poignets, et sur le dos de tes mains. Et t’avais la poitrine opprimée, et le ventre qui grognait. Fallait que tu manges, et que tu dormes encore, parce que t’étais trop faible pour continuer à rester éveillé.
T’as commencé à manger ta vieille boîte de thon, debout devant ta bouilloire. T’as galéré à l’ouvrir, parce qu’à force de pas manger, t’avais plus de force dans tes bras. A peine t’as commencé à manger que tu t’es mis à chialer - ça te planait dessus depuis quelques heures déjà. Juste parce que tu te faisais pitié. Mais bon, t’avais faim alors t’as continué à manger, même si larmes et poisson, c’était foutrement trop salé.

Tu sais pas ce qui t’a motivé. Peut-être le SMS ponctué d’insultes de ta mère qui te demandait si t’avais eu des entretiens cette semaine. Peut-être le fait que tu voulais manger un truc appétissant mais que t’avais les poches résolument vides. Peut-être les bruits de pas juste devant ta porte qui t’ont donné envie de déserter les lieux. Toujours est-il qu’à la fin de ta crise de larmes essuyée dans ta couette, t’as décidé d’ouvrir ta fenêtre. T’as inspiré l’air froid qui t’a juste fait partir dans une quinte de toux parce que ça sentait pas forcément bon, et t’as fixé l’horizon qui n’était rien d’autre qu’une bouillabaisse grisâtre peu accueillante et glaciale. Et puis t’es allé te laver - t’as eu que de l’eau froide mais au moins ça t’a réveillé. Tu t’es couvert de vêtements, tu te souciais pas des couleurs, tu voulais juste porter ce que t’avais de plus chaud. Tu savais bien ce qu’on disait, qu’il valait mieux porter un costume qu’un jogging, pour là où tu allais, mais depuis le temps t’avais bien compris que t’étais trop désespéré pour que ça serve. Alors t’avais juste ton vieux pull gris plus que trop grand pour ton ventre trop maigre, et un jean aux bouts rongés, tâché de boue que t’avais jamais pu enlever. T’as enfilé tes baskets, t’as ramassé au milieu des détritus ton CV et ta carte d’identité périmée, et t’es sorti avant de changer d’avis.
Tu connaissais le chemin par coeur, t’es allé jusqu’à l’arrêt de bus en fixant tes pieds. Tu venais de le manquer, t’as dû attendre le prochain en te gelant les mains. Et puis une fois que t’es monté, t’as fouillé 15 fois tes poches à la recherche d’un ticket valide, mais ils étaient tous utilisés, résultat t’as filé au fond du bus et t’as fraudé en faisant comme si t’étais pas là. T’as gardé la tête baissée, parce que le fond, c’était le domaine des cailleras, et t’as senti qu’on te jugeait. Là encore, t’as eu envie de pleurer - mais tu t’es retenu, pour une fois.

Et puis enfin, sur place. Là encore, tu connaissais le chemin, et la standardiste aussi te revenait. Pourtant c’est dingue, même là, t’osais à peine l’aborder à chaque fois. C’était son job pourtant, t’avais juste à lui donner ton nom, elle savait pourquoi t’étais là. T’osais jamais téléphoner, tu savais même pas si ton conseiller pouvait te prendre, et même t’en avais changé plusieurs fois, parce qu’il faut pas se mentir, ils en avaient vite ras-le-bol de ton cas. Coup de chance, aussi rare que ce soit, quelqu’un pouvait te prendre, même si t’allais devoir pas mal attendre. Pourtant c’était moins de la chance qu’une fourberie du destin qui te réservait pire, poissard que tu es.

T’as foutu les pieds dans l’ascenseur, y’avait déjà un type alors tu t’es collé à l’opposé. T’as appuyé sur ton bouton, le deuxième que c’était, et t’as fixé la petite lumière qui s’était allumée à côté. T’es resté là, à la fixer. T’avais encore mal au crâne à cause du froid et du soleil nouvellement retrouvé, et tes problèmes de vue n’arrangeaient rien au tableau. Tu dormirais au retour pour oublier, de toute façon t’en étais sûr, retrouver le contact humain, ça allait te crever. Parler à des gens, les laisser te juger. Eux qui portaient un costume, qui avaient réussi, et toi, misérable dans ton jean délavé. Putain, ce que tu détestais ça - mais si tu voulais manger un jour, il fallait bien que tu approvisionnes le porte-monnaie. Nan mais fais pas semblant, j’ai compris hein. C’est ce que t’as entendu au milieu de tes réflexions, et sur le coup, t’as cru que c’était à toi qu’on parlait. Ça t’a fait frémir, et t’as un peu tourné la tête, t’essayais de savoir où t’avais péché, ce que t’avais encore fait, mais c’était sûr que le problème venait de toi. C’est là que t’as réalisé que le mec avec toi avait changé de fringues. Sur le coup, t’étais tellement largué - alors t’as baissé la tête l’air de rien, t’as fait semblant d’être sourd, aveugle et muet, et t’as fixé tes pieds.

Mais bon, ça commençait à faire un moment sans malchance, ton bus avait pas roulé sur une mine, tu t’étais pas fait choper par un contrôleur et la standardiste t’avait pas jeté - forcément qu’une merde devait arriver avant que tu rentres chez toi. T’as mis un moment de trop à réaliser que t’étais tout à coup coincé dans l’ascenseur… Et que t’étais pas tout seul. Déjà là, t’es devenu livide quand t’as compris, le sang avait quitté ta face. Toute ta vision avait viré au rouge, et tu t’es mis à fixer toutes les cloisons comme si ça allait aider. Ses coups de poing sur la paroi avaient résonné en toi comme si c'est sur toi qu'on avait tapé. T’avais perdu ta langue du même coup, et c’est là que ton compagnon d’infortune t’a ramené à l’ordre, et que tu t’es senti obligé de relever les yeux vers lui. Et t’as plissé les yeux de toutes tes forces, t’as rapproché ta tête comme un miro, et tu l’as globalement reconnu. Sur l’instant t’as carrément zappé son nom, mais tu savais parfaitement qui c’était - et c’était pas le type que t’aurais aimé fréquenter. Quand il t’a demandé avec colère s’il avait le droit de fumer, t’as eu peur qu'il soit pris d'une envie de te frapper et t'as derechef baissé la tête comme une victime - t’as répondu sagement, en balbutiant d’une voix un peu brisée parce que ça faisait des jours que t’avais pas parlé. « Ça ne me dérange pas » que tu lui as dit, alors que bien sûr, ça te dérangeait - y’avait pas d’aération et l’odeur de cigarette allait te donner envie de fumer. Et puis t’as dégluti lourdement, et tu t’es appuyé contre la paroi de l’ascenseur mine de rien, en te disant qu'il ferait le nécessaire, que lui au moins savait comment faire. T’as commencé à faire comme si t’étais pas là, sauf que y’avait que vous deux, alors t’avais juste l’air con.
(c) DΛNDELION
Revenir en haut Aller en bas
avatar
Invité
Dans la vie y a les tapes au fond et les tapes à côté, Les "T'as pas un euro?" ou la tape à l'arrachée, Y a l'Etat, les R.M.istes, les "T'as qu'à taffer", Si t'es en bas faut cravacher, t'as qu'à pas lâcher. T'as pas connu ça toi, l'envie d'empocher les patates, Être à gauche droite face à la mer loin des galères.Être enfermé dans un ascenseur avec un type qui trouvait ses chaussures hyper intéressantes, c'était le genre de choses qui arrivaient quand tu avais un fichu karma maudit depuis au moins une dizaine de génération. J'en venais à me demander si j'avais pas été chasseur dans une autre vie pour en prendre autant dans la gueule d'un coup. Est-ce qu'il y avait réellement ce principe de réincarnation ? C'était une question par contre très intéressante à laquelle je me promettais d'y trouver une réponse, un jour. Dans tous les cas, lorsque j'avais demandé si on pouvait se griller une clope, il m'avait regardé un peu comme s'il s'attendait à voir les trous de mes pores, et sembla m'avoir reconnu. Et merde... Encore un qui allait me fuir comme la peste. Sérieusement, si un jour j'arrivais à pécho une nana avec les casseroles que je me trainais, je la lâcherais certainement pas. Bon au moins, ça le dérangeait pas, qu'il disait. A moins que je lui fasse peur et qu'il cherchait surtout à ne pas me contredire ? Pff, j'allais pas non plus lui coller une grosse beigne dans sa figure parce qu'il m'avait dit genre, je fume pas, j'aime pas, ou même va chier, ça va vite revenir hein.

