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 I can show you the World ▬ Darleen

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I can show you the world
I can show you the world Shining, shimmering splendid
Tell me, princess, now when did you last let your heart decide ?

Pour la première fois depuis des semaines, il s’était arrêté de pleuvoir. Une première fois aux goûts de frissons, au parfum d’inconnu tant Bray avait perdu l’habitude de sentir la chaleur des rayons de soleil. Le risque s’accompagnait de danger, pour tous ses habitants. Sortira ou ne sortira pas sans parapluie ? Osera ou n’osera pas embarquer un habit de pluie, juste au cas où l’averse déciderait de pointer le bout de son nez ? Une fébrilité communicative s’était emparée de toute la ville. Les cheveux se révélaient sans capuche. Les enfants couraient sans bottes. Comme sous l’euphorie ambiante, des multitudes de manteaux légers avaient envahi les rues de leurs couleurs, comme un majeur chamarré dressé vers le ciel et ses caprices. Répondant à l’appel du soleil, Kyle avait laissé sa parka sur le porte-manteau, en partant travailler. Avait coulé un regard de défi dans sa direction avant de délaisser le vêtement, bien trop content de pouvoir se glisser sous les timides rayons du soleil, en bon lézard autoproclamé. Put même jeter un coup d’oeil à son téléphone, et déchiffrer les messages sans avoir besoin d'en protéger l’écran fendu ou sa propre main sous un parapluie. Depuis leur dernière mission, Josh n’avait pas donné signe de vie. Zach était toujours autant aux abois avec le retour d’Emily, mais n’avait pas encore appelé son frère à l’aide malgré les encouragements de ce dernier. Son téléphone était vide de toute tentative de communication, signe que le Triton pourrait profiter pleinement du soleil sans casser des jambes. Et ça, c’était du bonus.

La frénésie environnante semblait s’être propagée partout, même au garage où bossait Kyle. Tony la Grande Gueule, son patron, haussa un sourcil circonspect dans sa direction, constatant qu’il n’aurait pas la possibilité de hurler sur son sous-fifre préféré. Le soleil semblait avoir adouci considérablement son coeur de pierre, à lui aussi. A moins qu’il ne s’agisse de la quantité de voitures qui allaient sortir du garage, ce jour-là. Pour une fois, ils étaient dans les temps. Pour une fois, les employés avaient réussi à boucler tous les délais, et allaient pouvoir s’offrir un peu plus de calme. Tony, lui, allait pouvoir toucher les deniers d’une clientèle satisfaite. Du bon, pour tout le monde. Si bien qu’il lâcha la jambe de ses quatre mécanos, Kyle compris, tout au long de la journée. Un gage de son excellente humeur. Une poignée de minutes bienvenues pour que tout le monde puisse souffler, et se tourner les pouces joyeusement.
Profitant de la bienveillance inattendue de leur patron, Kyle avait emporté sa boite à outils vers les tréfonds du garage, flanqué d’Alfonso, l’apprenti qu’il supervisait. Le gamin, 18 ans à peine, avait demandé un jour au Triton ce qu’il faisait pendant ses pauses, à côté du parc location et sans être accompagné. Le jour était venu pour qu’il apprenne enfin. L’air conspirateur, le blond se dirigea vers une voiture bâchée, et révéla la bête. Une Camaro bleue, rutilante, la prunelle de ses yeux sur laquelle il bossait sans relâche depuis des mois.

-J’suis sûr que t’en as jamais vu des comme ça !
-En fait, si, y’en a encore pas mal aux Etats-Unis. Mon père appelle ça la Corvette du Pauvre...
-... Ferme-là et aide-moi à remonter les rétros, sale gosse. J’t’en foutrais, des Corvettes du Pauvre !


Penaud, le gamin enfonça son visage entre ses épaules maigres et tendit les pièces à son superviseur, en silence, alors que ce dernier grommelait contre ces satanés marmots avec leurs origines yankees qui faisaient chier le monde. Ce n’était pas la faute d’Alfonso, s’il était Americano-Irlandais. C’était celle de Kyle, qui oubliait aussi facilement ce détail qu’une multitude d’autres. La frustration passée, il glissa une main joueuse dans les mèches graisseuses du gamin pour les ébouriffer. C’est bon, c’est passé, j’vais pas te bouffer. Un signal instauré entre eux, pour que le gosse prenne plus de cran. Une nécessité absolue, avec un râleur invétéré comme son superviseur. Un signal qu'Alfonso comprit aussitôt, se fendant d’un sourire soulagé.

