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 Death may be your Santa Claus | ft. Kyara

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Basil Egerton
Basil Egerton
MESSAGES : 3959
AGE DU PERSONNAGE : 49
RACE : Fantôme (ex-fée)
MÉTIER/ÉTUDE : Gardien du cimetière
Death
may be your
Santa Claus
ft. Kyara K. Kean
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De sauver des vies était un peu l’exact contraire de ton métier quand on y pensait, et toute ta qualité de chercheur ne te donnait pas plus de raison de te rendre à l’hôpital autrement que comme patient. Tu n’avais rien à faire là. D’ailleurs même, toi moins qu’un autre, puisqu’il n’y avait rien de très rassurant à croiser du regard le fossoyeur quand on était alité pour quelque chose de grave. Mais il fallait se rendre compte de la facilité qu’il y avait à se rendre à peu près n’importe où lorsqu’on portait un air décontracté sur le visage, et tes fréquentations sur place te donnaient quelques passe-droits. Elijah savait tout de tes passions et de tes activités, et en bon ami il n’y avait rien de surprenant à ce qu’il te laisse accéder à la morgue de l’hôpital. Après tout, tu ne leur voulais pas de mal – et après tout ils étaient déjà morts. Ce n’était rien d’autre qu’une de tes lubies, que de suivre tout le parcours des défunts depuis leur dernier soupir jusqu’à ton sous-sol. Et grappiller par-ci par-là quelques informations : quand avaient-ils été admis à l’hôpital et pour quel motif, la mort avait-elle été lente ou rapide, naturelle ou le résultat d’une erreur médicale. Ce genre de données un peu trop confidentielles que tu te plaisais à entendre pour habiller les tombes d’histoire.

En y mettant le pied, tu t’attendais à ce que la morgue soit déserte, puisque après tout les décès n’étaient pas plus fréquents que les guérisons, et outre l’équipe chirurgicale et la famille du patient, et peut-être les pompes funèbres un peu plus tard, il ne devait pas y venir grand monde. Mais il y avait quelqu’un cette fois, une personne seule ce qui était un peu moins courant, attelée à une toilette mortuaire qui sait - affairée en tout cas. Tu as hésité un moment au niveau de l'ouverture. Peut-être valait-il mieux attendre ou revenir plus tard, sait-on jamais que l’on te mette à la porte. Un peu de pipeau te suffirait sans doute à te sauver la mise, mais prudence est mère de sûreté. Sauf que l’instinct de survie chez toi n’a jamais trop été développé, que tu n’aimais pas renoncer une fois lancé dans quelque chose, et que tu étais décidément trop curieux pour ton propre bien de toute façon. Alors tu es entré, espérant encore une fois que d'avoir l'air de savoir ce que tu faisais te ferait passer plus ou moins inaperçu.

Mais il fallut derechef que tu t'arrêtes. C’était une femme – d’ailleurs non, pas seulement. Elle était de dos et tu n’en voyais vraiment qu’une tignasse à la rousseur éclatante qui te rappela aussitôt Agatha. Mais ta sœur n’avait vraiment rien à faire à Bray, elle en était repartie il y a des mois avec l’assurance de ne jamais plus vouloir remettre les pieds dans cette ville misérable : la grande ville lui manquait, elle était londonienne dans son âme. « Agatha ? » as-tu appelé tout de même, un peu fébrile, et ce n’est vraiment qu’après t’y être hasardé que tu t’es mis à raisonner, et il te fallut enterrer cette hypothèse. Tu t'es mis à penser à ton aînée, que la mort fascinait autant que toi, mais qui n'avait pas plus de raison de se trouver par ici. Non, tu devais te rendre à l’évidence : ce n’était ni l’une ni l’autre, seulement quelqu'un qui te donnait une impression trop familière. Mais quoi qu’il en soit, tu étais trop stupéfait et décontenancé pour miser à nouveau sur la décontraction. Tu en avais senti monter ta pression sanguine, et ton cœur s’étreindre un peu d’une drôle de façon.

Tu t’étais élancé dans sa direction, t’immobilisant sitôt qu’elle avait tourné vers toi son visage, et tu en fus presque déçu. Non, ce n’était définitivement pas elle. Chance est que tu te serais jeté en avant pour la prendre dans tes bras si tel avait été le cas, Agatha avait toujours été une sorte d’exception quand il s’agissait des grandes démonstrations d’affection, et tu étais toujours convaincu qu’il n’y avait pas au monde de femme qui soit plus belle qu’elle – ni plus égocentrique, par la même occasion. Tu t’es senti assez idiot sur le moment, adoptant une posture presque timide qui n’était évidemment que feinte pour lui éviter de trop s’arrêter sur ta méprise. « Excusez-moi, je vous ai prise pour quelqu’un d’autre. » La confusion t’avait à ce point obnubilé l’esprit que tu en étais passé à côté de tout le reste, ceux pour qui tu étais venu, et tu commençais à présent à te demander ce qu’elle faisait ici elle-même, et ton regard s’est glissé jusqu’à ses mains. Et d'ailleurs, si elle n'avait pas paru appartenir au personnel, tu te serais presque demandé si tu ne l'avais pas toi-même prise sur le fait. « Je ne vous dérange pas ? » lui demandas-tu poliment. Tu t'en sentais redevenir curieux, et son visage -sinon ta sœur- ne te disait vraiment rien, tu étais plus que certain de ne l'avoir jamais croisée.
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Death may be your Santa Claus
Screaming, Deceiving, and Bleeding for you, and you still won't hear me - Amy Lee


Au-delà de son ombre, des yeux la parcouraient, les parcouraient; elle, et la décédée. Les cascades rousses continuèrent d’entourer le corps inanimé, y insérant des pinces et des scalpels, séparant les organes frais et dégoulinant d’hémoglobine. Chacun portait des masses noires, cancéreuses. Épongeant de tissus blancs les artères qui giclaient par moments, la chirurgienne se crispa lorsqu’un nom fut jeté dans son dos. Le médecin responsable lui avait juré la plus grande confidentialité : malgré qu’elle ait fini une journée de dix-huit heures, que son bain, ses livres érudits et son lit lui manquaient. Le seul réconfort était celui d’assouvir sa soif de connaissance et de découvrir si ses inquiétudes s’avéraient être un rêve ou une réalité. Refusant systématiquement de quitter des yeux la surface de son travail, Kyara tint finalement le cœur dans sa main droite. Retrouvant ses réflexes de louve, elle retourna un œil menaçant vers le nouveau venu. Des pas s’approchèrent, causant la jeune femme à resserrer son emprise sur un long couteau chirurgicale très large. Le visage à découvert montrait des tempes prononcées, des yeux violacés et vifs, d’une agressivité et d’un ego hors du commun. Une expression terne vêtit ses traits, pendant qu’un haussement d’épaules fut la seule réponse donnée à sa question lorsque la rousse balançait ses boucles dans son dos dénudé afin de se repencher vers son projet.

Passionnée par son ancienne patiente en département d’oncologie,  un rayon X de son thorax avait planté l’âme de la chirurgienne dans un délire incompréhensible. Après avoir cassé les couilles de tous ses cadres pour avoir l’autorisation d’effectuer le travail du médecin légiste sur le cadavre, en précisant sa formation rudimentaire dans les rangs de l’armée – car les décédés étaient souvent enterrés ou incinérés – Kyara avait cherché pendant trois heures dans un recueil des organes extraordinaires des années 70. Vêtue en tenue civile, ses gants montrèrent une délicatesse, et en particulier une précision inégalée, lorsque vint le temps d’ouvrir le cœur de la fillette de sept ans dans une bassine extérieure à son bassin mortuaire. Le carton gigantesque autour de son cou indiquait les inscriptions suivantes en lettres majuscules hautes de sept centimètres chacune : Dr Kyara Kassima Kean. Département : Chirurgie + Urgence. Les pans de sa robe noire frôlèrent la patte antérieure de la table  lorsque ses escarpins vernis  noirs et cirés frôlèrent silencieusement le carrelage étincelant. La dernière fois qu’elle avait quitté l’hôpital en uniforme sanglant, c’est-à-dire hier, tous les employés effrayés de son audace l’avait dénoncé au directeur. – car les problèmes de conduite en société ne cessaient jamais de s’accumuler avec ladite professionnelle du milieu de la santé. À partir de cette journée, Dr Kean comprit que les gens normaux procédaient à des soins d’hygiène et changeaient de vêtements avant de partir du centre hospitalier.

Ainsi, elle s’empara d’une seringue et puisa le sang du cœur, une minute à la suite de l’autre. Ce fut à cet instant que le regard de prédatrice qui la possédait laissa traverser une lueur d’excitation, car elle touchait sa proie de ses doigts forcenés dans cette toilette mortuaire peu commune.


« Sept cœurs en un. »


La voix contrastait horriblement cette femme dont l’allure sévère se brisait d’une douceur au verbe et d’une onde chaleureuse aux noms. Kyara observa longuement les sept petits cœurs morts qui s’assemblait les uns dans les autres avec de minuscules ventricules afin de se dissimuler sous un faux organe de taille normale. C’est ainsi que son visage se détourna vers l’intrus ou bien l’invité selon l’incongru de cette situation. La fée ne remarqua guère la poudre scintillante quitter ses omoplates, plonger sur ses boucles et ses vêtements parfois imprimés de sang. Lorsque la fée entreprit de faire le tour de la table argentée, l’élément inadéquat continua de briller et de l’accompagner à son passage y laissant une traînée à la fois traître et redoutable. Délaissant l’une de ses découvertes les plus belles du corps humains au cours de toute sa carrière, Kyara continua les étapes traditionnelles du nettoyage du corps. Bientôt, elle cousut la lèvre inférieure à la supérieure et les paupières douces sur des yeux absents.

« J’ai la première impression que vous aimez les cadavres. C’est une caractéristique assez rare. » dit un ton froid, détaché, peut-être même dénué d’humanité.