"Hey, relax, pète un coup, je vais pas te buter tu sais."


Pas forcément la meilleure chose à dire dans ce cas de figure, surtout s'il savait que j'avais été emprisonné pour meurtre, mais il m'avait gonflé. On était dans un ascenseur, dans un bâtiment administratif, où il y avait une sécurité. Et il m'avait rien fait. J'allais pas m'en faire mon quatre heures pour finir en taule pour le dîner hein. J'avais retrouvé ma famille à peine quelques jours plus tôt, je ne voulais pas les quitter aussi vite, voire même plus jamais. Et puisqu'il n'avait pas l'air d'être vraiment contre - s'il l'était, il allait ouvrir sa bouche tout seul - je pris une clope dans ma poche, la menai à ma bouche pour ensuite l'allumer. Cela me fit un bien fou. Je n'aimais plus les endroits clos, pas au point d'en devenir malade et de les fuir, mais du genre à vouloir fumer une clope là où c'était interdit en tout cas.

Et une fois la deuxième latte entamée, je me décidai à appuyer sur le bouton d'alerte de l'ascenseur, histoire quand même qu'on vienne nous aider, passant du coup devant mon compagnon. Et quand une voix grésilla dans le haut parleur un peu dégueulasse pour me dire que l'entreprise, blablabla, avait bien reçu notre problème, je fis un claquement de langue réprobateur. Ca, ça signifiait qu'on était dans la merde pour un moment. Alors autant s'occuper un peu... Je dévisageai le jeune homme, il me disait vraiment quelque chose. Donc, je finis par lui demander :

"Dis moi, tu traînais pas dans des soirées un peu chelou y'a quelques années ? Ta tête me dit quelque chose, mais alors, savoir quoi..."

C'était peu, mais au fur et à mesure que je parlais, ça commençait à revenir. Je voyais une soirée en particulier défiler sous mes yeux, une où mes potes m'avaient encore emmerdés sur Caradoc qui était gay, disant que je l'étais aussi. Bon, j'étais plutôt accro aux filles, mais j'avais du coup voulu m'en donner la certitude : étais-je aussi attiré par les mecs ou pas ? Alors, j'avais cherché le premier mec qui avait une tête à pas coller une beigne dès qu'on lui demandait un baiser, juste pour tester. Et celui-là, il m'avait paru parfait. Ce gars là, ouais. C'était lui. Bordel, on m'avait dit son prénom, j'savais plus, Gord ? Drog ? Rod ? Un truc du genre, aucune idée.

"J't'aurais pas roulé une pelle dans une soirée ? Même que je t'ai lâché après ? Si c'est toi, Dor ? Rod ? Mince, ça remonte."

Je lui fis une tape sur l'épaule, fallait dire que j'étais content, bien que ça soit tout seul. Et puis peut être que ça le détendrait car il avait l'air constipé à faire cette tronche et à mater ses pompes. Alors, j'eus une idée, peut être qu'il voulait fumer une clope et osait pas demander. Alors, coinçant ma blonde entre mes dents, je fouillai ma poche pour lui en filer une, d'autorité, et la lui allumer directement.

"Tient, fume une clope, quitte à être là pour un moment, autant que tu sois à l'aise. Bon sang, t'es au moins aussi grand que moi sinon plus, détend toi, j'suis pas une menace, on est tous les deux des cures dents en plus."

Puis, je rangeai mon briquet pour récupérer ma clope entre mes doigts et sourire un peu bêtement. En espérant pas l'effrayer, eh, je suis pas un monstre. Autant qu'il tire quelques lattes et qu'il soit plus zen quand je recommence à parler :

"Ca fait bizarre que le premier type à qui je cause en ville, ce soit toi, tient."


Discuter pour faire passer le temps, peut être bien que ça me rendrait moins menaçant auprès d'une personne. Ca changerait pas grand chose à l'échelle d'une ville, mais au moins, ce serait une personne après l'autre. Je ne pouvais pas tout faire en même temps non plus, comme diraient les alcooliques anonymes, à chaque jour sa peine.
©️ 2981 12289 0
Revenir en haut Aller en bas
avatar
Invité

Comme on rêve d'une vie de château quand on vit dans le ghetto
Dagda & Rod

« DANS LA VIE Y A LES TAPES AU FOND ET LES TAPES À CÔTÉ, LES "T'AS PAS UN EURO?" OU LA TAPE À L'ARRACHÉE, Y A L'ETAT, LES R.M.ISTES, LES "T'AS QU'À TAFFER", SI T'ES EN BAS FAUT CRAVACHER, T'AS QU'À PAS LÂCHER. T'AS PAS CONNU ÇA TOI, L'ENVIE D'EMPOCHER LES PATATES, ÊTRE À GAUCHE DROITE FACE À LA MER LOIN DES GALÈRES. »
T’essayais tant bien que mal de disparaître, mais t’es con Rod, parce qu’avec ta grande taille et tes larges panards, t’étais juste immanquable. T’avais juste l’air d’un hibou à essayer de rentrer ta tête dans tes épaules, ou d’un vautour à tordre ton cou pour y parvenir, sans succès. Tu sentais qu’il te lorgnait dessus, et que ça lui déplaisait. T’avais presque envie de t’excuser d’être là, d’exister, tu te disais qu’il aurait préféré rester coincé tout seul plutôt qu’avec toi, et t’étais plutôt d’accord. T’étais le mieux placé pour savoir que se retrouver coincé avec toi c’était pas le pied, parce que tu vivais avec depuis 27 ans maintenant, et ça en faisait 27 que ça te gonflait. Je vais pas te buter, qu’il t’a lancé. L’intention était surement bonne, mais il avait pas le ton le plus doux et innocent qu’il soit, et d’entendre un te buter sortir de sa bouche, c’était clairement pas pour te mettre en confiance. Tu t’es débattu un moment avec toi-même, hésitant entre flipper pour ta vie et supplier, ou bien faire preuve d’un peu de réflexion pour une fois et réaliser que tu risquais rien. En plus, il avait pas de raison de te buter - mais bon, de tous les gens qui t’avaient traité comme un sale chien, y’en a pas des masses qui avaient une raison de le faire non plus, alors c’était bien le dernier argument que tu te sortais. « Pardon, je voulais pas vous vexer » tu lui as balbutié, en relevant très vite les yeux vers lui pour les rabaisser derechef. Combien de fois on t’avait dit de regarder dans les yeux pendant que tu causais, et combien de fois on t’avait dit de baisser les yeux devant plus fort que toi. Tu l’avais appris ça, par coeur, sur chaque parcelle de ta peau, et bien mieux que tes cours de toute évidence. Tu le vouvoyais en plus, parce que sur le coup, tu savais pas comment tu devais faire. Y’avait aucune raison pour que vous soyez familiers, t’avais pas envie qu’il te le reproche, même si ça te dérangeait pas quand lui le faisait. En somme, j’crois pas que quiconque t’ait déjà vouvoyé, même les gosses, ils te respectent pas.
Il s’était mis à fumer. Comme prévu, pas d’aération, ça t’est venu aussitôt dans le nez. T’as eu envie de tousser, mais t’osais pas déranger le silence alors t’as juste porté ton poing à tes lèvres et tu t’es retenu. Longuement. T’avais envie de renifler l’air comme un toxico aussi, mais t’avais trop envie de tousser pour te le permettre. Et à force de te retenir, et de garder les yeux ouverts dans la fumée de clope, t’as tes deux globes qui ont commencé à se mouiller comme si t’allais pleurer. Et quand t’as réalisé que les larmes montaient toutes seules, t’as eu foutrement honte - t’avais pas envie de pleurer devant lui, sans raison valable en plus, et t’as lutté de toutes tes forces pour les contenir comme tu contenais ta toux. T’étais tellement concentré - tu t’étais mis dans l’idée que tu te retiendrais jusqu’à ce qu’on vienne vous sauver.