Ils étaient en train de se passer les outils et les pièces, Kyle montrant au gosse comment on contrôlait les moteurs en prenant l’exemple sur celui, flambant neuf, qu’il avait acheté avec le pognon de Joshua, que Tony les héla depuis la réception.  

-OSBORN, ARRETE DE TRAUMATISER LE GOSSE ET MONTRE LES VOITURES DE LOCATION A LA P’TITE DAME ! Veuillez m’excuser pour le volume Mademoiselle, le parc est grand, j’suis jamais sûr que mes gars m’entendent. Il s’occupera de vous montrer tout ça et de vous faire signer les papiers.

Kyle grogna. A chaque fois que Tony la Gueulante donnait de la voix, le gamin se refermait comme une huître. Une anxiété toute enfantine qu’il avait mis des jours entiers à faire sauter. Et voilà que ça recommençait. Donnant une tape amicale sur l’épaule d’Alfonso, il le renvoya à un autre mécano qui avait repris du service. Avant d’essuyer ses mains sur son bleu de travail et de trottiner jusqu’à l’accueil. Lézard dans l’âme, il s’était débarrassé des manches du vêtement pour profiter au maximum des rayons du soleil malgré son t-shirt des Goonies. On se met pas à poil sur son lieu de travail, avait hurlé Tony la Gueulante sur un autre mécano. Tristesse infinie.
L’accueil était une petite pièce exiguë qui sentait le caoutchouc neuf, coupée en deux par un énorme comptoir qui prenait une place considérable. Une femme menue, de longs cheveux clairs, se tenait juste devant. Il la contourna d’un pas de côté pour se faufiler derrière le meuble, rejoindre le tiroir caisse et l’ouvrir. C’était là que Tony gardait toutes les clés. Par sécurité, soit disant. Une belle connerie.

-Veuillez excuser Tony, ma p’tite dame, son cœur est aussi grand que son coffre.

Ce disant, il s’empara des jeux de clés et finit enfin par lever un sourire commercial plein de dents vers la demoiselle. Croisa une paire de grands yeux noisettes, où pointait quelques timides éclats verts. Ses yeux préférés. Il ne pouvait jamais résister à de grands yeux marrons. Son sourire s’illumina autant que ses yeux clairs, la demoiselle étant bien plus que charmante, avec ses traits fins, son nez mutin et son visage tout arrondi. Bien trop charmante.

-Moi c’est Kyle, au fait. Les locations sont à l’arrière, si vous voulez bien me suivre.

Faisant tourner les jeux de clés au bout de son index, il contourna souplement le comptoir pour rejoindre la sortie, la jeune femme sur les talons. Quand il se retourna, il croisa de nouveaux les grands yeux noisette. Elle suivait le mouvement vaillamment, apparemment pas trop gênée par l’attitude de Tony. Tout du moins l’interprétait-il de la sorte. Sans se départir de son sourire, Kyle poursuivit.

-On a une petite dizaine de bagnoles de tout genre, d’ordinaire. Vous avez de la chance d’être venue aujourd’hui, les assurances nous ont pas encore tiré toutes celles qu’on a disposition. Vous avez une envie particulière ?

Ils avaient l’embarras du choix, ce jour-là. Une rareté si exceptionnelle que Kyle s’était senti obligé de le préciser. A moins que ça ait été juste pour faire la conversation avec la demoiselle. C’était toujours mieux que de s’embêter à parler de la pluie et du beau temps. Et si ça pouvait lui permettre d’entendre le son de sa voix, qu’il imaginait aussi douce que sa peau, c’était un plus.
Arrivés au fond du parc automobile, il devisa les voitures rutilantes qui s’étalaient, relativement bien garées, devant eux. Bray était une petite ville, et si quelques sociétés de location avaient tenté de s’implanter dans le coin, elles avaient toutes déménagé avec perte et fracas à cause du climat. Seuls les garages locaux avaient tenu le coup, et certains propriétaires comme Tony s’étaient empressés de signer des accords juteux avec les compagnies de location et les assurances. Ca leur faisait du beurre dans les épinards. D’autant que le garage de Tony était réputé pour proposer les prix les plus bas de tout Bray. Embrassant les deux rangées de voitures diverses et variées du bras, Kyle se tourna vers la demoiselle.

