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 You're my highway to Hell + Aleks&Cas

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T'aimes arriver en avance aux rendez-vous. ça te laisse l'occasion de te commander un scotch au bar pour patienter, pour une fois que c'est pas toi qui le sert, puis de peser l'ambiance du lieu. T'es pourtant pas d'humeur au professionnalisme en ce moment, t'aurais bien reporté ce meeting à ... Jamais, par exemple. Tout se barre en couilles, tu le sens et t'arrives pas à feinter de bien le vivre. Y a eu le tsunami, bien entendu, mais ça, c'était juste une goutte de plus dans le lot, sans mauvais jeu de mots. Tu sens ta famille partir en lambeaux, mais c'est pas nouveau. D'abord ça a été Hayley, puis Nathan, puis Niamh, puis Hécate. Au final il reste quoi? Des morceaux qui collent même pas ensemble, des failles dans le joli tableau que tout ça formait à un moment donné. ça te donnerait presque envie de vomir. ça fait des jours que t'as rien pu faire, sortir de la ville, c'est encore trop risqué à l'heure actuelle, alors t'as dû prendre sur toi et mettre de côté tes plans. Mais c'est ça le truc, toi tu te réfugies dans ton boulot quand ça va pas, c'est ton seul point d'ancrage, ce qui te permet de te ressourcer, reprendre tes esprits, oublier ta vie de merde. Tu ne vis que pour ça, quand tu ne vis pas pour dominer. Et on te l'a enlevé, on t'a enlevé ta solution magique, ton antidote à la dépression qui te lorgne de son unique oeil depuis bien trop longtemps. T'as des flashs qui te reviennent, toutes les nuits, tellement que t'en dors beaucoup trop peu. Mais y a plus personne pour s'inquiéter pour toi, de toute manière, tu les as tous fait fuir avec ton attitude à la con et ta fierté beaucoup trop mal placée. Tu sais ce qu'on dit, on dort dans le lit qu'on s'est fait. Et toi, tu pourras pas toujours t'empêcher de t'allonger.

L'alcool descend au fond de ta gorge bien trop vite. Tu l'as même pas fini que tu t'en refais servir un. Sortant de tes pensées, t'observes autour de toi. Il ristorante De Luca. T'es en plutôt bon terme avec le patron, après tout, c'est l'endroit que t'utilises pour faire signer tes contrats, tes nouveaux partenariats. C'est pour ça que t'es là. T'aurais pu être frileux et pas y mettre les pieds après le tsunami, surtout avec les problèmes qu'ils ont rencontré. Pile au bon endroit sur Golden Coast, ils se sont pris le plus gros du déluge. Mais avoir de l'argent aide. Après avoir condamné les salles du rez de chaussée, ils ont pu ouvrir à peine une semaine plus tard à la clientèle de nouveau, à l'étage, là où le sinistre n'est que souvenir. Un générateur d'électricité suffisant pour faire tourner le business, et des bougies disposées sur toutes les tables, rendant l'ambiance beaucoup trop intime à ton goût. Mais peut-être qu'il s'agit là d'un atout que tu pourras exploiter. L'endroit est presque vide pourtant, malgré les efforts du propriétaire. Même la population la plus aisée n'a pas la tête à sortir de chez soi, pour ceux qui en ont encore un.

Mais c'est pas comme si t'avais le choix, t'as une entreprise à faire tourner, y a pas vraiment de temps pour t'apitoyer sur ton sort, même si tu serais pas contre à l'heure actuelle. La porte s'ouvre de nouveau sur une hôtesse d'accueil, suivit d'une femme à l'allure élégante. Si tu n'as jamais vu Aleksandra Pavlova, tu sais que c'est elle. Pour ta défense, c'est plutôt rare de voir une femme seule au restaurant si elle ne vient pas pour un rendez-vous. Et t'es le seul à attendre. Tu jettes un oeil à l'heure. Elle n'est pas en retard, t'étais simplement terriblement en avance. Tu t'approches d'elle, un sourire aux lèvres. " Mrs Pavlova, je présume? Castiel Ò Murchù, enchanté. Tu lui tends la main. Joue ton plus beau rôle, Castiel, fais comme si t'étais pas encore au bord du gouffre, peut-être qu'elle finira par te jeter l'os que t'attend.
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You're my highway to hell

