MESSAGES : 3959 AGE DU PERSONNAGE : 49 RACE : Fantôme (ex-fée) MÉTIER/ÉTUDE : Gardien du cimetière
Mer 23 Mai - 3:45
Do you come here often ?
ft. Nemesis Simmons & icon (c)dandelion
Lorsque l’on te voyait ainsi, assis sur un muret de pierre, à siffloter un morceau de Mozart en affûtant ta pelle, à quelques pas à peine des premières pierres tombales, il y avait un monde de questions à se poser sur les prédispositions qu’un homme pouvait avoir à se plaire dans un métier pareil. Jamais de peine ni de malaise, tout au plus une rare mélancolie, un élan lyrique, une bouffée de plaisir - tu n’avais jamais autant de joie de vivre qu’entouré de la mort en définitive. C’était devenu évident que tu prenais les lieux comme ton propre territoire, tu ne te privais jamais de saluer les visiteurs endeuillés qui passaient le grillage, assénant risettes et regards bienveillants, suivant des yeux leur pèlerinage entre les stèles. Tu les dévisageais quelques fois trop longtemps sans même t'en rendre compte, tu ne réagissais pas à leur mal-être. D’aucuns te trouvaient particulièrement étrange, mais il n’y avait rien de soupçonnable derrière cet écrin de politesse. Tu étais heureux d’être là, c’était tout ce qu’il y avait à savoir - on ne pouvait pas condamner un homme pour son sourire.
Depuis le temps que tu étais posé à Bray, tu t’étais mis à les retenir, ces visages qui venaient trop souvent. Tu illustrais ces tombes, ou ces corps que tu déterrais, des portraits de leur entourage, et tu les apprenais et les faisais renaître au relief de ceux qui étaient encore vivants. Celle-ci, par exemple - qui se tient un peu plus loin, et sur lequel ton regard aiguisé se pose. Ce port altier, cette grande silhouette, cette peau brune si remarquable dans un pays comme l’Irlande. Simmons, son nom de famille, si tu le sais, c’est parce que tu connais la tombe devant laquelle elle se recueille. Tu t’en souviens comme si c’était hier : cette femme fière, isolée de la masse, portant son deuil. L’épouse tenue à l’écart qui ne voyait personne sinon le défunt ; le tracé des larmes sur ses pommettes, ce genre de détails qui avaient monopolisé ton attention plus que tout le reste. Lorsque tu la vois ainsi entretenir la tombe de son époux, tu jurerais qu’elle se penche sur lui quelques fois et qu’elle lui parle - un détail que tu as l'audace de trouver charmant.
Tu te lèves finalement, laissant derrière toi ton outillage, et tu avances silencieusement dans sa direction pour ne pas interrompre ses confessions. Le pas tranquille, le sourire aux lèvres, la main glissée dans la poche d’un pantalon trop cher pour son usage. Respecter le deuil, respecter le recueillement - tu fais toujours de ton mieux, mais ta curiosité déborde. Tu l’as laissée tranquille aux funérailles et c’était déjà beaucoup, d'autres n’avaient pas eu cette chance. Tu te tiens à côté d’elle, et laisse passer quelques secondes de silence pour lui laisser remarquer ta présence et ne pas la surprendre. « C’était un homme chanceux, votre mari. » Vraiment ? Vraiment ? Quel tact, Basil, tout à fait la chose à dire d’un homme tué dans un accident de voiture. Il n’y a pourtant pas de moquerie dans ta voix trop basse, tout juste une constatation. « Vous le visitez souvent, vous deviez l’aimer beaucoup. » Eh bien, c'est son mari, pas vrai ? Toi et l'amour, c'est une drôle de vieille incompréhension. Pas besoin d’un bonjour, le sourire en fait office. Et pas de main tendue, car qui voudrait serrer la main d’un fossoyeur ? Dans ta propre famille, il y en a plus d'un qui ne veulent même plus te regarder.