-J’me plante peut-être, mais il vous faudrait une voiture de tourisme, non ? Vous comptez rester un moment dans le coin ?

Une question anodine, pour tout loueur qui se respecte. Une question même essentielle, pour tout loueur qui se respecte. Mais même si Tony avait toujours mis Kyle en avant pour ce genre de démarches, le charisme naturel du blond ainsi que sa voix rauque aidant très mystérieusement la clientèle à choisir les bolides les plus onéreux, ce n’était pas pour cette seule raison que celui-ci posait la question. Il n’avait pas souvenir d’avoir déjà vu la jeune femme. Et ne comptait pas la laisser filer entre ses doigts.
Elle était trop jolie pour ça. D’autant que Kyle avait besoin d’une distraction. Une distraction aux yeux noisettes, dont les pourtours se paraient d’émeraude, qui lui rappelaient beaucoup trop une autre paire d’iris similaires qu’il avait besoin de revoir. D'oublier.

-Elles sont toutes à votre disposition, sauf la Camaro bleue, au fond. Celle-là, c’est la mienne.

Plutôt crever. Même pour une fille aussi belle. Ce n’était pas seulement son jouet, son caprice, c’était aussi la même que celle de son père. Il n’avait plus revu ce type de voiture depuis la nuit de son assassinat. Même si en soit, les fesses de la jolie demoiselle seraient bien mises en valeur sur les fauteuils en cuir beige.



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Kyle Darleen


Les semaines de filature se succèdent sous un ciel gris intact. Comme un air de mélancolie qui plane à la surface, une impression de monotonie dispersée dans les particules en suspension. Les nuages deviennent une partie intégrante de l’horizon. La pluie, un refrain dont seule la cadence évolue au fil des instruments. Orage, tonnerre, vent, ils commencent le matin pour reprendre à la tombée de la nuit. Quand l’atmosphère menaçante des ruelles sombres ne fait plus qu’un avec l’orchestre qui se met en diapason. En définitive, déprime et déception au rendez-vous. Le temps pluvieux lui rappelle ses rêves d’exil. A défaut de pouvoir s’envoler vers cette tendre liberté, il lui reste heureusement l’espoir sur lequel se reposer. Il lui reste la volonté de briser ses chaînes. Darleen mise beaucoup sur le nouveau dossier entre ses mains malgré les circonstances de sa présence dans ce patelin. Elle regrette Dublin -il va sans dire- néanmoins son avis n’est pas requis. « Le loup rentre dans la bergerie. » Installée dans un café de proximité, le suspect fait rapidement irruption dans son champ de vision. Ses prunelles avelines le repèrent derrière la vitre de sa voiture sportive qui finit par s'engouffrer dans l'enceinte du garage. A force de le suivre, l’irlandaise connaît son planning par cœur. Ainsi, cela lui permet de dégager une semaine type avec ses habitudes et fréquentations. A ce jour, elle possède une bonne vue d’ensemble. Par conséquent, il est temps de s’immiscer dans cette vie qu’il a façonnée afin de découvrir l’envers du décor.

La présence du soleil lui procure une véritable bouffée d’air frais, une caresse à même la peau qui effleure son visage. Darleen décide de profiter de cette occasion pour partir à la chasse. Une seconde, deux secondes, trois secondes.  « Bonjour. » Confinée dans le petit espace qui sert d’accueil, elle s’impatiente au comptoir, tapotant des doigts à défaut de s’échauffer les cordes vocales. Quand un individu daigne l’accueillir... évidemment, ce n’est pas l’homme qui l’intéresse. Cependant, une requête formulée et un tympan explosé plus tard, la situation évolue considérablement. Kyle Osborn. C’est toujours étrange de se retrouver face à des gens qui ne savent absolument rien de vous quand vous connaissez presque tout d’eux. Ils vous regardent de ses yeux étrangers qui tentent de déceler une familiarité. Elle ne s’y fait définitivement pas. « Je n’en doute pas une seconde. » Complètement happée par l’aura qu’il dégage, l'irlandaise en oublie presque le but de sa mission. Les premières secondes se multiplient sans aucune réaction de sa part. Quand il finit par reprendre la parole pour l’inviter à choisir sa voiture, elle reprend contact avec la réalité.  « Je vous suis. » Le charisme du garçon ne fait que confirmer ses suppositions : c’est un triton. En tout cas, les indices mènent tout droit vers cette piste. Il suffit, par exemple, de voir son accoutrement quand la pluie commence à tomber. A croire que la météo prévoit un tsunami mortel. Néanmoins, elle souhaite des preuves irréfutables. En d’autres termes, une transformation.