Et tu te retenais.

Il est passé juste devant toi, te frôlant par la force des choses de par l’étroitesse de la cabine, et tu retenais à tout prix ta toux pour ne pas la relâcher sur lui et avoir l’air de lui manquer de respect.

Tu retenais. Tu retenais encore.

Et tu t’es retenu jusqu’à ce qu’il pose sa question stupide. L’allusion de trop - à cette soirée que ton esprit anxieux n’avait certainement pas oublié, mais tu avais tant espéré que ce ne soit pas son cas. Alors tu as tout relâché et tu t’es mis à tousser - et à avaler ta salive de travers, et donc à tousser encore, et à faire couler les quelques larmes qui te bordaient les yeux. Puis sa seconde question, et là t’as cessé de tousser, mais tu t’étranglais encore en silence, le visage un peu déformé qui rougissait à cause de la honte, la honte intersidérale qui te donnait l’envie de t’enterrer à dix milles lieues sous terre pour qu’on oublie tout ton être.
Oh, merde, il s’en souvenait aussi bien que toi. Ton premier baiser, désastreux au possible. T’étais ivre et drogué mais je suis même pas sûre que tu l’as un jour réalisé - et quand il s’est penché sur toi - ah, t’as même pas eu envie de t’y opposer. C’était tellement rare qu’on fasse preuve de douceur envers toi, tu avais apprécié le contact, toi. T’aurais même pas été contre qu’il se prolonge un peu, comme t’aurais rêvé qu’il te prenne un peu contre toi. Bien sûr, là tout de suite, t’aurais préféré courir un marathon que d’avoir à subir un contact de ce genre de la part d’un pareil malfrat. Et de toute façon ça n'arriverait pas, parce qu'à part trouver le moyen de te coller un râteau alors que le baiser venait de lui, il t’avait pas fait grand chose. T’avais eu tellement honte d’avoir cédé à son invitation - et comme t’étais bileux, ça t’arrivait des fois, quand tu faisais l’inventaire des erreurs de ta vie, de repenser à celle-là et de regretter encore. Et à présent qu’on te remettait en sa présence, t’avais encore honte - alors que ça remontait déjà.

T’aurais pu faire semblant que c’était pas toi. Enfin, vu ta réaction, c’était un peu mort, mais même dans le cas contraire, t’aimais trop peu le mensonge pour oser te le permettre. Alors t’as fui son regard, et t’as galéré à retrouver ta voix, t’avais l’air d’une pucelle énamourée, même si énamouré tu l’étais pas. T’avais même pas encore retrouvé ta voix qu’il t’avait déjà refilé une clope dans le bec, l’air parfaitement détendu. Forcément, c’était un gars normal, et un gars normal plaisantait sur le sujet. Mais toi, t’avais toujours pas fini de regretter. En tout cas t’as accueilli la cigarette avec plaisir, trop heureux d’en avoir une et trop peureux pour refuser. T’en as pris une bouffée, et mine de rien ça t’a un peu aidé, t’as trouvé quelques mots que t’as pu lui déballer. « Je.. C’était Rod. Merci.. Ouais c’est bizarre. » - un ricanement nerveux - « Désolé, je ne suis pas très bon pour la conversation ». Parce que t’étais de ce genre de gars insupportable qui ressent le besoin de s’excuser à tout va. Tu te rends même pas compte qu’à jouer les victimes, tu laissais une impression de culpabilité sur ceux qui te côtoyaient. Mais bon, t’y pouvais rien, une victime tu l’étais. T’es resté encore un peu silencieux, regard baissé, à fixer ta clope - tu la tenais à un pouce de ton nez, pour être capable de bien la voir, ça te distrayait et ça te détendait.
Et puis après, t’as commencé à culpabiliser d’avoir plombé l’ambiance et la conversation, alors t’as dégluti et t’as relevé la tête vers lui. T’osais pas le regarder dans les yeux alors t’as regardé sa joue, sa bouche, sa narine, t’essayais d’accrocher ton regard à n’importe quoi mais pas son oeil, pour pas te donner l’air trop empoté, sauf que comme t'étais bigleux, il avait le visage trop lisse. Tu t’es dis que t’allais lui dire un truc, pour relancer, peut-être lui demander ce qu’il foutait hors de prison. T’avais l’impression que c’était hier qu’on t’avait dit qu’il avait fini incarcéré, parce que le temps passait vite pour toi qui dormait à longueur de journée. Tu savais pas ce qu’il foutait là, tu savais pas pourquoi il était dehors, tu savais pas s’il s’était fait la malle ou s’il avait été relâché - ou s’il avait juste fini son temps de taule et qu’il était grand temps que tu t'achètes un calendrier. Mais tu savais pas comment formuler la question, alors au final, t’as juste sorti un gargouillement stupide assez proche des murlocs de Warcraft, et tu t’es trouvé tellement ridicule que t’as derechef rabaissé ta tête en t’insultant un bon demi milliard de fois dans tes propres marmonnements. « Quel crétin » que tu te répétais, « c’que t’as l’air con, juste tais-toi et arrête », et tu continuais tout bas dans de piètres balbutiements.
(c) DΛNDELION
Revenir en haut Aller en bas
avatar
Invité
Dans la vie y a les tapes au fond et les tapes à côté, Les "T'as pas un euro?" ou la tape à l'arrachée, Y a l'Etat, les R.M.istes, les "T'as qu'à taffer", Si t'es en bas faut cravacher, t'as qu'à pas lâcher. T'as pas connu ça toi, l'envie d'empocher les patates, Être à gauche droite face à la mer loin des galères.Je l'avais reconnu avec un peu de difficulté, et même qu'il semblait particulièrement choqué que je me souvienne de lui. Il avait toussé comme un tuberculeux en phase terminale, déjà qu'il avait l'air totalement aveugle, s'il allait crever de ça, c'était juste un type avec une poisse monumentale. En tout cas, il s'en souvenait aussi, je devais lui avoir laissé un souvenir impérissable... Ouais alors, je sais bien que j'peux être canon ou des choses comme ça, mais il devait pas avoir eu grand monde dans sa vie s'il se souvenait d'un gars comme moi qui lui avait roulé une pelle pour l'oublier deux secondes après. Ou alors, comme il venait de le dire, c'était bizarre. Fallait croire qu'on se souvenait mieux des trucs bizarres, n'est-ce pas ?

Cependant, après son ricanement, il dit une phrase qui me laissa légèrement pantois. Mais genre... Désolé, je ne suis pas très bon pour la conversation. Mais il croyait qu'il faisait quoi là en fait ? On discutait, et ça passait le temps. Bordel, ce que c'était ridicule... Il allait me faire quoi après, s'excuser parce qu'il fumait ? Ou pire encore, parce qu'il avait soif ? J'eus un rire un peu blasé. C'était donc ça l'effet que je faisais aux gens, ils s'excuseraient de pas avoir des choses à m'dire ? J'étais pathétique. Et Rod avec d'ailleurs tient, parce que tandis que j'étais en train de me morfondre, lui il ressemblait à un schizophrène qui parlait tout seul avec ses voix sorties de nulle part. Surtout qu'il avait l'air d'avoir regardé chaque centimètre carré de mon visage, jusqu'à l'intérieur de mes narines. Enfin s'il était capable de les voir hein... Parce que bon, il était plus grand que moi mais on aurait dit qu'il se pliait en deux juste pour s'excuser d'être aussi grand.

"J'avais remarqué, t'es pas très causant. Bon allez, je t'en veux pas, arrête de faire ton Dobby, on dirait que tu vas bientôt te repasser les mains."