BY CΔLΙGULΔ ☾
Invité
Sam 26 Mai - 20:29
(Les pensées d'Albrecht de de Pénélope et de Sheldon ne sont audibles que de Nemésis, d'où l'italique)
Basil Egerton
MESSAGES : 3959 AGE DU PERSONNAGE : 49 RACE : Fantôme (ex-fée) MÉTIER/ÉTUDE : Gardien du cimetière
Mer 30 Mai - 16:20
Do you come here often ?
ft. Nemesis Simmons & icon (c)dandelion
Elle ne laisse paraître aucun signe apparent de dérangement, tout du moins aucun suffisamment grossier pour que ton esprit bancal ne le perçoive. Tu as de la chance qu’elle ne soit pas susceptible, qu’elle ait pris le temps de voir où menait ta pensée avant de mésinterpréter quoi que ce soit. On dirait que tu es tombé sur une romantique ; je dirais bien que vous êtes deux, mais il est vrai que tu as ta propre définition. Les litanies amoureuses, les romans à l’eau de rose, c’était d’une telle insipidité, et il fallait que l’on y mouille un peu de deuil pour que tu y trouves un tant soit peu de saveur. Elle ne pleure pas, mais tu cherches dans son visage cette autre chose, une peine silencieuse, l’empreinte délicate du tourment. Elle se présente, Nemesis Simmons, tu te retiens de lui répondre : je sais, pour t’arrêter une seconde sur ce choix de prénom. Avec le recul, il ne t’avait pas semblé l’avoir entendu auparavant, tu en aurais été marqué un peu plus. Ce n’était pas fréquent, en fait ça sous-entendait presque toute une histoire, que tu mourais d’envie de connaître. Tu la dévisages avec intérêt, et ne peut t’empêcher un sourire amusé devant ses compliments. Apporter une maladresse et se faire remercier. Au moins, cela en faisait une qui s’en souciait. « Vous êtes bien aimable, mais je suis payé pour ça. » On ne te le disait pas souvent, pas un kopek de reconnaissance, les visiteurs avaient mieux à penser, mais il fallait les comprendre. En revanche si rien n’était entretenu, ils étaient tous les premiers à se plaindre. C’était un de ces métiers où tout était acquis au point de ne valoir que de l’ingratitude, mais peu importait puisque tu ne courais pas après les compliments. De toute façon, pour remettre en cause l’état de ton cimetière, il fallait le vouloir. Tu étais ici sur ton territoire, tout y était ordonné avec la même rigueur que dans ta propre maison, bien que laissant l’âge y prendre sa juste place. Tu te fais pensif, avec un soupçon d'ironie dans la voix, dilué dans un peu de douceur. « N’est-ce pas cocasse… Vouloir faire d’un cimetière un lieu où il fait bon vivre. Je ne sais pas si je suis fier de mon métier, mais je l’aime. Je n’en changerais pas pour tout l’or du monde. » C’était plus qu’une expression. Un homme de ton rang, un homme de si bonne famille, qui avait réussi ses études aussi brillamment, aurait pu espérer tellement plus qu’un maigre revenu de fossoyeur. Tu étais déjà très aisé, tu aurais pu être beaucoup plus riche si tu l’avais voulu, mais l’argent n’avait pas de réelle valeur à tes yeux. Pas de valeur à côté de la passion, or c’était pour celle-ci que tu vivais.
C’était ses yeux que tu regardais, autant que possible. Essentiellement car cela te rendait la tâche beaucoup plus facile pour interpréter ses émotions. Quelque chose qui avait tendance à rendre mal à l’aise, et qui te donnait aussi cette drôle de présence. Il fallait que tu pèses tes mots, que tu te ravises à la première grimace. « Je n’ai pas pu m’empêcher de remarquer votre isolement aux funérailles de monsieur. » Une façon un peu moins directe de dire : je vous ai observé longuement. « Ce n’est sans doute pas à moi de le proposer, mais il n’est pas toujours facile de savoir à qui s’adresser dans ce genre de situation. Si vous souhaitez parler de quoi que ce soit… Il n’est pas rare que l’on se tourne vers moi en quête d'un bon conseil, et je sais faire preuve de beaucoup de discrétion. » Tu te prêtais au moins de bonnes intentions. Evidemment, tout ce qui t’intéressait au fond, c’était de savoir plutôt que d’aider. Savoir quelles drôles de circonstances avaient pu entourer l’accident de son époux, quelles complications devaient le faire se retourner six fois dans sa tombe, et avoir un sujet de conversation à soulever lorsque tu lui rendrais visite. Dans quel état avait-il fini, en charpie peut-être, une vision insoutenable que tu te serais fait un plaisir d’endurer. Ceci dit, tu étais indéniablement un menteur, mais tu avais des manies d’homme de parole. Tu n'aurais pas fait demi-tour après t'être si généreusement proposé.