De plus, un certain inconfort se glissait parmi ses mots comme si elle ne connaissait aucunement les formules de politesse de son propre univers. Kyara ne démordit pas de son travail, accordant la perfection à cette défunte combattante d’une guerre infinie : celle de la leucémie. Ayant été deuxième chirurgien lors de son opération aux reins afin de sauver le dernier qui lui restait, la cancéreuse avait tombé en état de choc. Tous ses signes vitaux avaient atteints le paroxysme en quinze secondes, avant de tomber dans le silence le plus complet. Chargée de la réanimation, Kyara tenta plusieurs tentatives afin de raviver son cœur. Certes rien ne fonctionna. Et lorsque le corps fut refermé, sa famille la pleura des longues heures avant de laisser l’équipe médicale prendre soin de la dépouille de leur seule enfant.

Ce fut en visualisant la mort si vindicative, presque foudroyante de la fillette que Kyara soupçonnait derrière l’arythmie du cœur, l’irrégularité de son pouls, un souffle ou bien une insuffisance valvulaire au niveau des ventricules. Toutefois, le livre qui gisait sur le comptoir argenté à ses côtés présentait les étrangetés des organes en 1960. La page ouverte montrait des cœurs post-traumatiques des descendants ayant survécu à la deuxième guerre mondiale à la suite des impacts nucléaires. D’origine asiatique, Dr Kean avait retracé cette lecture tardive arrosée de Lucky Charms, de Fentanyl et de Whiskey. Près du bouquin, un veston criblé de médailles des forces armées britanniques dévoilait d’autres éléments sur la nature inquiétante de l’employée. Celle-ci lissa les cheveux noirs de la défunte, essuya le sang de son faciès éteint et revint aux points de suture qui servaient à recomposer son corps lessivé par les armes du domaine de la chirurgie : scie à chaîne, marteaux, scalpels et toute leur compagnie délicieuse.

Semblable à une prédatrice, Kyara demeura le plus éloigné possible du nouvel arrivant toujours dénommé et continua autant de rassembler ce corps mutilé que de répandre bien malgré elle des étincelles violacées – presque aussi percutantes que son regard autant sévère que somptueux. Dissimulée sous une attitude des plus soupe au lait, Dr Kean toisa discrètement, furtivement ce docteur, crut-elle, en tentant de découvrir à distance s’il était armé ou non, si son langage corporel témoignait de l’agressivité ou simplement une timidité marionnettiste mal articulée. Aux yeux d’une femme enjouée, sainte et sereine, le jeu du manipulateur aurait pu fonctionner. Or, Kyara en laissa voir son dédain : purement, posément, intensivement vrai. Soudain, un bruit d’explosion surgit et des paillettes s’ensuivirent – répandant des détritus un peu partout, mais éloigné du corps inanimé. Sans la moindre surprise, la femme continua son œuvre et recouvrit l’organe splendide d’un tissu blanc. Alors, ce fut derrière un second bruit d’explosion qu’un ruban frôla la tête du Dr Egerton avant de dévoiler un plafond rempli de ballons à l’hélium de teinte rouge sang. Ceci constituant la dernière volonté de l’enfant, la morgue, l’accueil et la salle de jeux pour enfants en oncologie avaient étés victimes de ce fameux désir. Un soupir candide quitta Kyara qui semblait ailleurs; même très loin de cette réalité ou d’une autre.


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Basil Egerton
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Quelle drôle de situation dans laquelle tu te retrouvais de ton propre fait. Tu te sentais intrus, presque voyeur, relégué à la place inconfortable entre le seuil et la scène. Pas un mot, pas un geste, sinon peut-être un regard lancé, presque rien qu’un coup d’œil. C’est tout ce que tu mérites, tu n’obtiendras pas plus. Si tu n’es pas capable de lire sur son visage l’agressivité toutefois, les émotions y semblent trop ténues et toi trop peu dégourdi au naturel, tu comprends assez vite que tu n’as pas ta place à son côté. Tu peux rester, ce que disent son silence et son haussement d’épaules, mais ne t’invite pas davantage là où tu n’es pas désiré. Et tu y consens pour ne pas la contrarier ; il n’est pas dans tes habitudes de refuser de te soumettre. Plus que cela, tu la comprends. Toutefois, tu ne sais pas si vos positions sont tout à fait les mêmes, mais tu as en horreur de voir qui que ce soit que tu n’as pas d’abord sollicité toucher à l’un des corps sur lesquels tu as mis la main, pire encore lorsque tu y es affairé. C’était un argument suffisant pour trancher une gorge, pour y penser au moins – non pas que tu sois contre l’idée que l’on entraîne ta mort, surtout si elle doit être lente. Impuissant, incapable, tu gardes le silence ; non pas que cela te change beaucoup de tes habitudes de cimetière. Mais puisque tu ne dis plus rien, que l’on ne te parle pas, que tu ne veux rien faire qui puisse l'interrompre et qu’il est hors de question que tu sortes, tu observes. Et que de choses il y avait à observer, vraiment.

Tu devais avoir été véritablement bouleversé pour n’avoir d’abord vu qu’elle. Une fois ton regard détaché, tes soupçons révélés infondés, et le silence revenu une fois que tu eus bien voulu te taire, il fallut bien que son ouvrage te saute aux yeux. Pour une fois que le vivant t’obnubilait avant même qu’un mort ne le fasse – tu accuseras Agatha pour une chose pareille. Sous ses mains à l’évidence expertes, il y avait une enfant, une petite fille dont tu ne savais rien, et dont soudain tu voulais tout savoir. Mais ce n’était pas à toi de faire ces découvertes : chaque fois que ton regard se plongea dans ces entrailles ouvertes que tu ne voyais que d’un peu loin, il percutait des outils et des mains, qui n’attendaient pas que tu décides quoi que ce soit pour faire ce qu’il y avait à y faire. A quel point la frustration pouvait être intense que de laisser ces doigts fins faire ton ouvrage et rester là à ne rien faire – tu haïssais de ne rien faire mais la torture était douce malgré toi. Tu n’aurais su dire combien de temps tu avais perdu à ne regarder que ces mains, à en oublier le corps qui en était la victime silencieuse et impuissante. Mais rien, pas une faute, pas un geste déplacé, pas une erreur. Un régal insoutenable à l’œil.

Mais qui était-elle cette femme, la question était plus urgente que pour l’enfant même. La mort pouvait attendre, elle avait l’éternité devant elle : celle-ci pouvait achever son œuvre d’un instant à l’autre et s’évaporer à tout jamais. Il te fallait un nom, une identité, quelque chose que tu puisses comprendre : Dr. Kyara Kassima Kean, lisait en lettres évidentes le carton à son cou. Un regard violacé comme tu étais certain de n’avoir jamais vu, tu étais convaincu qu’il aurait pu appartenir à la faucheuse même. Cette rousseur si familière qui t’avait confondu, et un dos exposé trop largement pour ne pas te plaire. Ton dernier coup de cœur trop violent s’en était allé pour ses hauts talons, et il te fallut un effort pour t’en détacher au profit du veston médaillé, et d’un livre qu’il ne te semblait pas avoir lu mais sur lequel tu te serais volontiers jeté en d’autres circonstances. Le terme n’est pas tout à fait juste, mais s’il avait fallu que tu nommes cette drôle d’émotion qui te parcourait d’un membre à l’autre, tu aurais certainement dit que tu te sentais intimidé. Et comme si ce monde trop familier et tout à la fois qui ne t’appartenait pas tout à fait n’avait pas suffi encore à chambouler tes habitudes et tes convictions, il fallut que cette étrangère si fascinante déjà soit également une fée. Voilà un dernier détail qui ne t’avait pas échappé, dans cette observation silencieuse où tu n’avais rien voulu manquer. Tu n’as rien voulu dire pour l’interrompre, mais prit tes aises avec tes propres ailes puisqu’elle t’apparaissait en tout point comme une consœur.

Sept cœurs en un, ce furent ses premiers mots, et qui marquèrent sans doute la fin de sa recherche dont tu avais ignoré le but – tu avais remarqué à l’évidence qu’elle avait isolé le cœur mais n’avait rien su de la raison jusque-là. En fait, trop ivre de silence, tu ne compris pas immédiatement et te trouvas à stupidement demander quelque chose de la teneur d’un « Je vous demande pardon ? », sans trace d’agressivité. Tu te demandas presque à ce moment si elle t’avait oublié, mais quoi qu’il en soit, elle ne se parlait sans doute qu’à elle-même, et ton intervention était inopportune. Elle acheva toutes ses minutieuses procédures et passa à la toilette mortuaire avec une délicatesse qui te précipita l’envie de lui embrasser les mains, mais trop interdit tu n’en fis rien et te contenta d’attendre qu’elle termine. Tu n’aurais véritablement pas voulu qu’elle te haïsse, et tu crus te perdre toi-même lorsqu’elle se mit à te parler, comme si tu n’avais plus rien à espérer de la vie après un tel supplice.

J’ai la première impression que vous aimez les cadavres dit-elle, et tu en aurais ri, vraiment, si chamboulé dans ton être tu n’avais pas eu le réflexe idiot de répondre : « Vous pensez ? ». Tu ne te formalisais pas de l’intonation de sa voix, c’était le cadet de tes soucis, il y avait de bonnes chances que tu ne le réalises même pas. D’ailleurs, tu ne te souciais pas d’être chaleureusement adressé. Elle aurait pu te traiter en insecte et te battre les joues, tu n’en aurais peut-être été que plus ravi. Tu n’as de cesse de la regarder, de ce regard trop envahissant qu’ont les gens de ton caractère pour essayer de comprendre la psychologie de l’humain sans que cela ne marche vraiment. Pas même les ballons d’hélium n’auraient su te détacher d’elle et de son cadavre, ils n’existaient pas, et tu n’étais pas non plus certain que les explosions ne venaient pas de toi-même. « Je crois que si vous ne me laissez pas embrasser vos mains, j’en mourrai là tout de suite. » Ce fut vraiment tout ce que tu trouvas à lui dire immédiatement, après ce que tu venais de voir y avait-il seulement besoin de mots ? Tu l’avais observée sans fuir, sans t’exprimer, sans rien trouver à redire, et elle t’avait laissé à ta contemplation sans que cela lui change un mouvement de cil.
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Sauvage, elle arpentait la silhouette de ses ailes sans le moindre répit. D’abord frappée par une tornade de foudres divines lorsque sa concentration scindée entre l’inconnu et son chef d’œuvre se posa de façon obnubilée sur son apparence…trop familière, trop bouleversante pour la jeune fée inavouée. Un son, une berceuse revint alors à sa mémoire qui ne rencontrait jamais l’imperfection : des rythmes espagnols, des cordes d’une guitare sèche, une voix angélique, une canicule, des orages, des voiles rouges et des mains de fée, des caresses enivrantes. Les seules que sa chair n’aient jamais connues; celles d’une femme formidable dont les boucles rousses ou blondes lui offrirent la douceur qui lui avait manqué durant toute son existence. Pendant ce voyage dans le temps, Kyara ferma ses paupières qui devinrent lourdes. Son corps se retourna vers l’inconnu dont la véritable nature avait contribué à la plonger dans les eaux de la vérité; dans les zéphyrs mortels d’une cruauté que son cœur déniait. Une faiblesse la saisit : son talon droit recula, sa main gantée en déposa son scalpel puis le fil de métal. Sans être consciente de son propre état, ses yeux toisèrent l’homme longtemps. Puis ses actes lui revinrent en mémoire; puis son ton; puis ses mots d’une particularité bouleversante. Dr Kean célébra son retour au présent en partageant un long regard avec son interlocuteur. Le sien révélait sa virginité au domaine du surnaturel, tandis que ses mains inactives reprirent leur danse traditionnelle par simple réflexe. Et son regard violent et violacé se détacha de ses premiers souvenirs, de ses premiers amours.