Tout en parlant, totalement blasé, je finis par fouiller dans mes poches, pour y trouver un bonbon au chocolat emballé dans un papier tout froissé. Oh zut, il était encore mangeable ou pas ? Coincant ma clope entre mes dents, je pris mes deux doigts pour le dérouler, tirant sur les deux côtés de l'emballage, et enfin je rapprochai le bonbon de mes yeux pour l'observer. Il m'avait l'air tout à fait parfait, vraiment. Alors, sans plus de cérémonie, je le lançai vers ma bouche ouverte.

Ce qui, vous le comprendrez très vite, était une très mauvaise idée. Pourquoi ? Hé bien tout simplement parce que l'ascenseur bougea. Et il ne se remit pas en route non ! Il descendit d'un coup d'un bon mètre, comme si on avait coupé le fil pour ensuite le fixer à nouveau. Et la lumière avait clignoté... Pour redevenir rouge. Bon au moins... On avait encore la lumière. En revanche, j'avais avalé le chocolat de travers et je toussais comme un malade, ne sachant pas trop si je devais l'avaler pour de bon ou le recracher. J'allais crever, et en plus je n'étais même pas certain que Rod oserait venir m'aider, ou même s'il pourrait m'aider, vu sa poisse qui était juste légendaire à cet instant précis. Je devais même être totalement blême, non pas tellement à cause de l'embardée de la boite de fer dans laquelle nous étions enfermés, mais parce que j'avais du mal à respirer.

Au moins, au bout d'un moment je parvins à le recracher,le coinçant entre mes dents pour ne pas le jeter par terre. Je toussai encore un peu, la gorge douloureuse, des larmes dans les yeux, bordel ça faisait mal ce truc ! Mais pas fou pour un sous, je finis par croquer dans le chocolat pour l'avaler. Eh ! On ne plaisantait pas avec le chocolat, c'était importa nt. Surtout que je n'en avais pas bouffé durant tout le temps que j'avais passé en prison. Pas un pauvre petit morceau. Pareil que la clope d'ailleurs...

Le temps de reprendre mes esprits, je finis par enfin dire quelque chose à mon cher compagnon de galère :

"Eh, faudra que tu m'expliques : tu m'as filé ta poisse ou bien quelqu'un m'a maudit ? Parce que sérieusement, ça n'arrive que dans les films, des trucs pa-..."


Et j'avais à peine le temps de songer à terminer ma phrase que ça recommença. Encore un bon mètre vers le bas. Sérieusement ? C'était comme ça qu'on comptait réparer ce putain d'ascenseur ?! Là je commençais à paniquer. On devait aller au deuxième étage. On était parti du rez-de-chaussée. Vu la vitesse de l'antiquité, on devait être à peu près au premier. On venait de descendre grosso modo deux mètres... Vraiment grosso merdo en fait. Tablons sur trois mètres, juste pour être préparé au pire. On devait être de retour au rez-de-chaussée. Et il avait ensuite un sous sol, qui correspondait au parking, en dessous. Non, deux étages de parking. En gros... Si on descendait d'encore six mètres, d'un coup, on pouvait crever. Avec la vitesse, le choc, l'écrasement... Ouais, on pouvait crever. Non, vraiment, crever comme ?! Très peu pour moi !

"Hey, faut qu'on sorte de là, sérieux, je veux pas crever dans un putain d'ascenseur, alors que je sors tout juste de taule ! Merde, faut un moyen de sortir de là !"


Et à peine avais-je formulé ça que je vis la trappe de secours au plafond. Forcément. Je levai les bras, j'arrivais à toucher la plaque, mais pas à la déplacer. Je regardai alors Rod, qui était plus grand que moi de quelques bons centimètres. S'il se tenait droit, ça pourrait être utile...

"Hey Rod ! Ouvre ça là, la trappe ! On va sortir par là, j'veux pas rester une minute de plus ici !"

©️ 2981 12289 0
Revenir en haut Aller en bas
avatar
Invité

Comme on rêve d'une vie de château quand on vit dans le ghetto
Dagda & Rod

« DANS LA VIE Y A LES TAPES AU FOND ET LES TAPES À CÔTÉ, LES "T'AS PAS UN EURO?" OU LA TAPE À L'ARRACHÉE, Y A L'ETAT, LES R.M.ISTES, LES "T'AS QU'À TAFFER", SI T'ES EN BAS FAUT CRAVACHER, T'AS QU'À PAS LÂCHER. T'AS PAS CONNU ÇA TOI, L'ENVIE D'EMPOCHER LES PATATES, ÊTRE À GAUCHE DROITE FACE À LA MER LOIN DES GALÈRES. »
Tu prenais tellement de pincettes débiles pour arranger ton cas, tu voulais pas le contrarier surtout, sait-on jamais. Tu voulais pas le mettre mal à l’aise, lui donner d’autres raisons de te mépriser, y’en avait déjà beaucoup trop. Alors tu t’excusais, et plus tu t’excusais, plus tu te disais que ça devait le déranger, et t’avais envie de t’excuser pour t’être excusé. C’était pas lui en particulier en plus, t’aurais fait ça avec globalement n’importe qui. Même si le taulard qui connaissait ton prénom, forcément, ça rajoutait une petite pression. Forcément, il te l’a reproché - c’était pas mal intentionné au contraire, mais pour toi ça sonnait jamais que comme un reproche. Clairement, t’étais seul responsable - lui, il était bien, t’avais rien à redire à ce qu’il était. Ça le faisait rire jaune aussi, du moins tu l’interprétais ainsi. Un rire qui te faisait te sentir comme un poids. Mais tu pouvais pas t’excuser encore une fois, pas vrai ? Ça aurait juste empiré ce foutoir.
Dobby, c’est à ça qu’il t’a comparé. T’as jamais lu les Harry Potter, t’en as regardé quelques uns mais t’as eu un peu de mal à retrouver la référence dans ton crâne. Tu comprenais pas pourquoi il voulait que tu te repasses les mains, mais ça sonnait assez douloureux dans ton esprit, et tu tenais pas vraiment à savoir. T’as dégluti lourdement et t’as détourné le regard, en espérant qu’il oublie. Pour ça, t’es resté silencieux, mais ça te faisait culpabiliser comme il te reprochait justement de pas parler assez. Pourtant, il valait mieux ça que de t’humilier sur une tentative de phrase qui sonnait comme du simlish. T’avais la gorge nouée, l’estomac aussi, la bouche, le coeur, t’étais noué des pieds à la tête tellement t’avais honte de ce que t’étais. Et chaque seconde, t’avais envie de t’exclamer un « Pardon » de toute ta voix, et de fondre en larmes avec ça, mais t’en étais juste même pas capable. T’osais pas, c’est fou ce qu’il t’intimidait.

Lui par contre, il s’en foutait royal. Pour dire, il était ici comme chez lui, il déballait même du chocolat. L’odeur sucrée est remontée jusqu’à ton nez entre les relents de clope et t’en as tellement eu envie. C’est que ça revient cher le chocolat, mine de rien, du coup toi aussi tu t’en passais. Tu l’admirais, ce gars - pas parce qu’il avait fait de la prison ou parce qu’il roulait des pelles pour jeter les gens juste après, mais parce qu’il arrivait à rester détendu entre quatre cloisons avec un autre mec juste à côté. Si seulement t’en étais capable, tu donnerais tout ce que t’as pour y parvenir rien qu’une fois, mais faut dire aussi que t’as pas grand chose. Alors… Alors t’as concentré ton esprit sur ce que tu pouvais. Ta clope en l’occurrence. D’ailleurs, c’était pas ta clope. Même alors qu’elle était entre tes doigts, qu’elle était entre tes lèvres, qu’il te l’avait clairement donnée, tu te sentais comme s’il avait pu te la reprendre. Parce que sans ça, t’aurais eu l’impression de devoir la payer.
Et là… Là… L’ascenseur s’est affaissé. Brusquement, sans que rien ne le laisse présager. On va pas se mentir, t’as poussé un cri à en faire pâlir un soprano féminin. Mais pour le coup, ça t’a tellement fait peur que tu t’en es pas soucié, t’as eu les genoux en coton et tu t’es collé contre une paroie comme si ça allait te sauver. T’as enchaîné sur un « c’était quoi ça ?! », t’avais le coeur à six cent battements minutes, t’as cru que t’allais dégueuler - tu voyais rien en plus, les clignotements rouges comme ça, ça te niquait les yeux. C’est comme si ta fin était venue te chercher. Même si t’étais un peu con Rod, parce que ta fin tu la connais, pour l’avoir vue vingt fois - et c’est pas dans un ascenseur que ça se passera.