BY CΔLΙGULΔ ☾
Invité
Dim 15 Juil - 19:06
(Les pensées d'Albrecht de de Pénélope et de Sheldon ne sont audibles que de Nemésis, d'où l'italique)
Basil Egerton
MESSAGES : 3959 AGE DU PERSONNAGE : 49 RACE : Fantôme (ex-fée) MÉTIER/ÉTUDE : Gardien du cimetière
Mer 22 Aoû - 18:45
Do you come here often ?
ft. Nemesis Simmons & icon (c)dandelion
Tu te souciais de moins en moins de prendre des pincettes en la voyant si réceptive, et ses sourires te semblaient naturels malgré le deuil encore présent. Elle semblait sereine, en confiance - elle te rendait en tout cas la conversation plaisante, et le cimetière autour de vous te mettait d’autant plus à l’aise. Tu sais pourtant que tu as tout intérêt à conserver un filtre, et tu la tiens strictement au centre de la conversation. Quand elle s’obstine d’ailleurs à complimenter ton travail d’entretien, tu l’acceptes d’un « merci » presque timide – d'accord, tu n'aimais pas les compliments, c’était plutôt pour te débarrasser d’un échange inutile, et tu avais dévié le sujet sur ta piteuse plaisanterie. Tu aurais laissé couler, si toutefois elle n’avait pas dit quelque chose d’étonnant. En fait, peut-être pas si étonnant, mais sur le coup, ses mots t’ont laissé comme insatisfait. A l’entendre, le cimetière ne serait pas pour les morts - et ce n'était pas totalement idiot. Il était sans doute pour les familles désirant faire leur deuil ou porter hommage à leurs défunts. Quand on te connait un peu, on peut presque voir combien cette idée te contrarie. De te confronter au fait que les morts ne sont plus vraiment là, que tu ne travailles pas tant pour eux que pour les frères, les conjoints, les enfants – les parents, pour les plus malchanceux, qu’ils viennent chaque jour ou, plus vraisemblablement, un maigre quart d’heure tous les quelques mois. Tu restes une seconde en suspens, amorces un rire qui retombe aussitôt, une ombre de contrariété et un sourire gêné ensuite te passent sur le visage. « Vous êtes croyante ? » tu lui demandes poliment, en cachant plutôt bien tout le mépris que tu avais pour la religion. Pour toi, pas de Paradis ni d’Enfer et pas plus d’Au-delà – un discours de lunatique que tu refusais d'envisager. Tu as essayé de te retenir mais ça semble être trop douloureux : tu ne peux t’empêcher de la contredire, les mots sortent tout seul, et pas très adroitement. « Pourquoi venir sur sa tombe puisqu’il est loin d’ici ? Non, vous venez et vous lui parlez, je vous ai vue faire. C’est la preuve que vous savez aussi bien que moi que votre mari est là-dessous. » Tu ne travaillais pas pour les vivants. D’ailleurs, en fait, cette seule idée avait de quoi t’irriter beaucoup. Si tu n’étais ici que pour faire plaisir aux vivants, il y avait une douzaine de tombes au moins et sans doute beaucoup plus que tu n’aurais pas besoin d’entretenir, puisqu'elles ne recevaient plus de visite du tout, et personne ne semblait s’en soucier plus que cela. Tu les voyais, ces morts, tu leur parlais, et il n’y a jamais qu’à eux que tu voulais bien rendre des comptes. Mais peut-être que tu ferais mieux de ne pas insister, et tu as reporté ton attention ailleurs, comme pour mettre fin à cette conversation.