Simplement, son chef d’œuvre s’acheva. Secrètement, elle glissa une prière – dénuée de Dieu ou de Satan- à l’enfant. Pleine de rêve, pleine d’épanouissement. Elle la recouvrit avec une tendresse intuitive. La chirurgienne interrompit ses étapes habituelles : retira ses gants opaques et bleues, passa au lavage de ses mains avec férocité. Près d’une autre fée, son attitude méfiante lui empêcha de laisser aller ses ailes. Kyara s’approcha craintivement, mais avec une fierté large et étouffante. Donc, ce fut à cette proximité charmante que ses tempes révélèrent la raison de son éloignement précédent : une larme sèche saupoudrait sa joue rosée. Sans oser briser le silence, la fée posa de nouveau ses iris dans les siens avant de poser le bout de ses doigts sur ses lèvres. Révélant son écoute attentive et la crainte de voir une hallucination, Kyara ne put se retenir ses mains forcenées de toucher ses vêtements, de les crisper légèrement. Ainsi, sa main droite empoigna sa gorge avec volonté. Le souffle lent de la dame s’accéléra, tandis que son visage s’était presque joint à celui de la fée en réduisant l’espace entre eux. Incapable de répondre à son interrogation, fascinée par une découverte qui brisait sa solitude éternelle, les traits sombres de la fée trouvèrent bientôt la lumière. Lorsque des membranes pourpres se révélèrent avec crainte. Leur couleur pourpre scintillait, y délivrant des motifs enchevêtrés qui parcouraient ses quatre extensions dignes de chiffons angéliques. Elles battirent avec ses cils qui ne purent voiler sa honte de s’exprimer, de se livrer.

Détournant son faciès sévère vers la gauche, Kyara relâcha son interlocuteur de sa poigne psychopathe. L’espace put grandir entre eux; satisfaisant l’ego de la dame de par le succès de son intimidation – croyait-elle. De la poudre tomba, une fois traîtresse et une fois de trop, sur le carrelage de la morgue. Sa bouche, aussi rouge que l’hémoglobine fraîche sortie d’une fracture ouverte, tenta de formuler un mot. Sans obtenir le moindre résultat, la fée se reprit avec orgueil et libéra – d’une tonalité empreinte de candeur :


« Ne mourrez pas tout de suite…Pour la première fois, je ne suis pas seule. »

Toute cette rage qui sommeillait à l’intérieur de son être révéla ses origines avec un voile de mystère planant au-dessus de ce dernier. Toutefois, cette même expression pouvait être interprétée de mille façons différentes. Certes d’une fée à une autre, la jeune docteur espérait sincèrement que son interlocuteur puisse soupçonner la vérité qu’elle venait de révéler. Ce que Kyara témoignait par une phrase énigmatique était tout simplement digne de la folie. Comment pouvait-elle avoir été seule toute sa vie? Les fées se tenaient avec leurs clans, chérissaient leurs descendants, construisaient jalousement leurs arbres généalogiques. Ils n’étaient pas déposés sur un seuil de porte dans un panier d’osier violet dans l’espoir qu’une âme charitable les accueille. Et ce fut peut-être au coin de ses yeux que des torrents pourpres vinrent circuler dans ses iris. La terreur l’empêchait de se confier davantage, mais ouvrir la porte de son identité véritable lui glaçait les os. Une main froide et livide effaça ce qui traversait sa tempe droite honteusement.

Retrouvant cette même distance rêveuse, les talons de Dr Kean claquèrent doucement lors de son retour à la table mortuaire. Elle revint avec des pinces et le bassin contenant le cœur du cadavre. Une invitation silencieuse, insistante montrait clairement qu’elle voulait partager les fruits de ses aventures avec cet homme. Souvent, ses yeux sanguinaires suffisaient à témoigner des choses qui dépassaient la raison de l’esprit. Les mains de la fée s’emparèrent du livre gigantesque qui traînait sur la table ouvert sur un article parlant des cœurs multiples. Lorsque l’organe fut dénudé, le visage morne de Kyara trouva du délice dans cette vue parfaite. Elle s’en régalait avec une possessivité farouche, mais dont la bulle incluait désormais une deuxième fée.


« Elle avait sept ans; sept cœurs-en-un. Les porteurs de cœurs multiples ne vivent pas longtemps, car la difformité les empêche de supporter la croissance de l’âge. Selon l’histoire, un cœur miniature ne peut vivre qu’une année environ.  Au final, Sara n’avait que sept années à vivre. »

Dr Kean indiqua la nécrose présente au niveau de chaque petit cœur qui formait un cœur entier dont le destin s’avérait scellé depuis la naissance. À ce moment, l’ombre d’un sourire la traversait. N’était-elle pas vautrée dans un génie sanguinaire qui la poussait toujours plus loin? Kyara rayonnait dans son élément.

« Elle aurait probablement pu guérir de sa leucémie avec une transplantation cardiaque. Or, aucun docteur n’a trouvé nécessaire d’étudier son arythmie cardiaque. »

La fée vint chercher une seringue remplie d’un produit chimique qu’elle arrosa sur l’organe en continuant :

« J’ai deviné que son cœur avait une anomalie lorsque la machine était incapable de donner ses signes vitaux. En écoutant son cœur, j’ai pensé que c’était impossible d’avoir trois cents trente-six pulsations par minute même pour un décès en salle opératoire. »

La victime avait soudain une identité, un passé à leurs yeux. Les ailes de Kyara battirent, laissèrent de la poudre s’échapper même avant de laisser leur hôte s’éteindre en cachant le cœur. Son prochain geste fut d’aller ouvrir un tiroir gigantesque pour y déposer l’organe et sa propriétaire. Dr Kean leva le corps enveloppé avec une facilité déconcertante pour sa stature chétive de jeune femme. Puis referma la porte métallique d’un bruit sec. Ainsi, après un deuxième lavage de mains fastidieux, elle revint auprès de son interlocuteur et lui tendit le livre, véritable brique ancestrale de sa bibliothèque personnelle.


« Prenez-le. C’est rempli de merveilles. »

Des iris avides de sang, un faciès autant doux que vile, une invasion mystérieuse des plus profondes; du sentiment, était-ce, peut-être.




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Il y avait chez cette femme un je-ne-sais-quoi d’insaisissable. Elle dégageait autant de présence que d’absence, était d’une complexité absurde à déchiffrer, et te semblait tout à la fois si familière que tu en venais presque à te demander si tu ne la connaissais pas déjà. Tu savais pourtant du premier regard que tu n’aurais jamais pu oublier une personne de cette envergure, puisque c’était si rare, si étonnant, si précieux que tu ne te voyais pas quitter la pièce sans avoir d’abord l’assurance de la revoir. Le regard qu’elle te lance cette fois-ci est différent du premier qui te négligeait presque, ce qui n’avait rien de très surprenant : elle avait autre chose à faire, on n’interrompait pas une autopsie en cours à moins de manquer cruellement de savoir-vivre, aussi ironique que cela puisse être. Mais ses yeux se ferment, et elle semble le temps d’un instant parfaitement ailleurs, dans quelque pensée curieuse dont tu n’as pas connaissance. Tu n’oses l’interrompre, mais ton regard la dévore à distance, ronge depuis la ligne de sa mâchoire jusqu’à l’arcade de son sourcil, fouillant avidement ses traits comme s’ils avaient quelque chose à te dire qui te demeurât inaccessible. Elle eut une faiblesse que tu ne manquas pas, et tu fis un pas dans sa direction, main tendue, t’interdisant de justesse de franchir entièrement la distance qui vous séparait mais rongé par l’envie de la retenir. Son regard te reprit, te figea, arrêta ton intention presque trop vite, et tu te trouvas parfaitement incapable de rompre cet échange silencieux qui devait avoir un sens, quoique tu n’aurais su dire précisément lequel.

De quoi avais-tu l’air, d’un ahuri sans doute un peu. A force de te concentrer sur elle, tu en oubliais de travailler ta posture, rendue gauche par négligence, tout à la fois immobile et prêt à t’élancer à la première invitation. Le regard luisant, pénétrant, fasciné, crevant ta face mouchetée au teint inégal – du temps passé, violenté par le soleil à t’épuiser à la tâche, à celui des heures reclus dans la pénombre d’une cave. Tu n’avais pas la même droiture impeccable, encastré toujours dans un costume gris souris trop étroit et trop cher, chevilles découvertes et manches retroussées ; quand on passait des journées comme les tiennes on ne s’étonnait pas d’une chemise plissée et de genoux tachés de poussière. A bondir d’un bout à l’autre de Bray pour accomplir des devoirs sans queue ni tête, de l’entourage d’un PDG trop fortuné tu t’introduisais dans le taudis d’un junkie de la mafia sans distinction de tenue, dans un espèce d’entre-deux entre la désinvolture et le trop-propre-sur-soi. Quand on avait autant à vivre, que l’on évoluait dans un tel désordre d’horaires à ne manger et dormir qu’à peine, trop occupé, trop passionné - discipliner des épis était relégué au fond de la liste des non-priorités, et c’était aussi quelque part cette fausse accessibilité qui faisait ton charisme et te permettait de transgresser les classes sociales. Mais toutefois, ce n’était rien de tout cela qui avait accroché l’œil à cette femme trop hermétique – que ces ailes nouvellement dégagées aux nervures argent si semblables à celles d’une libellule, et qui étaient sans avoir à rien en dire un secret qu’il vous faudrait désormais partager.