Pour une fois - et c’est assez rare pour le préciser - tu ne fus pas le plus malchanceux du tas. T’as pas mis longtemps à remarquer que ton camarade d’infortune était en train de s’étrangler, probablement avec le chocolat susnommé. Et, c’est bête hein, mais t’as eu peur pour lui et presque plus du tout pour toi. T’as vraiment cru qu’il allait mourir comme ça, sous tes yeux, qu’il allait te laisser tout seul dans ta merde parce que t’étais pas foutu de le sauver, et t’avais le palpitant toujours au max. T’étais horrifié en le regardant, et pour être honnête, t’as pas vraiment hésité. Parce que t’étais quelqu’un de gentil Rod, même si carrément nouille sur les bords et au milieu. Mais t’avais jamais appris à sauver des vies. Alors tu t’es presque jeté sur lui pour lui taper dans le dos - le truc à ne jamais faire, mais tu connaissais même pas l’existence de la manoeuvre de Heimlich. T’avais croché dans son bras, tu mourrais sur place d’envie de l’aider. Heureusement pour toi, il s’en est quand même tiré, parce qu’avec tes conneries, le chocolat aurait pu s’enfoncer trois fois plus et il aurait définitivement crevé.
Le plus pitoyable, c’est que t’étais presque aussi pâle que lui, avec autant de larmes dans les cils, tellement il t’avait fait flipper. Entre ça et les conneries de l’ascenseur, faut dire que t’étais pas très loin de la crise d’anxiété. T’étais figé comme dans un semi-élan, mi-inquiet mi-horrifié, la bouche ouverte comme un poisson, comme attendant d’être certain qu’il s’en était tiré. Mais sa réplique suivante, faut être honnête, elle t’a touché assez profondément. Ça cognait si fort en dedans, parce que tu te disais qu’il avait raison. T’étais le gars le plus poissard que tu connaisses, et il était coincé avec toi - ça le foutait en danger, bien malgré toi. Ça le foutait en danger alors qu’il sortait tout juste de prison. C’était ta faute, s’il crevait là. Juste parce que t’étais pas foutu d’avoir un pet de chance dans ton existence misérable. Et alors que tu te noyais dans la culpabilité, la cabine a refait des siennes, t’arrachant une supplique quasi-déchirante alors que tu as resserré carrément ta prise sur son bras, comme si ça allait vous sauver. T’avais les jambes tellement molles qu’elles ont bien failli céder, et t’étais tellement recroquevillé dans tous les sens que Dagda était rendu plus grand que toi. « Je suis désolé, je suis tellement désolé ! » tu lui as balancé d’une voix trop forte et sans bégaiement cette fois, parce que c’était totalement spontané. T’y réfléchissais même pas, t’avais juste besoin de l’exprimer. « Si j’étais pas aussi malchanceux... » Et puis tu t’es un peu étranglé. Sans chocolat hein, juste parce que ça n’allait pas.
On aurait dit que t’avais pris un coup de fouet. T’avais peur d’un truc, tu sais pas trop quoi - d’avoir sa mort sur ta conscience peut-être, ou quelque chose comme ça. Ses mots, à chaque fois ça te faisait culpabiliser, ça te faisait comme des électrochocs. Tu t’es redressé autant que t’as pu, t’avais les mains qui tremblaient, t’étais franchement pas bien. T’avais peur qu’au moindre geste déplacé, tu provoques la chute de la cabine et le point final de vos vies pitoyables. T’osais même plus le regarder tellement tu te sentais coupable, et t’as obéi comme un chien - t’as déplacé la plaque, t’as dégagé le trou avec le peu de force que t’avais, après avoir tâtonné pour la trouver et galéré un moment pour comprendre comment on faisait. Puis tu t’es affalé de nouveau, tu t’es appuyé à ce que tu pouvais comme si t’avais fait l’effort de ta vie. T’as dégluti de travers, t’as réuni tes mains et tu les lui as présenté en baissant encore les genoux comme un moins que rien - pour lui faire la courte et l’aider à s’en tirer. C’était ta faute après tout, si y’en avait un de vous qui devait crever c’était bien toi. Juste après, t’as réalisé que ça suffirait sans doute pas, à cause du peu de force que t’avais, t’aurais pas été foutu de le soulever. T’étais tellement honteux, mais t’as posé les genoux à terre pour mieux prendre appui. T’as même hésité à te mettre à quatre pattes pour qu’il te piétine le dos comme un marche-pied, mais t’avais déjà trop envie de mourir pour ça. Cela dit, il te l’aurait demandé que tu te le serais pas fait dire deux fois.
(c) DΛNDELION
Revenir en haut Aller en bas
avatar
Invité
Dans la vie y a les tapes au fond et les tapes à côté, Les "T'as pas un euro?" ou la tape à l'arrachée, Y a l'Etat, les R.M.istes, les "T'as qu'à taffer", Si t'es en bas faut cravacher, t'as qu'à pas lâcher. T'as pas connu ça toi, l'envie d'empocher les patates, Être à gauche droite face à la mer loin des galères.Je me montrais un peu dur avec ce type, j'en étais presque désolé, mais il avait ce truc qui donnait juste envie de le secouer, de le réveiller, parce que c'était bien beau d'être autant blessé par la vie qu'on ne savait que s'excuser d'exister, mais il fallait être un tout petit peu plus fort, juste de quoi rester fier face au reste du monde. Quitte à s'excuser tout seul dans le noir de sa chambre. Ce que je faisais quoi. Bien que je ne sois pas un exemple parfait, il fallait dire que je n'étais pas vraiment le modèle sur qui les jeunes devaient se pencher, vraiment. Car sous cette jolie apparence de mec qui en a rien à foutre, j'étais juste une grosse loque.

Une grosse loque qui voulait absolument sortir de cette fichue cabine d'ascenseur. Je pouvais gérer qu'il soit coincé entre deux étages et attendre que les techniciens se mettent au boulot pour me sortir de là, j'avais des clopes et du chocolat à bouffer, c'était déjà ça, n'est-ce pas ? Je pouvais attendre toute la journée, de toute façon si on me demandait pourquoi j'avais mis autant de temps à venir, la Mairie elle même me servirait d'alibi, si ce n'était pas génial ça ? Alors j'avais attendu... Jusqu'à ce que cette espèce de pétage de câble de la boite de fer ne manque de me tuer - avec la complicité de Rod d'ailleurs. Ce type, faudrait vraiment que quelqu'un lui apprenne que taper dans le dos d'un gars qui s'étouffe, c'était genre la pire chose à faire. Merci à mon instinct de survie, hein ? Mais ça allait, et il se rattraperait. Parce que la nature l'avait doté d'une taille bien supérieure à la mienne, largement de quoi pousser la plaque qui ouvrirait l'issue de secours de l'ascenseur. Je le guidai même, sympa le Dagda hein ?

"Ouais voilà tu pousses là, et ça va se dégager tout seul, parfait ! Merci mon pote, t'as géré."


Je lui fis un sourire ravi, levant le pouce histoire quand même qu'il se sente pas comme une merde. Parce que mine de rien il avait géré la fougère en m'aidant, il aurait pu se rouler en boule dans un coin, terrorisé et ne plus bouger. La pire idée, mais les gens pouvaient parfois se laisser aller à des idées particulièrement débiles, n'est-ce pas ? J'en étais le premier, à tuer un mec pour défendre ma soeur. Même si je n'avais pas eu le choix. J'écrasai d'ailleurs ma clope à terre, sans pitié, pour me préparer à sauter pour attraper de mes mains les rebords de la sortie, quand je vis Rod se lancer dans un étrange manège. D'abord, réunissant ses mains pour m'aider en faisant la courte échelle, puis en se mettant à genoux. Je le regardai un peu de travers, il était... Si serviable. Mais, j'étais quand même assez grand et lourd, il avait eu du mal à soulever une plaque, alors un humain qui s'appuierait ? Même pas en rêve, j'étais pas un tortionnaire non plus. Alors je me penchai pour attraper ses mains et le relever. Bon sang, j'étais pas un monstre, je n'allais pas lui en demander autant, si ? Mec, réveille toi, rend toi un peu compte de tes limites !