Une chance peut-être pour toi, elle avait comme l’esprit ailleurs. Tu es sans doute une contrariété mineure à côté de ce que sa belle-famille lui fait endurer. Tu devrais être compatissant sans doute, tu devrais, tu n’auras qu’à faire semblant. A défaut, tu es au moins à l’écoute, étant un peu l’esclave de ta curiosité. Elle dresse son portrait, la belle jeune femme, un peu trop parfaite en somme, qui viendrait profiter de la naïveté d’un riche propriétaire, une histoire qui sonne malheureusement quelques clochettes désagréables. Au final, ils n’avaient sans doute pas tort de s’en méfier, tu t’en serais méfié toi-même, après une expérience semblable – l’argent ôtait aux hommes tout principe, et tu en connaissais, des femmes cupides. Contradictoirement, de ce que tu voyais, ce n’était pas les plus pauvres qui étaient le plus sans scrupule. « Ne leur donnez pas raison si vous n’en aviez pas après l’argent. Ou si vous leur donnez raison, attendez-vous au pire. En fait... attendez-vous au pire, de toute façon. » Si tu pouvais lui donner un conseil, c’était bien celui-là. Tu les connaissais ces petits jeux de pouvoir, ces guerres intestines – mais à l'entendre se décrire, elle n'était pas de ce milieu, et sans doute pas préparée à tout ça. Sur une note moins inquiétante ou presque, tu accueillis sa dernière volonté d’un vague acquiescement qui se voulait compréhensif. Tu es resté un temps en suspens, et tu lui as dit, comme une messe basse : « Vous pourriez ». D’accord, c’était peut-être tout à fait inquiétant en fin de compte – et tu t’efforces à présent de développer ta pensée. « Hypothétiquement. Vous pourriez le revoir, le temps d’une journée. L’entendre rire, sans doute pas, mais lui faire vos adieux autrement qu’au travers d’une stèle. » Tu te tournes tout à fait vers elle, les traits de ton visage on ne peut plus sérieux. « Je pourrais vous le laisser une journée, ou davantage si vous le souhaitiez. Si vous étiez prête à me faire confiance. Je pourrais vous le sortir de là, vous le confier en toute discrétion. » Confiance ? Elle aurait mieux fait de te gifler tout de suite, tant ce que tu lui proposais était immonde et impensable. Et le pire dans l’affaire était qu’il n’était pas si facile de t’en vouloir, puisque tu étais tout à fait convaincu de lui faire plaisir. Et après tout, pourquoi pas ? Peut-être qu'au fond elle était aussi bizarre que toi.
BY CΔLΙGULΔ ☾
HRP:
Je suis vraiment désolée pour le temps de réponse, j'ai du m'absenter par tranche de trois semaines pendant ces vacances, trouver un créneau et rattraper mon retard c'était un peu l'Enfer. Des bisous
Invité
Lun 27 Aoû - 20:46
(Les pensées d'Albrecht de de Pénélope et de Sheldon ne sont audibles que de Nemésis, d'où l'italique)
HRP:
HRP : pas de souci, pas comme si j'avais été hyper présente moi-même
Basil Egerton
MESSAGES : 3959 AGE DU PERSONNAGE : 49 RACE : Fantôme (ex-fée) MÉTIER/ÉTUDE : Gardien du cimetière
Lun 10 Sep - 17:37
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ft. Nemesis Simmons & icon (c)dandelion
C’est vrai, elle t’avait contrarié. Quand cela touchait à tes raisons d'être, tu ne pouvais te permettre de laisser le monde remettre tes certitudes en question. L'impression que plus rien n'avait de sens était trop affreuse, mais c’était pour tout le monde pareil au fond - à ceci près que tout le monde ne consacrait pas sa vie aux morts. Pourtant, tu sembles assez satisfait de sa réponse, tu te réjouirais presque d'apprendre qu'elle n'est pas croyante. Mieux encore, tu te reconnaissais assez dans ses convictions, encore que sa façon de les exprimer te laissait sur ta faim. Parce que toi, tu ne voyais rien de spirituel dans le fait de croire à la causalité. D’ailleurs, que ce soit le rapport de cause à effets, l’enchevêtrement des phénomènes ou leurs interactions, l’ensemble avait tout de scientifique dans ses fondements, et aucun de ces principes ne supposait une existence post-mortem. De ta part bien sûr, c’est l’hôpital qui se fout de la charité, considérant que tu parlais aux morts autant sinon plus qu'elle. Mais tu ne dissociais pas le corps de la personne, et tu ne supposais jamais que tes mots soient entendus, ce qui expliquait aussi ce timbre de voix trop doux, trop inaudible, qui n'attendait pas de réponse. Tu pouvais même presque te reconnaître dans cette expression de journal intime, ce cimetière à lui seul était un peu le journal de tes méfaits, quoi qu'il n'y avait que toi qui soit en mesure de le lire. Malgré tout, elle s’excuse, sans doute ne voulait-elle pas te faire de tort – et tu t’empresses de la rassurer sur ce point. « Non, je vous en prie » lui as-tu répondu poliment, un peu confus en apparence, « il n’y a pas de mal ». Tu ne pouvais rien reprocher face à une telle considération, et vous aviez donc passé le sujet.