Tu n’aurais pu t’imaginer une fée ignorante de sa propre espèce. C’était pourtant quelque chose qui devait exister, il suffisait d’être adopté ou orphelin, d’avoir perdu sa mère et de naître d’un père ignorant. Dans tous les cas, cela te paraissait à ce point impensable que tu ne parvins pas à la déduction, mais accrochas malgré tout ton regard à cette humidité naissante au coin des cils. Elle te laissa seul à languir un instant, à mourir chaque seconde un peu plus dans cette insupportable immobilité dont tu ne savais quoi faire – tu ne haïssais rien plus que l’impuissance, mais d’un seul regard elle t’avait dompté et réduit à cette place. Et lorsqu’elle brisa les quelques mètres qui vous séparaient et porta à tes lèvres cette main que tu avais désiré et adoré à une religieuse distance, tu te surpris presque en constatant que tu avais jusqu’à cessé de respirer. Ce premier contact doux te fus arraché bien trop tôt, mais d’autres plus intenses et plus désordonnés te brûlèrent la tête plus violemment encore. Tu te sentais fou, fou de cette main étreignant ta gorge, trop désirable, trop affriolante, de ces lèvres rendues trop proches mais qui se refusaient encore. Tu te sentais mourir ou presque, comme un pécheur suspendu à sa sainte, tes mains se portaient jusque dans ces boucles rousses trop familières et si Parques il y avait, tu étais convaincu que le fil de ta destinée s’y trouvait quelque part, tout prêt à être tranché. Seulement alors pensas-tu à respirer – d’une inspiration qui fut si douloureuse par ta gorge serrée que tes mains en devinrent moites et ton visage brûlant.

Tu n’avais rien obtenu d’autre, rien sinon le contact de sa chevelure et peut-être un effleurement de sa taille, qu’elle s’arrachait déjà à ta proximité en te laissant bouillant, presque amoureux. Ne mourez pas tout de suite dit-elle, c’est de la mort que l’on te prive et elle fait de toi un damné, tu penses à cela bien plus qu’à la solitude qu’elle t’avoue et dont tu n’as que faire. Plutôt qu’intimidé, tu te sentais habité, sous l’emprise d’un nouveau diable autrement plus puissant et au regard violet. Tu souris presque par réflexe, et lui répond tant bien que mal, coupé presque aussitôt par une toux brève enfouie dans le dos de ta main. « Si vous me le demandez. » Tu t’élances à sa suite, sans une autre hésitation, le pied ferme presque colérique et maladroit à la fois, refusant que l’on t’abandonne une minute de plus à la porte. Tu obéissais encore au refus de contact mais marchait dans son ombre avec une présence croissante et la dominais de ta taille, sans trouver rien à dire mais ajustant la respiration qu’elle avait laissé en désordre. Elle te parle alors de cette enfant, partageant sa découverte comme si tu devais en être méritant.
En tout honnêteté, tu ne t’étais pas attendu à quelque chose de plus fascinant qu’elle-même, mais le cœur en question relevait le défi sans rougir. Une mort, programmée à la naissance, une difformité qui avait permis sept années de vie tout en refusant davantage – et interrompait une existence sous le signe de la maladie et de la souffrance. Elle aurait sans doute pu guérir, à en croire le Docteur Kean, mais il n’y avait aucun intérêt à raisonner au conditionnel dans une telle situation. « Je n’ai jamais rien vu ni entendu de pareil » déclaras-tu en toute franchise, autant pour elle que pour toi-même, passant une main sur ton front, intégrant de ton mieux ce qu’elle avait à en dire et ce que tu observais de tes propres yeux. « C’est réellement fascinant. » Le cœur arrosé, traité par ses soins, avait finalement capté ton attention, et tu étais intimement ravi d’avoir décidé d’une visite à la morgue à ce moment précis. Ce serait mentir que de dire que tu ne le convoitais pas pour ta petite collection, autant pour lui-même que pour cette rencontre dont il portait malgré lui le symbole. Mais tu ignorais encore trop de ton interlocutrice pour te permettre de t’en emparer si tôt. Malgré tout, profitant de la voir affairée à remettre en place le corps de l’enfant, tu t’étais emparé d’un carnet rangé à l’intérieur de ta veste pour y annoter absolument ce que tu ne voulais pas oublier de tout ce que l’on avait pu te dire. Tu n’étais malheureusement qu’un homme, et donc bien loin d’avoir une mémoire infaillible – le nom, le cœur, la leucémie, le déroulé de son opération jusqu’au nombre de pulsations que l’on venait de te mentionner, en notes éparses mais suffisantes pour que tu te souviennes ensuite avec exactitude ce dont on avait bien voulu te faire part.

Tu le rangeas rapidement lorsque la demoiselle revint à tes côtés, moins pour le secret que par souci de politesse, lui adressant un autre sourire – tu ne te privais pas vraiment de ce genre d’efforts minimes, qui étaient somme toute assez agréables pour les muscles faciaux. Tu t’apprêtes à parler, mais elle te prend de vitesse, offrant à tes mains -si tu voulais bien t’en emparer- cette espèce d’énorme ouvrage vieillot qui t’aurait accaparé bien plus si tu n’avais pas eu déjà bien assez de choses ici pour t’obséder l’esprit. Cela t’étonne d’ailleurs, et te fais hausser les sourcils presque trop grand – si tu avais l’impression de ne rien connaître d’elle, tu en savais toujours largement plus qu’elle sur toi, et tu ne t’attendais pas vraiment à ce qu’elle t’accorde une confiance si pleine et entière. Ce n’était pas dans tes habitudes de t’émouvoir sur de petites attentions, mais si tu avais pu, tu l’aurais été sans doute. « Vous êtes sûre ? » demandas-tu un peu hésitant, prenant pourtant à deux mains le livre tendu alors que ton regard dévorait déjà avidement la couverture. Relevant les yeux, tu rencontras une fois encore les siens si bouleversants. Tu te sentais idiot, assez idiot pour en avoir une autre crispation de la lèvre, et un rire un peu léger qui ne voulait offenser personne. « J’ai manqué beaucoup de politesses, pardonnez-moi d’en manquer une demi-douzaine d’autres, mais je suis un incorrigible curieux. Merci beaucoup je vous l’emprunte, je m’y plongerai sans faute. » Ceci fait, tu te décidas d’oser davantage pour satisfaire cette curiosité trop grande, écrasant contre les siennes tes pupilles comme tu fouillais tantôt ces autres entrailles à distance. « Je ne crois pas vous avoir jamais vu à Bray, votre nom ne m’est pas familier non plus. J’aurais été assez malchanceux pour vous manquer tout ce temps ou vous ne travaillez ici que depuis peu ? … Nous n’avons même pas été correctement présentés, excusez-moi j’ai seulement lu votre étiquette. Dr. Basil Egerton, c’est désormais chose faite. » Tu avais présenté ta main assez poliment. Tu y tenais, à cette particule, quand bien même tu n’étais pas médecin. Tu n’avais rien à faire dans cet hôpital à vrai dire, tu n’avais pas d’étiquette ni de véritable passe-droit, seulement de bons amis et un nez qui aimait se fourrer là où on ne le désirait pas. C’était purement une flatterie de scientifique, et une façon de lui dire que tu n’étais pas seulement novice dans l’exercice que tu venais de voir.
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Enflammée, Kyara reçut cette intrusion dans son champ de vision avec défiance. Toutefois, elle  enfonça également ses prunelles dans les siennes, prête à le dévorer d’un clin d’œil et dévoiler la cruauté de son être. Les paumes de ses mains s’enfoncèrent dans ses poches, alors que ses hanches se reculaient légèrement. Le minois descendu, elle releva le sien avec une fierté chancelante : celle-ci manifestait vigoureusement contre l’abandon de ses paupières. Laissant ses prunelles moqueuses s’inonder des siennes, sa main droite ne fit aucune parade avant de se joindre à la sienne - close. Avec douceur, un geste fin de bas en haut la secoua en dévoilant la dureté de ses jointures. Dépourvue d’une once de sentimentalité ou de bienséance, la docteure osa même se rapprocher au point de rupture de la sécurité de son interlocuteur qui possédait désormais une identité :

« À Bray, j’y suis depuis treize jours et vingt-trois heures… J’étais dans les forces armées britanniques puis ils m’ont donné ma retraite. Le directeur de l’Hôpital m’a envoyé une offre d’emploi que je n’ai pas su refuser. La bibliothèque de votre université regorge de merveilles médicales. » Formula la jeune damoiselle en regardant une montre de poche dorée sortie de son vêtement sombre et structuré. La rouquine intensifia son allure menaçante en penchant son minois vers l’avant. Ses lèvres continuèrent d’une voix délicate : « Dr. Basil Egerton. Je suis enchantée de faire votre connaissance. » Venimeuse et voluptueuse, aucune autre qualification ne pouvait caractériser ce visage gracieux ou s’immisçaient les pires sévices. L’index de sa main droite se releva, laissant une pointe métallique border le poignet du Dr. Egerton.  

« Sommes-nous difformes? Sommes-nous malades? » Un silence qui fut interrompu des tourments de la jeune docteure. « Je n’ai jamais rencontré quelqu’un comme moi. Je suis orpheline, et je n’ai jamais trouvé d’information sur ma condition. » Une vérité, appuyée des précédentes, qui lui dicta la suite : « Je n’ai jamais eu de réponses. J’ai tenté d’arracher ces ailes de nombreuses fois, mais je m’évanouis à chaque tentative. »

Un ton sombre, une voix sereine, un voile de vérité apparaissait enfin sur ce faciès énigmatique. Ses doigts fins vinrent appuyer leur poignée de main en la retournant : bientôt, un scalpel doré fut déposé entièrement dans la main de Basil. Ce dernier comportait les initiales de la chirurgienne, composé d’une répétition triple de la lettre K.

