cake by the ocean (Utah)

La famille. Un concept bien étrange aux yeux de Nymeria. Si on regardait dans les bouquins qu’elle lisait, la famille était une entité à part de la société, un foyer heureux où l’on pouvait se retrouver quand le monde se disloquait. Même si tout n’était pas toujours rose, la famille reposait dans la majorité des cas sur des liens forts entre les membres, sur de l’entraide, de… l’amour. Ouais, un concept bien étrange à ses yeux, à Nymeria. Rien de logique ne poussait l’homme à faire confiance à ceux qui partageaient son sang. Pourquoi est-ce qu’un inconnu plus qu’un frère serait-il apte à vous planter un couteau dans le dos ? Non, elle ne comprenait pas tous les gens qui tenaient à leur famille, qui passaient le week-end chez leurs parent, et tout le reste. Elle était à l’écart de tout cela, Nymeria. Elle regardait les familles d’un oeil circonspect, sachant qu’un seul petit secret pourrait tout faire voler en éclat. Et elle était à l’abri de cela, Nymeria, parce qu’il n’y avait ni famille, ni liens, ni attaches. Que des personnes décédées qui n’avaient jamais compté à ses yeux, ou alors pas assez longtemps pour que cela marque sa vie.

Ce qui était arrivé à ses parents. Un rictus lui tira les lèvres, à Nymeria. Même si - aussi étrange que cela puisse paraître quand cela la concernait - elle appréciait Utah, elle ne se voyait guère lui sortir de but en blanc qu’elle avait tué son père parce que c’était un connard de magicien qui avait invoqué une djinn pour qu’elle surveille sa fille qu’il avait arrachée des bras de sa mère à la naissance. Reprenez votre souffle. Primo, parce que parler des créatures surnaturelles au premier venu n’était jamais une bonne idée. Secundo, parce qu’annoncer au premier venu qu’on était une tueuse n’était jamais une bonne idée. Tersio, parce que Nymeria ne racontait jamais son passé. Mais plutôt que de se taire, elle dissimula la vérité, la cacha partiellement. Parce qu’elle avait envie de raconter à Utah, même si elle ne savait pas pourquoi. Elle tourna la bouteille de bière qu’elle tenait entre ses doigts, observant le liquide tournoyer, puis elle la porta à sa bouche, Nymeria, et en avala une gorgée. « Ils sont morts. Mon père le premier puis ma mère. » Aucun mensonge là-dedans. Juste une vérité épurée de toute l’horreur qui l’accompagnait.

Des blaireaux. Son père en était un, de blaireau, et ça la fit donc sourire, Nymeria. Amèrement, parce qu’il était le roi des blaireaux. Mais un sourire tout de même. Confier sa fille, une fille dont on ne voulait même pas, à une nounou psychopathe, ça vous plaçait direct en haut du top des connards. « Dans ce cas-là, on serait deux. » Elle ne se plaignait pas, Nymeria. Sa vie l’avait façonnée telle qu’elle était et ça la dérangeait pas, d’être ainsi, elle aimait ça, même. Puis se plaindre était pas son genre, pas du tout. Parler d’elle non plus, en temps normal, mais assise sur ce sable avec cet océan face à elle la rendait loquace, fallait croire. Puis Utah, sa présence, ça poussait à la confidence, il y avait un truc entre eux deux. Une connexion peut-être. C’est pour ça qu’elle avait, contre tout prudence, mentionné l’Australie et Yamba, cette ville tout sauf touristique. Sans chercher à esquiver, elle lâcha une nouvelle fois une vérité nettoyée de toute son horreur. « Oui, je m’y suis rendue pour voir ma mère, avant qu’elle ne meurt. »