Peut-être aurait-il mieux valu que vous ne le passiez pas. Tu aurais dû te douter que cette proposition avait tout d’inacceptable dans le vrai monde, qu’il n’y avait que toi et quelques rares illuminés historiques pour envisager de se coucher le soir à côté d’un défunt. Il en existait, de ces veufs qui vivaient si mal de perdre leur compagne qu’ils en gardaient le corps des semaines sans vouloir le déclarer, et leur parlait comme si la vie n’avait jamais quitté leur sein. Tu étais presque l’un d’eux, pour détenir dans ta chambre des années plus tard la tête évidée de la seule femme qui t'ait évoqué l'amour. Et tu n’y voyais rien d'absurde, tout en sachant pertinemment qu’au regard de la société cela n’avait rien de sain ni même d’enviable. La réponse de Nemesis aurait dû te ramener à la prudence – elle est hésitante, les émotions se succèdent sur son visage plus intensément qu'un instant plus tôt, te permettant de les lire un peu mieux. Tu devais savoir qu’il était temps de faire machine arrière, de prendre congé, d’éviter les complications. Mais tu ne voulais pas. Tu as tout de même marqué un silence. Pesant le pour et le contre, observant cette femme en deuil que ta proposition aurait pû ravager de long en large. Tu la dévisages avec cette étincelle dans le regard, fouillant ses yeux dans l’espoir d’y trouver un écho. Elle disait ne pas comprendre, peut-être avait-elle peur de comprendre plutôt, et il est vrai qu’à te regarder et t’entendre, on pouvait douter que tu proposes une horreur de cette envergure. Puisque tu jurais respecter les tombes plus que personne, d’où pouvait-il te venir te les profaner toi-même ? Tu as entrouvert les lèvres, cherchant le mot juste, envisageant à peine une issue de secours. Et tu t’es lancé à l’eau. « Voudriez-vous que je vous rende le corps de votre mari ? » Ce choix de mots trahissait ton sentiment d'appropriation, comme si ces piles de cadavres, passées sous ta protection, devaient subir le joug de tes envies les plus spontanées - mais tu pouvais tolérer de lui prêter celui-là. Tu t’es empressé d’ajouter, avec de l’embarras, les mots se cognant les uns aux autres, tu faisais preuve d’émotions sincères, puisque le sujet te touchait beaucoup. « Je sais ce que vous pensez, non je vous jure que je ne le fais que dans votre intérêt. Il n'y a rien de honteux à vouloir tenter l'expérience. C'est peut-être difficile à envisager, et je sais que c'est une opinion peu répandue... Excusez-moi, tout ceci restera entre nous, mais rien ne vous oblige à vous conformer à une société qui refuse de se confronter aux réalités les plus fondamentales. » C'était faux, tu ne savais rien de ce qu'elle pensait, et comment aurais-tu pu, tu n'étais pas fait comme tout le monde. Comment aurais-tu pu comprendre ce qu'elle ressentait, quand la première chose que tu fis de Meredith après l'avoir tuée fut de disloquer sa tête pour ne l'embrasser qu'ensuite. Tu ne pouvais pas savoir - tu ne pouvais pas savoir, et tu étais à court d'excuse.