En laissant l’objet traîner dans la main du scientifique, Kyara reprit alors la parole :
« Pouvez-vous trancher mes ailes avec une ligne droite? Ma curiosité me pousse à vous le demander. » Chaque mot fut formulé avec une tendresse et une supplication des plus lancinantes. Rien ne semblait effrayer ce caractère vil et rocambolesque. Ignorante de l’immensité d’une telle demande, ses yeux violacés semblaient presque sourire au Dr. Egerton en poursuivant cette invitation un brin lugubre en y ajoutant son langage corporel désormais plus chaleureux.

Libérant sa main armée de l’outil chirurgical, la fée aux yeux presque heureux s’approcha davantage. Un mouvement las jeta une chevelure lourde sur son épaule gauche, la tenant d’une main affamée de sang. Dévoilant un dos entièrement nu aux moult aventures tortueuses et invisibles, elle se pencha pour mettre à jour ses extensions nervurées recouvertes de paillettes violettes. Ces dernières s’abaissèrent, dévoilant les veines bleutées de son cou qui palpaient au rythme de son cœur. Soudain, Dr. Kean se retourna pour empoigner de nouveau la main de son interlocuteur. Cette emprise s’avéra un brin plus léger, dévoilant la rudesse de la militaire.


« Attendez! Êtes-vous capable de faire une ligne droite? Je ne veux pas de macramés dans mes difformités.  » L’opération devrait attendre, car bien qu’il soit un homme intelligent, rien ne garantissait qu’il passerait cette étape cruciale. En effet, Dr Kean avait suivi une formation de cent heures sur les lignes droites – c’était encore  pire pour les cercles-, et se devait de voir son travail avant de donner le feu vert pour l’amorçage de leur projet. L’opinion de Basil semblait réellement convoitée tout à coup. Sur ces mots poignants, la fée caressa jusqu’au poignet du Dr. Egerton avant de lui laisser son bien.

Soudain, elle s’éloigna brusquement pour fouiller dans une poubelle très large de la morgue et y cueillir UN BOUT DE CARTON d’une largueur de trente centimètres. Plaçant l’objet devant son interlocuteur, la fée afficha une bouche tordue de désirs mortels. Kyara retourna effectuer un lavage des mains forcené puis revint à son interlocuteur. Par la suite, son index s’enquerrait du menton de Basil afin de le tourner dans la direction du bout de papier brun. Sur ce, son faciès s’approcha du sien avec machiavélisme. Une douceur terrible lui intima de mouvoir ses traits sous une ombre déjantée. La jeune femme se reprit, revint à une lueur terne et dégarnie d’humanité. Ses iris fous rencontrèrent les siens, les toisèrent longtemps avant…de s’éteindre.
Des perles coulèrent de ses paupières jusqu’à sa nuque, abondamment. Un soupir la toucha, laissant son thorax comprimer ses côtes sous une pression anxieuse bien trop évidente. Toute cette parade était provoquée par sa découverte du surnaturel, car quelqu’un possédait des ailes en chiffon, des membres de source inconnue et des monstruosités dans le domaine de la science.

Kyara, orgueilleuse et méfiante, aventureuse et chiante, se replia telle la fleur aux premiers rayons lunaires. Des tremblements la prirent, cassèrent sa carapace de désinvolture. Dépecée un centimètre à la fois de ses propres défenses, les ailes de la fée continuèrent de descendre et de perdre de leur aura flamboyante. Damoiselle Kean laissa presque ses genoux flancher, mais se retint d’une main féroce tenant le comptoir à leur côtés. Un envahissement de silence et de rage persécuta les traits de la fée qui ne put échapper à cet incendie virulent qui la conquérait : se sentir idiote de sa propre espèce, ignorer chaque caractéristique de ses complexités, posséder la candeur du chérubin et la haine de la guerre au sein du même prisme de sa pensée. Elle humecta ses lèvres de sa langue brièvement, déposant des yeux colériques rougis par la vivacité de l’affrontement que son cœur couvait.

C’est alors qu’un élément singulier commença à s’évader des ailes violettes de la créature; la poudre qui s’en élevait formait des arabesques acérés, pointus. Leur teinte foncée dévoilait une chimère nouvelle; une apparence guerrière qui ne voulait qu’exploser, qu’exclamer sa jalousie et sa méchanceté. Bien qu’elle soit aussi fébrile qu’une feuille fanée. De ses yeux clos s’échappèrent les mêmes particules, arpentant ses chairs pâles à un degré inquiétant. Son bras gauche en devint armé, et plusieurs hiéroglyphes y figurèrent. Un message ou un rêve, peut-être. Sa volonté ne s’y mêlait pas, mais ses ressentis jaillissaient des limbes. Palpitantes telles des pompes d’hémoglobine, ces nervures scintillantes continuèrent d’altérer son état de conscience, son état d’être. Elle secoua son minois dont le haut du visage s’était momentanément recouvert d’un masque pourpre de prédatrice. Caressant ses yeux de ses mains afin d’en éloigner la poudre qui tomba partout autour d’eux, Kyara expira doucement et retrouva une apparence moins illuminée. Sans s’expliquer, sans élucider ses états d’âmes évidement troublés, les lèvres sanglantes de la fée lâchèrent d’un ton glacial :
« Je suis jalouse. Vous semblez mieux connaître ce domaine que moi. Ma vengeance sera de vous mordre. » N’oublions guère la bestialité croissante qui dominait son âme rebelle. Oui, elle fixait le lambeau de papier épais en serrant ses dents afin de ne pas sauter violemment sur Dr. Egerton.


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Basil Egerton
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ft. Kyara K. Kean
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Sa main se joint à la tienne sans témoigner d’hésitation, et une fois de plus, l’expérience de son contact et de sa proximité te ravit. Elle te répond, avec une exactitude étonnante qui t’amuse et te fait sourire, qu’elle n’est pas ici depuis plus de deux semaines – et elle t’éclaire par la même occasion sur son passé militaire. Tu te réjouis d’ailleurs d’apprendre qu’elle l’a dispensé dans l’armée britannique ; non pas que tu sois particulièrement patriote, et à ce sujet tu ne t’intéresses ni à la guerre ni à la politique, mais plutôt tu exprimes le ravissement d’une coïncidence supplémentaire. « Dans ce cas, bienvenue à Bray, Dr. Kean » lui réponds-tu avec une fausse solennité rieuse en accompagnant le mouvement de votre poignée de mains. « Je suis le plus enchanté de nous deux, et très anglais moi-même - c’est un plaisir ». Avec un nom comme Egerton, il n’y avait rien de surprenant à l’entendre ; moins, toujours, que de découvrir que cette femme avait déjà accédé à sa retraite militaire. Elle te parait si jeune, peut-être trop pour ce que tu découvres d’elle, tu lui aurais presque soupçonné une infirmité pour s’en être arrachée si tôt, mais rien jusqu’ici n’avait su te sauter à l’œil. Il te tarde de la laisser te raconter tout ceci dans ses moindres détails – à tel point d’ailleurs que si menace il y avait dans sa manière d’être, tu n’en décelais rien. Tu étais trop occupé à la trouver fantasque et superbe, fascinante, délicieuse, dans un rapport trop ambigu entre la fermeté et la douceur. Elle aurait pu te trancher la gorge que tu n’aurais rien vu venir, le contact glacé du métal frôlant ton poignet n’avait déjà pas su t’arracher à sa contemplation. Tu te préoccupais en fait bien moins de la potentialité de mourir que de ton désir d’apprendre cette femme par cœur.

Et puis, sans prévenir, cette fois encore elle t’étonne et te déstabilise. Une double question crève-cœur, suivie d’aveux plus terribles encore. Sommes-nous difformes ? Sommes-nous malades ? C’est seulement à cet instant que tu découvres le sens de cette solitude qui t’avait été évoquée sans que tes pensées ne s’y arrêtent. Tu restes muet, surpris, découvrant l’ignorance de cette femme pour sa propre nature – et ses tentatives pour s’en défaire, qui te provoquent un frisson particulier le long de la nuque. Tu as peu de tabous, peu de choses qui véritablement t’embarrassent, c’est dans ton caractère. Mais l’idée même de mutiler une fée de ses ailes avait pour toi une connotation presque intime, en plus de lui promettre immanquablement un destin funeste. Impensable. Impensable d’envisager mourir par ce biais, tu n’aurais pu le supporter toi-même, et ce n’était pas faute d’avoir pensé à ta mort plus d’une fois. C’était comme déshumaniser le corps, mais en arracher la féerie plutôt que l’humanité. C’était lui faire renoncer à son espèce. C’était abject – et donc forcément, cela excitait ton intérêt. « Non… Non, bien sûr, non. Nous ne sommes pas malades. » Tu l’avais dit d’une voix tiède et relativement calme, une fois que tu eus repris contenance. « Et nous sommes loin d’être les seuls, mais nous vivons cachés. C’est un peu la croix que nous devons porter. Je suis désolé de vous l’apprendre : c’est héréditaire, votre mère était nécessairement de notre espèce. » Si tu y jetais vaguement des formes, tu ne te souciais pas tant de la ménager. En fait, tu n’avais aucun moyen de comprendre ce qu’elle pouvait ressentir à découvrir si soudainement l’envergure de son propre monde, une réalité qu’elle ne soupçonnait pas en tant d’années d’existence. Bien sûr que non, tu n’imaginais pas. Tu y étais né, tu n’avais même côtoyé que des fées jusqu’à l’âge de raison. Il n’y avait rien de plus naturel – l’humain lui-même semblait factice, incomplet, avorté, en comparaison.