« Oh, pour une fois que j’ai de la chance. » C’est alors que son pied loupe la petite marche qui surélève la loge de l’accueil. Putain de merde. La réception brutale est évitée par la carrosserie d’une voiture. Ni une ni deux, elle se redresse rapidement pour prétendre que rien ne s’est passé. Les bras croisés à l’arrière de son dos, la jeune femme hoche la tête sans vraiment l'écouter. En effet, distraite par la douleur qui irradie sa cheville, elle peine à suivre la cadence. Les dents serrées, il lui semble marcher durant des heures. Véritable supplice. De temps à autre, son regard s'en va sillonner les environs mais cela ne dure qu’un bref instant. Enfin une pause, le mécanicien finit par s’immobiliser pour sonder son profil clientèle. Elle pourrait se permettre de louer une de ces voitures touristiques avec toutes les options inimaginables à disposition mais sa couverture en prendrait un coup. Comme d’habitude, l’irlandaise se tournera vers un vieux tacot qui fait peine à voir. « Vous voulez me dépouiller Kyle ? » Question oratoire au ton léger, elle n'hésite pas à le taquiner. Quelque chose de réconfortant se dégage du personnage. Il lui rappelle un peu ses frères. « Je ne sais pas encore, un mois, peut-être deux. Combien vous faîtes la semaine ? » Bien que la question soit légitime, ce n’est pas la plus intéressante qui existe. Néanmoins, elle lui permet de maintenir la conversation et d’aller, petit à petit, vers un échange plus personnel. Il semble être dans la même optique puisque très vite, la situation évolue.

Ce n’est pas la première fois que ses iris aperçoivent une camaro. Néanmoins, la surprise atteint les traits de son visage tandis que ses lèvres délivrent le message. « Mon frère avait la même. » Vérité d’autrefois. Il ne possède plus rien désormais. Seulement sa peine pour rager et les barreaux de sa prison pour supplier. Le véhicule risque de l’attendre longtemps, condamné à des décennies. Néanmoins, de temps à autre, quelqu’un prend l’initiative de lui faire prendre l’air. Non, ce n’est pas une tête blonde avec des lunettes Dior et un foulard Gucci. Elle préfère la Mini Cooper qui ne lui refile pas un complexe d’infériorité par sa taille. Chacun ses habitudes, chacun ses voitures. « C’est un beau bolide mais franchement… bleue ? Pourquoi vous la prenez tous de cette couleur ? La rouge est tellement plus tendance. » Sans être une experte en la matière, elle possède quelques connaissances de base. Avec quatre morveux qui parlent ce langage, il est nécessaire d’en apprendre les préceptes. Aussi Darleen est-elle capable de supporter une discussion mécanique malgré l’ennui que cela lui provoque. « Vous m’accordez un tour ? » Proposition étonnante venant de sa part mais les circonstances l’exigent. Son pied souhaite pouvoir se reposer tranquillement un petit moment. Alors qu’il prenne le volant et tente de l’impressionner comme elle le fait avec son battement de cils mis en valeur par le dernier mascara Channel.

→ kyle & darleen, pilgrim village, 03 février 2018.