"Non mais, le prend pas mal, t'es un chic type, hein, mais... Je pense pas que tu puisses me soulever. Allez, lève toi, mec, j'vais monter tout seul puis je te tirerai pour que tu viennes avec moi, ok ?"

Et enfin, sans demander plus, je finis par sauter, pas trop fort histoire de ne pas provoquer de nouvelles turbulences, puis je me hissai par la force de mes bras vers le toit de cette boite de l'enfer. J'y parvins sans trop de mal, merci la prison qui me laissait le temps d'entretenir ma forme. Et je constatai que nous n'étions pas trop loin de la porte de sortir de l'ascenseur au niveau rez-de chaussée, ou un truc du genre. Peu m'importait, je voulais juste qu'on se barre en vrai. Alors, je me penchai sur le trou qui me reliait à Rod, lui tendant alors ma main, comme promis. C'était une crevette ce type, même s'il était plus grand que moi, il devait par contre peser moins lourd. J'avais même l'impression d'avoir en face de moi un type complètement famélique, qui mangeait pas à sa faim. Ok, en prison j'avais pas forcément des repas de malade, et à la maison, c'était pas du grand art, mais j'étais pas non plus maigrissime. Enfin, j'espérais... J'avais surtout du muscle en fait, vu le temps que je passais à m'entretenir. J'étais de ceux avec ces muscles noueux, secs, mais super fins. Je n'étais jamais parvenu à être barraqué comme j'aurais voulu l'être, quelques années auparavant.

"Allez, attrape, je vais te tirer !"


Et j'attendis qu'enfin, il me prenne la main pour le tirer, et ensuite le mettre à mes côtés sur la plateforme, essayant de ne pas trop brusquer les choses. En espérant y arriver parce que si on devait avoir une nouvelle chute, là, on risquait de passer par dessus le trou, et la chute risquait à minima de faire mal. A minima. Sans parler du risque certain de claquer sur ce coup là. Et clairement, ça me tentait vraiment moyen ce type de mort là. Limite, je préférerais me bourrer la gueule et ne plus jamais, jamais me réveiller. Et les gens qui récupérerait mes organes seraient bourrés eux aussi, non ? Aucune idée et je m'en foutrai bien une fois mort en fait.
©️ 2981 12289 0
Revenir en haut Aller en bas
avatar
Invité

Comme on rêve d'une vie de château quand on vit dans le ghetto
Dagda & Rod

« DANS LA VIE Y A LES TAPES AU FOND ET LES TAPES À CÔTÉ, LES "T'AS PAS UN EURO?" OU LA TAPE À L'ARRACHÉE, Y A L'ETAT, LES R.M.ISTES, LES "T'AS QU'À TAFFER", SI T'ES EN BAS FAUT CRAVACHER, T'AS QU'À PAS LÂCHER. T'AS PAS CONNU ÇA TOI, L'ENVIE D'EMPOCHER LES PATATES, ÊTRE À GAUCHE DROITE FACE À LA MER LOIN DES GALÈRES. »
Faut croire que tu devais sacrément lui faire pitié, au mec. Tu l’attendrissais peut-être un peu avec ta tête baissée, tes mouvements maladroits, tes tentatives désorganisées pour faire de ton mieux et ne pas le contrarier. Ou peut-être juste que vous étiez des compagnons de galère et que t’étais le seul assez crétin pour te sentir coupable de ce que tu subissais autant que lui. Mais bon, réfléchir n’avait jamais été ton fort - agir non plus, tu me diras, en fait tu collectionnes les tares mais on va pas s’arrêter là dessus. Tout ça pour dire que ses mots, là, une fois que tu as su dégager la trappe, ça t’a marqué. C’était pas grand chose pourtant hein, une formulation banale, qu’on débitait sans y penser. C’est pas comme si vous étiez amis non plus - une fois sortis de cette boîte mortelle aucun de vous ne prendrait de nouvelles de l’autre a priori. Mais ce mon pote, il t’avait quand même touché, parce que même s’il le pensait pas, c’était toujours sacrément plus que ce à quoi tu avais le droit, en général. Et puis la suite, tu sais, ce petit t’as géré - ouais, ça aussi. C’est rare qu’on te félicite d’un truc, sans ironie j’entends. Même quand t’étais petit, ta mère le faisait jamais. Oh, et en plus de tout ça, il t’a souri. C’était un peu contagieux, tu sais pas, ça te faisait chaud au coeur. Tu te sentais toute chose et t’avais envie de sourire aussi, mais tu te sentais sacrément ridicule. Et l’angoisse qui te serrait les tripes à ce moment-là, elle avait commencé à s’évaporer un petit peu - parce que même si tu devais crever là, au final t’aimais mieux que ce soit en compagnie d’un gars sympa.
Ça t’avait pas empêché de faire ta tentative de courte-échelle cela dit. Parce que bon, t’allais quand même pas te reposer sur tes lauriers. Soulever une plaque, c’était pas la même chose que réussir sa vie - tu restais quand même un gros raté. Sauf qu’il t’a pas suivi dans le mouvement, et là tu t’es senti sacrément ridicule. En fait, t’aurais même pu le vivre comme une humiliation. Mais ce gars avait décidément pitié de toi - il t’avait pris les mains pour te relever. Tu te rends compte ? Un geste avenant, une main tendue pour t’aider, et qui répugnait même pas de te toucher. Là encore, ça t’a fait tout drôle, et t’as commencé à te dire que tu jugeais un peu trop vite les gens. D’un autre côté, faut te comprendre, t’es obligé de te méfier avec tout ce que t’as pris dans la gueule. Mais là, Dagda avait des airs d’archange à force de vouloir te rassurer, faut faire gaffe quand on est trop gentil avec toi parce qu’après tu te mets à t’attacher et il le voudrait certainement pas. D’ailleurs, je dis Dagda, mais toi, tu te souvenais toujours pas de son prénom, gros nul que tu étais. Sauf que depuis le temps que la scène avait commencé, t’osais plus trop poser la question. Tu t’es relevé, avec un sourire tordu et timide, t’as essayé de soutenir son regard un peu mais c’était pas facile - deux minutes après tu regardais déjà tes pieds. « Pardon, c’est vrai... J’en aurais probablement pas la force. » C’est à ce moment là que tu repensais à ta soupe et à ta boîte de thon. Ouais. Au moins, d’y repenser, ça te distrayait l’esprit et ton angoisse continuait de s’évaporer - finie la crise, t’arrivais enfin à respirer à un rythme humain. Et puis, tête baissée et sourire contrit, t'as murmuré un timide « Merci ».