Mais tu bondis d’étonnement en étonnement, ce sont aussi tes émotions qu’elle malmène. Il n’y avait pas de mot assez juste pour exprimer ton déboussolement, ta perte de repère, cette sensation que le sol est une nappe que l’on tire sous ton pied, et te renverser lorsque tu es encore là, pendu, statique, à ces révélations qui te tuent à petit feu. Pas de mot qui puisse lier à cela l’intensité d'un plaisir aussi effarant, l’envie d'en rire et le cœur pressé. Si des mots, si des idées pouvaient te faire mourir, tu aimerais cette fois ne pas t’en tirer. Voilà : elle te demande sans détour si tu voulais bien trancher ses ailes, et tu ne penses pas, toi, qu’elle n’y associe pas la même valeur bouleversante que tu y reconnais toi-même. C’était demander en toute conscience à ce que tu l’assassines de la plus barbare, de la plus dénaturante des manières, en t’assurant son consentement, en t’abandonnant sa confiance et tout son être, en laissant finalement dans tes mains de fossoyeur une âme complète quand on hésite à croire que tu en possèdes une toi-même. Ta bouche s’ouvre et se ferme, tu te trouves bien incapable – subjugué par des émotions qui écrasent ton cœur plus lourdement et allument ton regard d’une convoitise à peine voilée. Ton attention se dépose brièvement sur ce scalpel qu’elle t’a abandonné, et son raffinement semble chuchoter à ta raison qu’elle ne mérite pas moins qu’une arme du crime aussi superbe. Tu veux la tuer. Tu en crèves. Non pas que tu la haïsses, bien au contraire : tu la désires, tu la trouves belle mais belle à en mourir, une splendeur glacée à qui la mort ira à ravir. Elle a confié à des mains sans pitié ni compassion un outil qui ne représente rien moins qu’elle-même. Voilà ce qu’elle place entre tes mains – sa mort, sa vie, et par là-même, tout ce qu’elle est. Elle vient de se donner à toi, en un instant sans que tu ne t’y attendes : tu te sens fou, toi, fou tout entier dans l’idée de la posséder.
Ne vas-tu pas lui dire ? Pas encore. Pas devant cette insoutenable tentation. Elle découvre à tes pupilles invasives une toile vierge, une peau nue où se lisaient les délicates irrégularités de ses omoplates et de sa colonne. Tu ne peux résister à l’envie de contact, effleurant du bout de tes doigts d’un hâle moucheté son dos blanc comme lait et d’une douceur absurde. Un instant, un seul instant offert, où tu empiètes ses remparts d’un seul mouvement de pouce contre l’excroissance violacée – vulnérable et fragile comme une aile de papillon. Tu n’as pas l’occasion de te permettre davantage, mais c’est déjà trop, c’est déjà franchir la bienséance, et te permettre trop d’emprise. Sa main avait saisi la tienne de nouveau, et tu étais véritablement captif et captivé par cette poigne légère et trop affriolante. Êtes-vous capable de faire une ligne droite ? Tu n’arrivais plus à rire, la caresse sur ton poignet ne valait pas mieux qu’une étreinte sur ta gorge pour te faire mourir. « Madame, vous m’injuriez » soufflas-tu d’une voix si basse qu’on eut douté qu’elle s’adressait à un autre que toi. Elle la voila repartie, arrachée à ton contact, et te voilà languissant, détraqué et colérique.

Elle brandit pour te servir un morceau de carton, comme on donnait un os à ronger à un chien. Sa main te reprend, au visage cette fois, pour te tourner vers cette cible de substitution – mais pas cette fois, tu ne peux pas te contenter d’obéir. Tu es trop ardent pour être sage, et ta main encore libre se saisit de son poignet sans violence. « Je refuse de laisser à niveau égal votre épiderme et ce vieux morceau de papier. Mais laissez-moi s’il vous plait un temps pour vous répondre. Je suis capable, et je le ferai : je vous mutilerai, si vous me le demandez. Seulement, vous devez savoir que vous mourrez si je vous les arrache, et en toute franchise, il serait sans doute moins cruel de me demander de vous trancher la gorge. Mais si c’est là ce que vous désirez de moi, alors ce n’est rien que je puisse vous refuser. » C’est vrai, tu avais hésité, et hésité un peu trop longtemps quand on réalisait l’importance de cette information. Tu n’avais pas voulu qu’elle se retire de la proposition, tu voulais de ce meurtre trop intime, de cette peau immaculée livrée à tes mains possessives. Mais ce n’était pas l’acte de tuer qui te motivait, c’était moins cela que le plaisir de rendre douce et complice une mort inévitable, une mort suppliée. Tu aimais l’idée qu’elle te consacre l’événement le plus important de sa vie à tes yeux – mais si elle ignorait qu’elle devait en mourir, où trouverais-tu ce plaisir ?
Tu l’avais libérée de ton contact, au fond c’était seulement pour capturer son attention le temps de le lui dire. Mais le docteur Kean avait perdu de son éclat, elle avait terni, sans que tu saches si cela venait d’elle-même ou de ton propre regard. Elle s’était mise à pleurer, à flancher, à haïr. Tu n’avais rien mieux à faire que la contempler, ignorant des émotions qu’elle pouvait souffrir sous tes regards. Sa poudre s’agite, prend des formes douées de sens ou presque, exprimant sans doute ce qu’elle ne savait exprimer elle-même. Tu aurais été vulnérable à cette poudre, capable d’en subir les illusions, tu aurais sans doute été en proie à de curieuses visions, et quelque part tu désirais savoir – mais heureusement tout de même que tu en avais l’immunité, quelle plaie ce serait au quotidien quand on voit la quantité de poussière que tu déverses. La raison finalement de tout cela franchit ses lèvres, la jalousie de ce que tu sais, plutôt que de se réjouir d’enfin accéder par toi à la connaissance de ce qu’elle aurait déjà su connaître. Ma vengeance sera de vous mordre dit-elle, et vraiment tu n’aurais pas d’objection à ce qu’elle mette sa menace à exécution, mais tu n’es pas tout à fait convaincu que cela ait un grand intérêt. « Mordez-moi, cela me plaira peut-être. Mais ne préféreriez-vous pas plutôt que je vous partage quelques-unes de mes recherches ? Sans vouloir exciter votre jalousie, j’ai travaillé assidûment sur les êtres comme vous et moi, et j’aurais beaucoup de plaisir à satisfaire votre curiosité – en vous laissant me mordre si cela vous soulage ; et je vous écorcherai ensuite, si vous m’en faites la demande. Mais la mort est un grand moment et je n’aimerais pas que vous bâcliez la vôtre, surtout si je dois la provoquer de mes mains. Même si – même si je vous jure que cette idée me flatte et me captive, et que je n’en peux plus, et que je vous assure que je ne sais plus quoi faire de mes émotions quand j’y pense. » Tu avais commencé dans la taquinerie, tu étais resté serein et courtois – mais force est d’admettre que tes dernières affirmations s’étaient précipitées dans la maladresse, trébuchant par-dessus les virgules pour exprimer tout le désordre qu’elle te laissait dans la tête.
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Au milieu de ses humeurs variables, la damnée qui s’offrait au fossoyeur s’était tendue à la mort sans l’apercevoir. Une survivante de son calibre ne possédait aucun doute quant à son intégrité propre : quelques échanges de regards, de paroles avaient suffis à lui laisser une confiance absolue en cet être, et l’un des seuls objets qui l’avait accompagné pendant vingt-cinq ans reposait entre ses mains. Dr. Egerton parlait de leur espèce, de sa mère... Cette expression provoqua un rictus de haine à l’orpheline qui fronça ses sourcils avant de se retenir pour ne pas gifler son bienfaiteur. Ne pas répondre, le laisser dévoiler des informations. Sa curiosité maladive ne continua que de croître en détruisant toutes les barrières de sa décence. Une main l’effleura, ce qui lui causa des frémissements. Et une envie écrasante de lui foutre une raclée. Certes elle sentit une pression sur ses ailes. Le monde autour d’elle commença à s’évaporer…

Confuse, Kyara sentit une lourdeur énorme se dissiper. L’étau autour de sa gorge s’était ouvert, lui laissant un cœur inerte et envolé…Tout allait si bien. Tombée dans la paix, Dr. Egerton ne commença même pas à la mutiler. Il lui offrit un avertissement, et l’assurance de pouvoir relever son devoir si tel était le désir de la jeune fée oubliée. Sans un battement de cil, elle suivit ses paroles pour s’y noyer – avec la confirmation de ses doutes les plus acerbes. La fée qui l’initiait à ce monde n’était pas assez ignoble pour lui prendre la vie. Il devait la ménager, la chouchouter et la prévenir. Seul un regard de déception lui répondit. Sans la simplicité d’employer des mots, Dr Kean reprit des couleurs inquiétantes. Et dans la suite sauvage des événements, le revers de sa main gifla sa tempe vigoureusement.

Violemment, Kyara sauta au cou du Dr. Egerton. De ses deux mains, elle emprisonna la base de sa tête en se pendant à ce dernier. À la vois vengeresse et doucereuse, la haine qui enveloppa ses gestes dévoilait l’appel du sang, l’appel du meurtre : une nature dévastatrice, purement destructrice. Son seul bonheur demeurait le chaos, l’anéantissement. Des ongles aiguisés plantés dans la chair d’un côté, des lèvres sanguinaires de l’autre; des dents profanaient déjà toute politesse en composant l’acte de mordre. Urgente, la fée continua son mouvement – profondément, bestialement, purement carnivore. C’est ainsi que ses deux pouces glissèrent sur les jugulaires, palpitantes et intrigantes. La pression exercée en devint plus faible, plus clémente. La silhouette menue de l’ancienne militaire ne laissait qu’entrevoir une rigidité exacerbée, une droiture de la colonne vertébrale démentielle et complètement maniaque. Kyara déposa de nouveau ses lèvres sur cette morsure puis s’écarta légèrement, retirant son emprise par surprise.

Ses yeux s’incrustèrent dans les siens, pendant qu’un sourire narquois naissait à la commissure de ses lèvres. Très faible, mais présent l’espace de quelques secondes. Docteur Kean revint à la charge, haineuse et colérique, presser ses lèvres contre son oreille gauche :
« Vous aviez l’occasion de me tuer, et vous m’avez laissé survivre… Vous confessez aussi votre désir de m’aider à joindre la mort, mais vous attendez mon consentement! » Elle respira lentement, presque un souffle démoniaque qui attendait de pouvoir saisir sa victime. D’une rancœur insoupçonnée, Kyara empoigna les cheveux de Basil avec force et entrain. Sa voix douce, posée continua : « Vous auriez dû saisir l’occasion, l’opportunité. Vous brisez mon cœur après avoir brisé mon monde. » Seule une psychopathe fascinée par l’au-delà pouvait trouver une justification dans cette chance ratée, dans cette occasion bafouée par l’honnêteté du Dr. Egerton. Il était trop tard pour recommencer. Kyara aimait la perfection, la Renaissance, la Sainteté. C’était une guerrière, pas une brebis.