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Trop occupé à son tour du propriétaire, le Triton ne s'était pas rendu compte de ce qu'il se passait en coulisses, juste derrière son dos. Oh, il avait cru entendre les gravillons bruisser subtilement, avait cru entendre comme un choc sourd contre une voiture, mais le garage était si plein de vie qu'il avait attribué tous ces sons à ses collègues. Après tout, par une journée aussi magnifique, tout le monde pétait le feu. Un doux euphémisme qui le concernait tout autant. Quelques rayons de soleil le faisaient revivre, la vision d'une aussi jolie plante, surtout avec tout ce qui se tramait ces derniers temps lui rendait sa joie de vivre. Carpe Diem. Il n'avait jamais compris pourquoi les romains et les hipsters passaient leur temps à s'extasier sur les carpes, mais la journée -et la jeune femme- étaient suffisamment belles pour qu'il ait envie de l'attraper, cette foutue carpe. C'était pour ça qu'il avait sorti son plus beau sourire. Avait roulé des mécaniques, tout en charme et en jambes, pour l'entraîner à sa suite jusqu'au parc où étaient alignées les voitures à la location.
D'autant que la cliente n'avait pas seulement un joli minois, elle avait aussi une très agréable répartie. Même s'il fut quelque peu attristé de constater son léger boitillement. Bah, ça donnait du charme à sa démarche. Au point où il en était, il était preneur même si elle avait un pied bot. Haussant un sourcil à ses paroles, il finit par secouer la tête pour marquer la négation, un sourire de convenance placardé sur le visage. Loin s'en faille qu'il dépouille les charmantes jeunes femmes à leur insu, non, Kyle était un professionnel. Il demandait toujours leur permission avant.

-Oh non, non, du tout. Sauf si vous le demandez directement, là, c'est différent.

Son sourire s'agrandit, tout aussi naturellement que le soleil perçait les nuages de ses rayons pour les poser sur le minois mutin de la demoiselle. Le pourtour aux teintes de mousse de ses iris était bien plus évident sous cet angle, apportant une chaleur froide à son visage. Oui, il pourrait faire avec son boitillement, en soit. Ce n'était pas le genre de choses qui se voyaient tant que ça en position horizontale.
Laissant le regard de sa cliente vagabonder de voiture en voiture, il attrapa sa question au vol pour répondre du tac au tac :

-Pour ce qui est des voitures, on solde à 15€ la journée pour les longues réservations, kilométrage illimité. Vous trouverez pas moins cher dans le secteur. La seule chose à vos frais, en soit, c'est le carburant.

Si Tony la Beuglante avait choisi le Triton comme poulain, ce n'était pas uniquement à cause de ses charmes, mais aussi parce qu'il avait une bonne mémoire. Il avait bien tenté de faire réciter le laïus à ses plus anciens employés, et s'était retrouvé confronté à un problème de taille : les chiffres déjà bas de ses formules se retrouvaient cassés, au point qu'il avait tout intérêt à arrêter l'activité s'il ne voulait pas se retrouver face à une clientèle qui se serait sentie lésée. Jusqu'à ce que Kyle arrive, l'activité battait de l'aile. Une chance pour le mécanicien, sa mémoire des chiffres avait beau ne pas être bonne, elle était suffisante. Suffisante pour se retrouver aux locations sans avoir dû faire des études de commerce ou ce genre de conneries. A la bonne heure.
En revanche il valait mieux pour la demoiselle qu'elle soit capable de faire elle-même le calcul pour la location à la semaine. Les capacités de Kyle n'étaient pas étirables à ce point.

Mentionner sa Camaro avait été aussi naturel que spontané. La voiture n'était ni à la location, ni même envisageable pour qui que ce soit d'autre. Une antiquité qu'il retapait à la sueur de son front, assortie de quelques coups foireux à droite à gauche, ne méritait pas d'être conduite par qui que ce soit d'autre que son fier propriétaire. Alors quand les yeux noisette de la demoiselle s'agrandirent face à sa beauté, il ne put s'empêcher un élan dubitatif. Ces voitures étaient rares, en Irlande. Elles dévalaient fièrement les longues routes américaines, engloutissant les kilomètres avec emphase, mais de là à ce que le monde soit aussi petit, il n'y avait qu'un pas. Un pas qu'il n'était pas certain de vouloir voir franchi.

-Une Camaro CC, l'édition de 1978 ? Vraiment ?

De toute sa vie, sinon celle de son père, il n'avait pas le souvenir d'en avoir croisé tant que ça. Mais le monde, et l'Irlande, notamment, étaient petits. Il était possible que le frère de la demoiselle fut un amateur de bonnes voitures, lui aussi. Taper dans les souvenirs et les connexions émotionnelles était toujours bon pour les affaires. Même si, en l'occurrence, les réflexions qui suivirent lui arrachèrent un grognement contrarié.