Tu ressassais dans ta tête tous ces mots plaisants qu’il t’avait dit. Parfait, merci mon pote, t’as géré. T’es un chic type. Tu savais déjà au fond de toi que t’allais te repasser ces mots-là en boucle pendant au moins une semaine. Une semaine où chaque fois que tu te sentirais stupide, t’aurais la tête de ce taulard qui te reviendrait comme un messie. Tu le regardais un peu distraitement (pas son visage parce que t’étais encore trop intimidé), histoire de suivre son ascension au ciel - dans ton coeur, t’aurais été prêt à l’aider, à tout moment, quitte à te prendre un coup de pied. Même en sachant que t’étais le gars le plus inutile du monde ou presque, que t’étais un sacré gros boulet - mince quoi, t’avais envie de l’aider plus que ça. Avec les gentilles choses qu’il t’avait débité, t’avais pas envie qu’il change d’opinion. Franchement t’es con. Mais bref, t’as regardé ses jambes s’agiter alors qu’il s’efforçait de grimper - d’ailleurs, ça te va bien de fixer des jambes comme ça, mais évite d’insister parce que ça peut vite devenir troublant. Tu constatais sa force, ses muscles, sa classe putain. Sans mentir, le taulard, tu l’enviais. Il gérait la situation et il trouvait quand même le temps d’être sympa, c’était quand même inespéré. Par contre - ouais voilà, tu fixes la paroi de l’ascenseur un moment, parce que tu commençais à avoir l’air de le reluquer, et j’peux pas te laisser faire ça.
Il aurait pu trainer ou se faire la malle mais non bien sûr, à peine juché là-haut qu’il s’était retourné vers toi pour t’aider à sa suite. Sauf que tu le sentais venir gros comme une maison, toi, tu ferais pas ça. Ta force dans les bras était négative, à un point tel qu’il t’était arrivé plus d’une fois de t’effondrer en larmes devant un bocal ou une conserve récalcitrante, et de t’endormir comme ça. T’avais beau être un poids plume, t’arriverais pas à te hisser - mais pour pas être un boulet pour lui, t’étais quand même prêt à essayer. Alors t’as tendu tes bras, t’as attrapé sa main et… Le malaise, parce que tu savais pas comment t’y prendre pour grimper. Résultat, il essayait de te tirer, et toi t’avais juste l’air de lui tenir la main. Après quelques petites, mais néanmoins trop longues, secondes de gêne, t’as attrapé le rebord de la trappe d’une main ferme - enfin, que tu voulais ferme - et t’as essayé de te hisser. La bonne blague, franchement on dirait que sur toi la gravité marche pas comme chez les autres. « Je… Désolé... » t’as ajouté en rougissant, c’était pas contre lui, juste que tu savais à quel point t’étais un poids, et ridicule, et insupportable, et handicapant, et détestable - alors tu trouvais rien de mieux à faire que t’excuser. Mais admettons, après un moment de galère qui aurait infiniment plu à Vidéo Gag, t’as fini par atteindre la plateforme, bien après qu’il ait dû t’y tirer. T’osais plus le regarder et t’avais les yeux mouillés de gêne, mais ça allait. T’étais calme, et content d’être arrivé. Enfin, jusqu’à ce que tu découvres ce qui t’attendait là-haut, et surtout en bas. T’as pas joué au con Rod, t’es resté assis sur la plateforme, le plus au centre possible, et y’avait bien qu’un reste de ta fierté qui t’empêchait de t’accrocher à la jambe de ton compagnon. Là, t’avais un peu recommencé à paniquer. « Comment tu comptes faire, maintenant ? » tu lui as lancé plein d’espoir. C’était lui le chef de l’expédition - toi, t’étais à toi tout seul la Septième Compagnie juste derrière.
(c) DΛNDELION
Revenir en haut Aller en bas
avatar
Invité
Dans la vie y a les tapes au fond et les tapes à côté, Les "T'as pas un euro?" ou la tape à l'arrachée, Y a l'Etat, les R.M.istes, les "T'as qu'à taffer", Si t'es en bas faut cravacher, t'as qu'à pas lâcher. T'as pas connu ça toi, l'envie d'empocher les patates, Être à gauche droite face à la mer loin des galères.Il était galère à soulever dis donc, ce type ! Il n'arrivait même pas à s'accrocher à ma main, tout au plus il me serrait la pince ! Hey Rod, on était pas en train de sceller une affaire, fallait sauver ton cul là un peu. Mais allez, arrête de t'excuser, j'vais pas te mordre ! Quoique, si tu continues, peut être bien que si. Mais enfin, tu parviens à combattre tes muscles - et la gravité - pour parvenir à se hisser à mon niveau. Eh bah il en a mit du temps ! Heureusement, en prison, j'avais eu le temps de me muscler un peu, j'avais la fierté de dire que mon corps était totalement vierge de gras, mais tout le muscle du monde ne pouvait rien si on avait un poids mort, voire même mort-vivant-pas-utile à soulever. J'avais déjà eu à me défendre un type qui ne faisait que rester immobile à m'étrangler, une seule chose avait su le sortir de son état de pierre : un coup dans les boules de sapin. Et encore, juste de quoi me dégager de sa paluche longue comme l'autoroute.

Bon sang, si j'arrive un jour à récupérer la vidéo de surveillance de l'ascenseur, je vendrai la scène à Vidéo Gag, et je m'en ferai des couilles en or, ce type, c'est un vrai bambou fragile, est-ce qu'il y en avait un autre comme ça ? Des comme lui ? J'espérais que non, parce que merde, la Terre courrait à sa perte sinon. Et son visage plein d'espoir quand il me demanda comment je comptais faire... Sérieux mec, les initiatives, tu connais ? Ou même juste, pas me donner l'impression que j'étais pas le seul à vouloir me sortir de là ? Et à le pouvoir aussi ? Merde, tu pouvais pas cacher un master en physique des particules, ou un truc chanmé sous ta carcasse faite d'os et de panique ?

"On va commencer par libérer ma main... Ouais voilà, comme ça, merci."

Je secouai ma main qu'il avait serrée un peu - pas hyper fort en plus, il avait si peu de force ou bien il croyait qu'on était en maternelle à se tenir la main comme ces p'tits amoureux à la con ? Je le regardai un instant, pas sûr de comment je devais prendre la confiance totale qu'il avait en moi. J'avais dit ou fait un truc en particulier ? Non, parce qu'il était passé de la flipette la plus pure à un type qui me prenait pour son messie. Ouais bah qu'il me tienne pas pour responsable si j'avais le malheur de nous laisser coincés ici hein... Bon. Fallait bien que je fasse un truc non ? Alors, une fois qu'il fut bien calé, que j'étais certain qu'il allait pas tanguer vers le trou, je remis la plaque en place, pour ensuite me mettre face aux portes de l'ascenseur qui étaient en hauteur comparé à moi. Le rez-de-chaussée sûrement... Je tentai de les ouvrir par la force de mes bras... Mais j'étais pas aussi fort que ça, rêvez pas. Je me tournai même pour regarder mon comparse, voir si j'allais oser lui demander un coup de main... Mais non, je secouai la tête, c'était pas la peine, il parvenait à peine à soulever son bambou de corps, j'allais pas lui demander d'ouvrir de la ferraille, il pourrait se désarticuler le machin.

"The Lord is testing me..."

Ouais, il était vraiment, vraiment en train de me tester. Si j'allais pas buter le premier mec venu, parce que ça commençait à me gonfler cette histoire. D'ailleurs, en reprenant ma respiration pour me détendre, je me rendis compte qu'il y avait une drôle d'odeur... Et surtout, je sursautai quand j'entendis ce qui était, clairement, audiblement... Une alarme incendie. J'en sursautai tellement que je reculai d'un paix, pour ensuite carrément m'étaler de tout mon long en arrière, puisque je m'étais pris un boitier dans les pieds. Et en plus de me casser la gueule sur du mou un peu osseux, je désossai le boitier avec, appuyant sur un autre truc avec mon talon. Est-ce que je venais de... Si. J'avais éteint toutes les lumières. Peut-être même tout le jus de l'ascenseur. Cela signifiait qu'il y avait un feu... Des alarmes de partout... Et les gens pouvaient oublier qu'on était là, car plus rien ne nous signalait. Est-ce que je venais de résumer la situation ?

J'étais totalement empêtré dans un Rod pas très confortable, en train de me demander quoi faire, et la seule chose que je parvins à penser faire dans l'instant, ce fut de hurler tout simplement, pour signale rnotre présence à qui ça intéresserait, dans l'ascenseur :

"HEEEY LA HAUT ! ON EST LA ! DANS L'ASCENSEUR ! PUTAIN NOUS OUBLIEZ PAS Y'A LE FEU LES GARS ET JE PEUX PAS OUVRIR !"