Les deuxièmes chances n’existaient pas dans son univers qui incluait désormais les fées, les sirènes, les lutins ou bien les farfadets. La guerre lui avait appris à aimer une mort idéale, spontanée et imprévisible. Mourir sur le champ de bataille le cœur plein d’espoir de se sacrifier l’avait toujours motivée à aller au premier front parmi les fantassins…Connaître l’histoire et ses péripéties avant le dénouement et la conclusion…Quelle horreur. Quelle tristesse. Quelle détresse…Toujours seule contre le monde entier, la rouquine laissa son visage succomber à l’indifférence, au dégoût le plus profond. Chaque mot avait caressé les parois de son oreille, y imprégnant de façon indélébile une nausée invincible de sa personne. Des flammes dansaient dans son regard de plus en plus perfide et horrible. Leur violet incandescent, armé de lueurs lunaires annonçait une terreur implacable- et sans précédent. Elle plaqua ses dents sur le pavillon de son oreille pour y déchaîner son dédain le plus profond. Longtemps, méchamment, peut-être un filament de sang, mais elle rêvait d’une certitude non vérifiée. La fantaisie devrait se rompre; décortiquer son âme un brin à la fois lui donnait un mal viscéral.

Soudain, sa silhouette s’esquiva de leur proximité, de leur bulle entièrement composée de violence. Ses mains le lâchèrent, enfin, de ce contact virulent, douloureux. Mais, une gifle fusa – une deuxième, d’une faiblesse traîtresse. Les tempes bleutées, rosées de son teint livide montrèrent  la qualité de la rage qui l’envahissait. Des iris sauvages s’imposèrent aux siens, utilisant toujours une intimité intimidante à son égard.


« Je veux me noyer de votre sang… Vous me donnez soif. » Le ridicule de cette image fut scandé à sa raison qui était partie prendre une longue et adorable promenade. Toutefois, le sérieux de la créature s’avéra déroutant. La militaire, éduquée à la maltraitance et à la brutalité, s’arrêta sous son menton.  Orgueilleuse,  son minois ignora les larmes sèches qui s’égaraient sur son cou délavé, livide. Une main vint se poser sur son veston, le lisser avec maniérisme – trop précis pour tomber dans la tendresse. Des lèvres couleur sang s’approchèrent minutieusement, révélant une exactitude certaine dans les capacités d’observation et d’action. Lentement, des mots quittèrent de nouveau sa gorge : « Partageons, Dr Egerton. » Rayonnante d’horreurs discrètes, la fée abandonna ses iris sur sa personne, une fois de trop. Soudain, encore, les mains de Kyara empoignèrent sa gorge. La triste vérité se révélait : sa haine ne lui offrit plus le luxe de dissimuler sa haine. C’était tout que son âme exhalait, tout ce que ses poumons expiraient.




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Basil Egerton
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Quelle ironie. Toi détracteur de la société, toi maladroit parmi les hommes, le travailleur manuel et le chercheur ne s’embarrassant que peu d’éthique et de valeur – tu te trouvais être encore trop civilisé pour la femme qui te faisait face. Tu n’étais pas un être violent, plutôt flegmatique et rationnel, et tu aimais moins la mort quand tu la provoquais toi-même. Ce n’était pas par pitié ou gentillesse que tu avais cherché à lui apprendre ou à la mettre en garde, tout au contraire. Ce n’était pas pour elle mais pour toi, dont le plaisir se trouvait si facilement contraint par des obsessions complexes. Le meurtre était un outil et non pas une fin en soi, et tu l’encadrais en toi très strictement, pour ne pas risquer une seconde Meredith. Un trop grand nombre d’erreurs te menant à un sentiment d’incomplétude et une frustration terrible qui ne mourrait pas durant des heures - qui ne mourrait jamais vraiment. Une torture insoutenable, et non pas de celles que tu trouvais enviables.
Ce qu’elle prend pour du respect et de la considération pourtant te vaut une première claque – un revers de sa main délicate pour te gifler la tempe impitoyablement. Ce serait mentir que de dire que tu t’y étais attendu, non : la surprise étire les traits de ton visage, et tu serais sans doute resté quelques secondes en suspens à la regarder si elle n’avait pas enchaîné aussitôt. D’ailleurs ce qu’elle enchaîne, c’est ton cou entre ses mains, petites mais fermes et glaciales contre la pulsation tiède de ton sang sous la peau. Elle t’étrangle moins qu’elle ne s’accroche véritablement, comme un lest pendu à ta nuque pour te casser le dos, et sous son poids tu ne peux faire autrement que te courber au moins un peu. Puis, sans tarder, ce sont ses ongles et ses dents qui s’acharnent pour te faire souffrir. Une plainte douloureuse traverse tes lèvres et tes mains s’accrochent à ses épaules dans un réflexe naturel pour t’en libérer, la pression autour de ta gorge brûle ton front, accélère ta tension et tes battements de cœur, et ton cerveau est malmené par le rush d’adrénaline. Elle te relâche presque aussitôt, son regard violent et inextricable se jette contre le tien, obnubilé et ému, où la douleur luisait encore sous un voile d’incompréhension silencieuse. Tu n’arrivais pas à la cerner. Tu n’arrivais pas à cerner cette femme qui te ressemblait trop et à la fois trop peu.

Insaisissable, elle ne te laisse pas le temps de faire mieux qu’effleurer des doigts la morsure qu’elle vient de te faire, et plaque ses lèvres rouges et trop désirables contre ton oreille. Son souffle te brûle le tympan, tes yeux se ferment à demi et toute ton attention se porte sur ces quelques phrases qui sont tes seuls indices pour saisir une once de sens dans sa spontanéité. Vous aviez l’occasion de me tuer, et vous m’avez laissée survivre… dit-elle, et si tu n’y perçois pas le reproche, elle ne tarde pas à te le faire comprendre avec d’autres déclarations plus claires. Vous auriez dû assure-t-elle avant de conclure : Vous brisez mon cœur après avoir brisé mon monde. Vraiment, Basil, tu aurais brisé son cœur ? De quelle manière, penses-tu – par ton existence seule, ou parce que tu as voulu l’instruire ? Mais tu répugnes l’ignorance autant que tu estimes la curiosité, et tu n’es pas un barbare. Tu te sentirais presque vexé qu’elle le prenne de cette manière, et l’expression de ton visage exprime peut-être autant que le sien que la situation te déplait. Non pas ses gestes, brutaux et désordonnés, cette prise sur tes cheveux qui charge le fond de ta gorge d’une autre plainte. Non pas cela, puisque tu t’y soumets presque gémissant sans hésiter une seule seconde, mais plutôt les raisons qui l’y poussent, qui te contrarient, qui affermissent tes traits. Tu as beau la laisser te mener et te malmener, le cou tordu le dos brisé, affaissant ton visage à quelques centimètres de sa clavicule sans te permettre d’y toucher. Tu as beau te laisser faire et mordre, et ne pas te plaindre, dans cette situation embarrassante où tu te complais presque. Cela n’empêche que tu as perdu toute trace de sourire, et que d’un geste sans brutalité et trop sage, tu glisses dans la poche de sa blouse le scalpel qu’elle t’avait jusqu’alors abandonné, dans un signe de renoncement qui serait presque autant un signe de défiance. « Si ce que vous voulez, c’est un homme qui tue pour le plaisir de tuer, je crains de n’être pas celui qu’il vous faut. » Il y avait un peu de mépris dans ces mots, non tant pour elle que pour l’idée même d’un manque de goût aussi profond. Tu n’étais pas un meurtrier, tu étais un chercheur et un passionné, et c’était autrement plus valorisant à tes yeux – même si ton art supposait à l’occasion quelques dommages collatéraux.

Tu aurais pu t’en défendre. Elle s’était jetée à ta gorge, et s’acharnait inlassablement sur ton oreille, se tenant à portée de tes mains qui étaient encore armées un instant plus tôt. Tu aurais pu la menacer, enfoncer le scalpel entre ses côtes, profiter de son acharnement sur ton pauvre être pour crever ses défenses et lui donner ce qu’elle voulait. Pourtant non, tu le lui avais remis, et ce n’était pas faute de convoiter ce scalpel pour ta petite collection, en souvenir de cette femme que tu ne parviendrais pas à oublier de sitôt – tu avais un côté presque sentimental lorsqu’il s’agissait de conserver des bibelots étranges, se rattachant à des histoires qui l’étaient au moins autant. Mais tu y avais renoncé, entre autre pour lui faire comprendre que ton opinion était très arrêtée, et que toute la violence du monde ne te ferait pas descendre à son niveau.
Désarmé, le visage fermé, marqué par une douleur évidente qui pourtant ne semble ni t’effrayer, ni te mettre en colère – lorsqu’elle s’éloigne une fois encore, c’est pour te laisser brûlant et discrètement prostré, la main portée à ton oreille comme si tu t’attendais à ce que la sensation de chaleur qui en émanait soit directement lié à un sillon sanguinolent. Deux gifles médiocres, mais qui te jettent plus nettement dans ce désir de sensualité. Tu es chancelant de tout ce qui précède, son regard rejoint le tien une fois encore, et s’il est intime, il ne t’intimide en rien ; ce serait même plutôt l’exact contraire, une provocation à laquelle tu réponds volontiers par ton refus à te venger, ou à te soustraire à ses assauts. Tu ne t’effaceras pas, c’est là ta place : au-dessus d’elle de toute ta taille, à la gonfler d’orgueil en la laissant te malmener. Je veux me noyer de votre sang, vous me donnez soif dit-elle et cela te vaut un pincement de lèvres, alors que son contact se fait moins agressif et presque maniaque. « Je ne me défendrai pas, flattez donc votre orgueil – mais vous perdrez à me tuer, et vous serez de nouveau seule. » Plus de mépris, ni plus tant de douceur, cette fois ta voix s’était faite décidément plus ferme, quoique toujours dénuée d'agressivité.