BY CΔLΙGULΔ ☾
Invité
Dim 30 Sep - 12:34
(Les pensées d'Albrecht de de Pénélope et de Sheldon ne sont audibles que de Nemésis, d'où l'italique)
Basil Egerton
MESSAGES : 3959 AGE DU PERSONNAGE : 49 RACE : Fantôme (ex-fée) MÉTIER/ÉTUDE : Gardien du cimetière
Jeu 4 Oct - 13:47
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ft. Nemesis Simmons & icon (c)dandelion
Tu ressentais comme une tension. C’était assez rare pour le noter, ce léger vertige, la tiédeur au front, le sifflement au creux de l’oreille. Tu ne parvenais pas à lire son expression, et tu n’avais aucune idée de la façon dont elle allait réagir puisqu’après tout, elle aurait pu réagir de tellement de façons ! Et il te semble que le temps s’allonge et s’alourdit jusqu’à sa réponse. Merci, on n’utilise pas ce mot lorsqu’on est en colère. Et tout ce qui s’ensuit est d’une politesse exemplaire qui t’apaise à l’intérieur comme une bête rentre à la niche. Elle refuse, c’est décevant mais sans surprise : elle ne partage pas ta vision des choses et pour être franc, tu ne t’attendais pas à ce qu’elle le fasse. C’est pour cette raison que tu t’imposes des tabous au quotidien : parce que cette société n’a rien à voir avec toi, et que tu n’as rien à faire avec cette société. Tu te mords la lèvre et acquiesce brièvement, remuant un peu sur tes jambes pour te dégager de ton agitation. Bon, tant pis, tu garderas le corps pour toi, et tu lui raconteras que sa femme n’a pas voulu le voir, comme c’est dommage. Mais tu t’excuseras, et tu lui tapoteras l’épaule, tu lui diras : ne vous en faites pas, elle avait tout de même l’air de vous aimer beaucoup. Et puis, tu passerais à autre chose. Et voilà qu’elle te parle à nouveau de Paradis et d’âme, de choses absurdes et inexistantes qui appellent à nouveau la religion, contrairement à ce qu’elle affirmait tantôt. Ces mots qui ont tendance à te faire lever les yeux au ciel et te donnent l’envie de partir dans des démonstrations, mais tu t'en abstiens, comprenant qu'elle avait besoin de se raccrocher à ce réconfort. Si elle veut se convaincre de mensonges, tant pis pour elle, et si l’enterrement ne lui a pas plus… L’enterrement ne lui a pas plu ? « Je suis désolé » tu as ajouté avec un peu d’amertume dans la gorge en dévisageant la stèle, tu n’avais pas de mouchoir à lui proposer. « Le deuil demande souvent beaucoup de temps. Certains n’en sortent jamais. » Ce sont des imbéciles, mais tu le gardes pour toi, et tu t’en exclues d’ailleurs, quoi que tu ferais mieux de te remettre en question sur le sujet.
Et puis, après l’attendu, il y avait eu la surprise. Elle te demande ainsi, sans détour et sans rapport, si tu étais un magicien. Et vraiment, tu as beau manipuler la question sous toutes ses coutures, quel que soit le sens du mot « magicien », il n’avait absolument pas le moindre rapport avec ta proposition. Tout simplement parce que la nécromancie ne faisait pas partie de ton schéma de pensée, et même si tu avais pu le fantasmer occasionnellement, c’était à l’opposé de tes intentions. Vraiment, tu n’avais envisagé que de lui rendre un cadavre, et tu te flattais d’une proposition du genre. « Je suis ? » tu as demandé, l’air interrogateur, et même assez perdu. Tu avais dû manquer quelque chose dans la conversation. Tu la dévisages, et elle va plus loin encore : je suis un génie. Arrêt sur image, parce que tu vas en avoir besoin. Tu n’y voyais pas de l’arrogance – tu aurais pu, si elle n’avait pas parlé de magicien la seconde précédente. Bien sûr que tu savais ce dont il s’agissait, ce que tu ne comprenais pas, c’est pourquoi elle te le disait. Et pourquoi un génie avait-il un discours si religieux, cela aussi te laissait perplexe.
Un génie. Tu aurais répondu plus vite sans doute si tu ne savais pas le packaging qui accompagnait le mot. Tu avais eu de la chance de ne pas la froisser avec tes propositions à la con, au final – c’était de loin l’entité la plus puissante que tu aurais pu croiser au quotidien. Mais plus étonnant encore : un génie marié, un génie en deuil. Tu avais compté un djinn parmi tes amis à une époque, mais ce n’était pas vraiment le genre de Hamlet d’avoir des sentiments. De ton point de vue, du moins. « Je suis navré, je n’en suis pas. Nous nous sommes mal compris. » Tu la regardais d’un œil nouveau et presque trop envahissant à présent, c’était toujours une curiosité. A quel point ils savaient imiter l’humain, on ne faisait aucune différence à l’œil nu et ce n’était pourtant qu’une copie. Tu comprenais mieux son nom, aussi, à présent. Tu avais du mal à en revenir, en fait tu n'en revenais pas, tu étais à la dérive. « Votre mari… Il était votre… vous savez, magicien ? » Tu ne savais trop comment le dire, tu avais déjà bien du mal avec les tabous des humains pour ne pas te soucier aussi de ceux des esprits. Un manuel de bonne conduite à apprendre par cœur n’aurait pas été de refus.
BY CΔLΙGULΔ ☾
Invité
Mar 23 Oct - 17:12
(Les pensées d'Albrecht de de Pénélope et de Sheldon ne sont audibles que de Nemésis, d'où l'italique)