-Parce que quitte à conduire une Chevy, autant ne pas prétendre avoir une Ferrari. Et le rouge, c'est pour les prétentieux et les merdeux qui ont pas de goût.

C'était sa fibre émotionnelle qui était piquée à vif, et, à mesure qu'il parlait, il entrevoyait le moment où la jeune femme déciderait avoir affaire à un con, et se bloquerait. Sauf que c'était lui qui bloquait, devant l'insistance de la demoiselle. La voiture avait beau être prête à faire gronder son moteur flambant neuf, il aurait préféré se réserver le luxe purement solitaire d'être le premier à l'étrenner. Mais, si le frère hypothétique était effectivement un connaisseur, c'était une opportunité de plus pour obtenir les faveurs de sa potentielle cliente. Pesant le pour et le contre, il resta silencieux une bonne minute, couvant son bolide du regard. Tony la Beuglante lui laissait toujours carte blanche pour ce qui était des ventes, notamment quand il s'agissait de tester les voitures de location. Que la sienne ne soit pas optionnelle n'y coupait pas. Il comprendrait l'idée, non ? Il le fallait, parce que Kyle avait fini de se convaincre lui-même que son patron se montrerait compréhensif.
Feignant la contrition, il poussa un long soupir avant de hausser les épaules, affectant une nonchalance toute aussi fausse. Parce qu'au fond, il en crevait d'envie lui aussi. Tester les chevaux de la Camaro le travaillait depuis l'arrivée de son moteur, et Alfonso l'avait bien aidé pour les derniers réglages. Elle n'attendait plus que lui. Aussi se retourna-t-il vers la demoiselle. Aussi coula-t-il un nouveau sourire à son attention, plus excité que charmeur.

-Je suppose qu'au nom de vos souvenirs, je peux vous faire faire un tour. Et comme on dit, on laisse pas Bébé dans un coin. Bébé, c'est son nom. Allez, montez, j'vous embarque !

Aussi surprenant soit-il, la perspective d'étrenner la Camaro lui semblait plus douce que celle de récupérer le numéro de la blondinette. Même si ce faire pouvait lui permettre de faire d'une pierre deux coups. Engloutissant la distance qui les séparait de son trésor à grands pas, il attendit patiemment que la jeune femme boitille jusqu'à son niveau pour la prévenir.

-Faites pas gaffe au bazar, poussez tout dans le fond. Ah, et j'ai pas encore fini de réinstaller le tableau de bord, attention aux câbles !

Bébé, de son petit nom, sentait vaguement le caoutchouc et le Fée du Logis. Le tableau de bord faisait partiellement défaut, laissant un vide chaotique au niveau du vide-poche côté passager. Mais ses sièges étaient aussi confortablement durs qu'au premier jour. Se laissant tomber derrière le volant, le blond se sentait comme un gamin lorsqu'il mit finalement le contact. Le moteur poussa un feulement bruyant, le même que dans son souvenir. La marque d'une voiture coriace, nerveuse et tout sauf silencieuse. Une voiture à l'image de son conducteur. Les doigts du Triton s'enroulèrent autour du volant, et il adressa un sourire sincèrement heureux à sa compagne. Le tout premier depuis leur rencontre.

-Vous avez eu l'occasion de visiter Bray, ou vous débarquez tout juste ? J'peux vous faire faire le tour du proprio, vite fait.

Ils n'avaient pas le temps pour ce genre de frivolités, mais peu importait. Ils le prendraient. Répondant au grondement de Bébé, le patron du garage passa la tête par la porte pour voir ce qu'ils fabriquaient. Lâcha un juron sonore que Kyle étouffa en poussant le moteur une nouvelle fois, alors qu'il sortait la Camaro bleue du parc, pour son tout premier rodéo depuis des années. Merci, Joshua, pour tout le fric qu'il lui avait filé et qui était parti directement dans les rénovations. Merci Joshua, sans qui Bébé ne serait jamais sortie de son coin.
Bifurquant sur la droite, le Triton profita de la route pour tester la résistance de son bolide. Elle filait droit. Elle lui obéissait au pied et à l’œil.
Il était amoureux.