Une dernière fois, elle empoigne ta gorge, sans te ménager, sans se laisser attendrir. Tu pourrais tout aussi bien mourir, elle ne te veut pas de bien, mais ce n’est pas ce qui t’importe. Ce n’est pas de cette façon qu’elle te videra de ton sang, mais cela t’arrange plutôt – tu as toujours eu un plaisir coupable à subir la strangulation. Alors tu la laisses s’acharner, couper tes poumons d’air, affoler ton diaphragme et rougir ton visage. Tu restes calme, depuis le temps que tu embrasses cette pratique, et c’est dans ton intérêt de la faire durer. Profitant de ta pleine conscience, de ces instants où l’instinct de survie ne vient pas encore contrarier tes gestes, tu te saisis de ses poignets, un dans chacune de tes paumes, que tu enserres familièrement. Et tu les maintiens en place plutôt que de les détacher, jetant dans ses yeux tout le défi dont tu sois capable. Cela commence à peine, les premières conduites désordonnées : tu fais quelques pas en avant, contraignant sa petite personne toute concentrée sur ta gorge à reculer jusqu’à percuter la table où elle opérait tantôt. Tu te flattes de son contact, de sa proximité, tu lui dis sans le dire : vas-y, tue-moi, mais tu dois être consciente que rien ne me fera plus plaisir. Puis à mesure du temps qui passe, le besoin de respirer, ta lutte intime contre ton propre instinct de survie, l’adrénaline. Tes pensées sont entravées par ces poignets que tu maintiens, et tu presses ton corps contre le sien, fermant les yeux pour te concentrer sur ces derniers instants de discipline. Le besoin d’air se fait trop lourd, tu ne parviens plus à agir contre toi-même : tu te raccroches à cette base solide, la table placée derrière elle, tu y écrases tes paumes et blanchis tes jointures, sentant autant tes membres que ta volonté faiblir. Combien de fois t’étranglera-t-elle encore ?
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Briser un cou. Que de belles cruautés avait-elle en tête. Les yeux rayonnants de joie à l’idée de ce meurtre à l’unisson. Tout lui souriait, tout lui permettait un contrôle mielleux des événements. Des mains forcenées, travaillantes, pressant sa chair contre ses artères jugulaires, ses veines et l’os de sa tête, pilier d’un nombre infini de terminaisons nerveuses. Le sourire de la belle meurtrière tomba au fil de ses paroles, s’estompa dans le gouffre d’émotions noires lorsqu’il lui cracha ses quatre vérités en plein visage. Kyara ne put retenir des larmes claires, argentées tombant de ses iris torrentiels. Quand la tempête faisait rage dans son attitude, son âme semblait absente – vaine, éteinte. Était-ce une détresse sans nom qui appelait de son for intérieur?

Était-ce le refus de perdre cette normalité que la société lui avait toujours imposé? Était-ce en fin de compte sa piètre capacité à s’adapter dans des relations interpersonnelles? Séparer la tête de son corps devint son désir le plus profond, serrant ses paumes avec toute l’ardeur de ses années au service militaire. Les silhouettes s’écrasèrent, imposant à la fée de se laisser aller contre le métal de la table opératoire. Le creux de ses reins se frappa violemment, pendant que ses poignets étaient encouragés à continuer. Dr Egerton parlait, encore. Chaque mot représenta un scalpel en or planté à l’intérieur de ses côtes, propageant des hémorragies externes au travers de son thorax. Chaque tournure de phrase la fit saigner à blanc, donnant un teint livide à la petite femme qui lui faisait face. Kyara se vida entièrement de couleurs vives : le pourtour de ses lèvres devint cyanosé, ses tempes émaciées des plus pourpres.  


La colère de son orgueil était si violente que le souffle l’avait quitté. Enfant, elle avait l’habitude de retenir son souffle si longtemps qu’on la croyait décédée – envolée vers un paradis chrétien. Cette pratique la suivit longtemps, du moment de sa fugue de l’orphelinat jusqu’à ses années en pratique médicale. Pour le plaisir, sa respiration devenait succincte, inexistante. Elle s’imaginait être une poupée de latex pour oublier les maltraitances des hommes, l’intimidation et toutes les épreuves impossibles que la vie lui donnait. Ne plus respirer lui donnait la joie de s’arrêter le temps qu’elle voulait. Refuser ce premier besoin naturel jetait sur son orgueil un voile de prestance inestimable. Certes ce geste se manifestait aussi lorsque l’échelle de sa douleur atteignait des paroxysmes. Kyara vivait au sein des mots du Dr. Egerton.

Semblable à l’océan, ils partaient et revenaient dans un roucoulement incessant. La détresse coulait de ses paupières en rivières silencieuses, laissant la marée les ramener à sa gorge intacte puis au milieu de sa poitrine – un cœur sauvage, indépendant. Leur échange de regard s’interrompit lorsque Basil ferma ses yeux. Les poignets de la chirurgienne devinrent libres, pendant que le poids de son corps l’écrasa à moitié. Le bonheur de son comparse exhalait lors de ladite strangulation; la responsable, au contraire, y perdit toute motivation à l’audition de ses paroles. Figée dans le temps. Pétrifié d’effroi et glacée de sa propre foi aveugle en cette personne, ses mains lâchèrent leur prise. Une main froissa son veston, cherchant à le retenir puis abandonna toute colère. D’un seul regard, elle quémanda un autre échange avec tendresse, avec délicatesse : je sais que tu as raison, je te fais confiance, j’ai peur d’une trahison autant que j’ai peur d’être de nouveau seule. Sans respirer une tierce d’oxygène, sans formuler une syllabe, le visage livide aux lèvres de sang se clora de nouveau. Impossible de se mouvoir, impossible d’évoluer. Elle détourna la tête, laissant voir une artère palper et sa gorge refuser de s’adonner à son mécanisme naturel. Tout ce qui avait inspiré la rage chez la damoiselle semblait s’être enflammé, métamorphosé. Le seul problème, c’était l’impossibilité à définir le voile d’objectivité qui la composait.

Aucune lumière, aucunes ténèbres. Seulement le vide vêtu de larmes chaudes, éclatantes. Ses mains restaient ouvertes, suspendues par des fils invisibles semblable à une marionnette. D’immenses cicatrices s’y dessinaient, à la verticale, au niveau de l’intérieur de ses poignets : de plus, la peau entourant le pavillon externe de son oreille droite semblait en porter une similaire. Certes les cicatrices traitées ne disparaissaient plus malgré le fil du temps. Celle située derrière son tympan parlait de tortures, de celles ou l’oreille fut arrachée en partie dans une tentative fructueuse. Encore trop près de la fée, ne pouvant pas reculer ou s’échapper sur le côté, enflammée, impérieuse, les iris torrentiels de la docteure continuèrent cette défiance qui régnait entre eux. Une guerre qu’elle adorait nourrir dans l’ombre du prédicat mourir. L’orgueil à sec, des clavicules en vinrent à être humides. Le rythme cardiaque de la fée diminua potentiellement, allant avec son refus de se libérer de ce poids, de cette pression intense qu’elle jetait sur sa cage thoracique. Bien assez tôt, Kyara réalisa à quel point son choix de s’aventurer sur ce chemin autodestructeur allait causer sa perte : ses poumons ne voulaient plus fonctionner. Une prison de sa propre création l’avait incarcérée vivante dans une carcasse défaillante.


Trois minutes s’étaient écoulées. Abandonnant sa silhouette contre la sienne, laissant ses défenses mitraillées de toutes parts, incapable de revenir au moment présent pour communiquer verbalement ou physiquement. Seule ses mains ouvertes, pendantes, figées se dégivrèrent pour se poser sur ses épaules telles les ailes d’un rapace injurié. Les mots du Dr. Egerton colorèrent de nouveau son regard éperdu d’un vide cruel, démentiel. Ces vérités revenaient tel un refrain sans cesse, pendant que ses doigts se crispaient légèrement. Une noyade de l’intérieur : une chute à la verticale dénuée du cortège aquatique et de l’envie suicidaire. Le sang de ses lèvres ne pouvait plus formuler des éloges haineux, prétentieux.  Glacées, son regard retombait sur le côté dans l’absence proche de l’état comateux. Le croque-mort semblait discerner la raison derrière chacun de ses gestes : démontrait une noblesse de caractère et un raffinement qui lui étaient étrangers. L’Aristocrate et la Sauvage. Depuis vingt-quatre ans, cette fée aux yeux haineux avait été une survivante du passé, du présent et d’un futur incertain. Rien n’avait forgé sa psychologie, ne l’avait forcé à ignorer ses excès de colère ou de rage. Seules les flammes de son caractère insupportable la menaient. Depuis son premier souffle, son corps avait ressenti le besoin de conquérir la liberté d’autrui. De la piétiner avec son orgueil incommensurable au point de les faire briser. La personne devant elle la fracassait à coups de pelle d’un battement de cils : avait-il suffi d’un tiers de seconde pour démolir sa croyance de connaître les dernières découvertes du corps humain depuis les dernières décennies? Toujours sans pouvoir utiliser ses voies respiratoires, Kyara le regarda de nouveau – curieusement, délicatement, candidement presque.

Plus blanche, plus transparente, plus véritable que jamais, la souffrance, c’était ce qui exhalait de toute sa personne. La sienne semblait si complexe, si empoisonnée. Un venin des plus prononcés. Rien ne pouvait égaler la splendeur meurtrière de ses éruptions volcaniques et excentriques. Kyara reposa son front contre son épaule soudainement, ne pouvant plus maintenir son état d’immobilité. La fée laissa ses ailes disparaître en même temps que sa conscience vaciller vers les ombres. Seuls ses iris en aperçurent les étendues : l’environnement tanguait, tandis que ses paumes s’accrochaient. Elle tenta de formuler ses troubles sans le moindre succès. La seule opportunité qui se présenta fut l’abandon, ne pouvant ni parler ou respirer. Docteure Kean se contenta de relever ses yeux vacillants sur l’inconnu, ne savant plus si le rêve était ou n’était plus.


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