Et là c'était un peu pile ou face. Est-ce qu'on allait nous entendre ? Nous rassurer un peu ? Nous oublier dans notre coin ? Surtout, est-ce que j'allais réussir à me lever de là ? Non parce que je m'étais fait mal à un coude en tombant et du coup j'étais plus en train de me le frotter pour faire partir la douleur, qu'à tenter réellement de me redresser à l'aide de mes abdos qui, je vous l'accordais, était peut être formés, mais pas suffisant pour me redresser d'une masse déjà pas douée pour se sortir d'une boite en fer.
©️ 2981 12289 0
Revenir en haut Aller en bas
avatar
Invité

Comme on rêve d'une vie de château quand on vit dans le ghetto
Dagda & Rod

« DANS LA VIE Y A LES TAPES AU FOND ET LES TAPES À CÔTÉ, LES "T'AS PAS UN EURO?" OU LA TAPE À L'ARRACHÉE, Y A L'ETAT, LES R.M.ISTES, LES "T'AS QU'À TAFFER", SI T'ES EN BAS FAUT CRAVACHER, T'AS QU'À PAS LÂCHER. T'AS PAS CONNU ÇA TOI, L'ENVIE D'EMPOCHER LES PATATES, ÊTRE À GAUCHE DROITE FACE À LA MER LOIN DES GALÈRES. »
T’avais même pas capté que tu lui avais pas lâché la main. Tu devais être tellement heureux d’avoir atteint cette putain de plateforme que t’avais plus prêté attention à rien d’autre et tu t’es senti comme tiré d’affaire, à peu de chose près. T’avais fait un gros effort pas vrai, on allait quand même pas t’en demander un deuxième ! T’étais quand même le genre de type à faire une sieste entre ta douche et ton dîner tellement ça t’épuisait d’entreprendre quoi que ce soit. Fainéant, narcoleptique - on pouvait l’interpréter de plein de façon. C’était pourtant bien plus simple que ça : c’était la dépression. C’était la dépression aussi qui te vidait de tes forces, qui te rendait incapable de prendre des décisions, qui te vidait le cerveau, qui te pompait la concentration. T’aurais probablement été un type bien et carrément plus efficace… Si t’étais pas malade, ou si au moins t’avais la thune pour te faire suivre et soigner. Enfin bref, t’as lâché sa pogne avec un air un peu honteux et même carrément embarrassé, mais tu t’es pas laissé démonter, parce qu’à ce moment-là, t’étais encore en confiance. Puis tu l’as laissé faire - il s’est tourné vers les portes et s’est efforcé de les ouvrir. C’était évident dans ta tête qu’il allait réussir à s’en sortir. Il était fort, il avait des idées, il savait quoi faire. T’étais peut-être bigleux mais t’avais senti dans la prise de sa main, alors qu’il te tirait vers le haut, qu’il était autrement plus puissant que toi. Pourtant non, plus les secondes passaient, plus tu devais comprendre que même pour lui, c’était rendu trop délicat. Tu niais au départ, tu voulais pas admettre que vous étiez coincés, que si le truc en dessous de vous s’affaissait, vous étiez encore perdus. Tu voulais pas affronter ça en face, mais quand Dagda s’est retourné vers toi, il a bien fallu que tu t’y fasses.

The Lord is testing me. C’est la dernière chose que tu l’as entendu dire, avant que tout se précipite à nouveau. Et à partir de ce moment-là… Disons que t’as été déconnecté de ton cerveau. Enfin, ça s’est fait progressivement bien sûr, ce que je veux dire, c’est que c’était le début de la fin. L’odeur de brûlé, d’abord. Oh, comme tu la connaissais bien. T’en avais des hallucinations fréquentes, mais c’était vraiment pas le moment. Quand t’as mis le doigt dessus, que tu l’as repéré, t’es devenu assez pâle, t’as perdu ton sourire, t’as perdu l’espoir. Ton coeur s’est accéléré, mais t’as rien dit, tu essayais de cacher le puissant malaise qui t’envahissait doucement. T’avais pas envie de péter les plombs devant lui. T’avais pas envie qu’on te traite de fou encore juste parce que t’avais des réactions irrationnelles pour des choses que t’étais le seul à voir ou à sentir. Alors t’as rien dit, tu te disais que c’était juste une vision, que ça passerait, ça passait toujours. Avec un peu de chance, ça passerait vite, ton compagnon ne remarquerait rien, et t’arriverais pour une fois à sauvegarder un tant soit peu ta réputation.

Puis il y eut l’alarme incendie.

Et tu as compris que ce n’était pas ton imagination. Pas cette fois.

C’était la première fois que tu te l’imaginais, ce qui te mit fortement la puce à l’oreille, mais c’est surtout la réaction de Dagda qui te fit comprendre que cette fois-ci, cela ne venait pas de toi. T’es devenu livide, t’avais plus une goutte de sang dans ta face, tu t’es mis à trembler, à trembler beaucoup trop. T’étais phobique du feu, t’avais des raisons, t’avais des flashs de ta propre mort qui passaient devant tes yeux et les nausées qui te percutaient le torse, la gorge qui se serrait, la peur, l’angoisse. Mais t’as pas eu le temps de réfléchir, de souffler, de réagir même. T’avais à peine eu le temps de commencer ton malaise - soudain, t’as plus rien vu, comme si tes yeux s’étaient éteints. T’en savais rien que c’était le fait de Dagda, tu savais juste que tu voyais plus, et t’as soudainement pensé que t’étais juste devenu aveugle, comme ça, d’un coup. Pire que ça, tu t’es senti percuté, renversé, t’as eu comme un râle de terreur en sentant le sol se dérober sous toi, par dessus tout le reste. T’as eu peur de tomber de la plateforme, tu imaginais déjà ta fin - une chance : t’étais encore dessus. Penser. Penser était rendu si difficile. T’avais un corps sur toi, un corps beaucoup trop proche, un corps qui te pressait contre ce socle qui menaçait de s’effondrer. Et toujours cette alarme stridente. Toujours le feu.
Tu tremblais tellement que ça te faisait mal, t’avais l’impression d’avoir jamais eu aussi peur. Tu sais pas quand t’as commencé à pleurer, mais tu pleurais dans ta panique - tu sanglotais pas, mais tu couinais, ou quelque chose comme ça, quelque chose d’étranglé, d’angoissé, on aurait dit que tu souffrais. T’avais les bras rabattus sur le visage pour te protéger, tu comprenais rien, tu pensais plus. Toujours ce corps contre le tien, et l’envie de vomir, et la surface dure et froide qui te cassait le dos. Et des cris, des cris - t’avais pas la moindre foutue idée de ce qu’il disait, tu comprenais plus rien sinon que t’en pouvais plus. « J’veux pas mourir, j’veux pas mourir, j’veux pas brûler » tu t’es mis à gémir, et puis ta voix tremblante, saccadée, malade - « j’en peux plus, j’en peux plus, je veux que ça s’arrête ». C’était pas possible, une situation pareille, ton coeur allait lâcher, t’en étais convaincu. Inconcevable - ça ne pouvait absolument pas être pire : pire que ça, c’était la mort. En fin de compte… En fin de compte, la mort n’était-elle pas préférable ? C’était un peu ça ton éclair de lucidité, alors t’as continué à gémir d’une voix éteinte : « si, si je veux, je veux mourir, que ça s’arrête - pitié que ça s’arrête ! » et t’avais toujours le visage pris dans les bras, la tête qui frôlait le malaise, toi qui touchait l’inconscience du doigt - t’étais pas loin, ta voix aussi elle était loin, tes membres qui tremblaient toujours davantage contre la peau de ton agresseur de fortune, t'émanais la détresse et pitié que ça s’arrête.
(c) DΛNDELION
Revenir en haut Aller en bas
Contenu sponsorisé
Revenir en haut Aller en bas
 
Comme on rêve d'une vie de château quand on vit dans le ghetto - Rodag
Voir le sujet précédent Voir le sujet suivant Revenir en haut 
Page 1 sur 2Aller à la page : 1, 2  Suivant
 Sujets similaires
-
» nouvelles (rodag)
» Jonah • Il pleure dans mon coeur comme il pleut sur la ville
» Dans une prochaine vie, papa, j'aimerais ne pas te reprendre comme père [Oz & Margot]
» Comme le monde est petit... - ft. Helios
» comme une impression de déjà vu. ft SHURA.

Permission de ce forum:Vous ne pouvez pas répondre aux sujets dans ce forum
► URBAN LEGENDS :: Archives de UL V3 :: Ecrits :: Les écrits-