Si bien qu'il en avait oublié la jolie blondinette aux yeux marrons à côté de lui. Se rappelant de son existence, il se pencha finalement vers elle, les yeux rivés sur la route. La Camaro engloutissait le bitume,véloce, les entraînant vers Coconut Grove.

-Et donc votre frère avait une Camaro, lui aussi ? Et sans indiscrétion, comment une fille comme vous peut vouloir se perdre dans un trou comme Bray ?

Après tout, quitte à faire le tour du propriétaire, autant que ce soit donnant donnant. La journée était belle, Bébé était belle, la jeune femme était belle. Grapiller quelques informations de plus sur cette dernière semblait tout indiqué, à présent.


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Kyle Darleen


Les clients vont et viennent sous le regard attentionné de Darleen. Cette dernière reconnaît la plupart des visages sur son passage suite à ses semaines d’observation. Faut dire que la ville n’est pas très touristique, les étrangers ne font pas la queue pour se balader dans le coin. En même temps, qui aurait envie de venir dans ce trou paumé ? Perdue dans ses pensées, elle écoute le mécanicien sans grande attention et répond d’une voix lointaine. « Oui ça me semble tout à fait raisonnable. » Quand soudain, un cri strident la ramène ici présent. Une fois de plus, le patron du garage lui perce les tympans. Pourtant il ne se trouve pas à ses côtés, oh non, le vieux est à l’autre bout du parc. Comme quoi, sa voix est d’une portée phénoménale. C’est à se demander s’il ne possède pas un don à lui tout seul. Je vais finir sourde. Elle finit par reporter son attention sur son interlocuteur dont la remarque lui fait grincer des dents. Par pitié, qu’il ne commence pas un cours sur l’histoire de cette voiture. « Celle-là même. » Autant la conversation l’ennuie profondément, autant l’irlandaise est ravie de pouvoir la maintenir. En effet, à cet instant précis, elle se félicite d’avoir retenu les informations les plus importantes sur cet engin sportif. « Si vous le dîtes. » Darleen assiste alors à un vrai dilemme existentiel. En effet, le garagiste semble débattre dans sa tête. Un moment d’hésitation qui s’éternise. Oui ? Non ? La question est simple néanmoins la réponse présente certaines difficultés à en juger l’expression sur son visage. Si bien que le soupir émanant de sa bouche la laisse particulièrement dubitative. « Sinon vous… »

Alors qu’elle décide finalement d’intervenir pour mettre un terme au suspens actuel, il se tourne dans sa direction avec un sourire des plus radieux. Consciente des propos qui vont suivre sans le moindre doute, ses lèvres se ferment afin de lui donner la parole. Bébé sérieusement ? L’irlandaise se retient de rire en apprenant le nom du véhicule, assez amusée par la nouvelle. Cependant le rictus affiché sur ses lippes trahit aisément sa pensée. Elle prend place sur le siège passager et repose enfin sa cheville boiteuse qui lui fait mal.« J’en ferai abstraction. » Le bordel ? Il veut dire le chantier plutôt ! « Je ne refuse jamais une visite guidée. » Enfin un petit moment en tête-à-tête, loin de l’agitation du garage, des hurlements du patron et des moteurs qui tournent. Enfin un petit moment de tranquillité. La jeune femme doute que cela ne dure très longtemps, se doutant qu’il va vouloir tester les capacités de Bébé. D’une certaine façon, la situation lui permet de tester ses suppositions. En effet, elle compte bien découvrir la véritable nature de Kyle. Ainsi, l’irlandaise attrape une bouteille d’eau au fond de son sac pour en boire une bonne gorgée. Bien qu’elle n’ait pas vraiment soif, son besoin de savoir lui donne envie de s’abreuver. Faut dire qu’il n’existe pas une centaine de méthodes pour révéler la présence d’un triton. « Très bonne question, la vie, la famille, les emmerdes. Je ne sais pas vraiment lequel je dois juger responsable de ma venue ici. » Alors que le bouchon est encore ouvert, Darleen observe attentivement la réaction du conducteur pour déterminer son ressenti. « Et vous ? Vous êtes natif de Bray ? » Elle continue la conversation, l’air de rien, pour maintenir les apparences. Cette petite virée promet d’être intéressante.


→ kyle & darleen, pilgrim village, 03 février 2018.
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