Sortir avait été un exploit. Il faut bien se mettre dans l'idée que la mer, Aleksandra, elle détestait ça. Rien que de se placer face à elle et d'observer cet horizon vide et impalpable, ça la mettait mal à l'aise à lui donner des frissons de dégoût. Ces mouvements indistincts, ce ressac qui dévore les côtes, le sable, les rochers, qui ronge la terre petit à petit. Un monstre, un monstre que tu détestes, et qui glisse entre tes doigts quand tu voudrais l'étrangler. Ce monstre là, il s'était redressé, il avait mordu la ville entière, embourbant les biens d'honnêtes gens, effondrant des bâtisses. Elle était à l'hôtel à ce moment-là, en plein centre-ville, coincée à l'étage. Elle se souvient encore de la cohue pour sortir, des descentes en rappel, et combien il faisait froid et humide - elle grelottait, et c'était un peu de peur.
Et elle s'était laissée entreposer dans le gymnase. Certains se précipitaient pour aider au dehors, d'autres se plaignaient d'être enfermés, geignant que ça les rendrait fous, qu'ils voulaient sortir, voir le ciel, et pas un ciel d'apocalypse. Mais elle, non bien sûr, elle ne voulait plus voir dehors. Elle espérait comme une princesse que le monde se reconstruise tout seul, qu'on viendrait la chercher en voiture et qu'on la ramènerait à Dublin. Là, elle aurait pris l'avion pour ne jamais revenir.

Le premier contact avec les Ò Murchù remontait encore un peu avant cela. Il n'y avait pas eu de face à face bien sûr, mais Aleksandra avait voulu se familiariser avec les grandes influences des alentours. Oax Pharmaceutics, ça marchait plutôt bien, et elle envisageait sans surprise d'en devenir actionnaire. Pour cela, vous me direz, inutile d'habiter l'Irlande – cela ne correspondait pas réellement à une entrave, pour le jour où elle en aurait assez et déciderait de planter Piotr comme lui-même l'avait déjà fait. Mais l'anonymat dans le business, elle était plutôt contre. Elle préférait de loin se faire une idée complète et marquer les esprits. Jusqu'ici, les choses s'étaient passées assez bien, et ils s'étaient mis d'accord pour organiser une rencontre prochainement.
L'imprévu, bien sûr, c'était le raz-de-marée. Il avait tout balayé, ses certitudes, son assurance, ses préoccupations, ses projets. Au final, Castiel Ò Murchù, il aurait pu être mort ou disparu, elle n'en aurait rien su. Elle avait cru que le désastre était assez conséquent pour reporter toutes ses responsabilités, mais bien au contraire. Pas le moindre message d'annulation. Juste une confirmation.

Elle avait hésité cent fois, mais il fallait bien reconnaître qu'elle supportait bien mal de n'avoir que des horreurs pour s'occuper l'esprit. Les cris, les larmes, les blessés, les pertes. N'ayant d'autre logement, elle avait dû se cantonner au gymnase comme un sans-abri, et il arrivait un moment où se changer les idées devenait nécessaire. Et puis un repas chaud, un peu d'alcool, de la bonne compagnie et des conversations, tout ceci ne pourrait qu'améliorer son moral. Alors elle s'apprêta du mieux qu'elle put avec les ressources à sa disposition, espérant que ses bonnes manières compenseraient le reste – elle était certaine d'avoir une mine affreuse, jamais en temps normal elle n'aurait laissé le monde la voir ainsi, étant toujours très à cheval sur la présentation. Mais ce n'était pas un temps normal, et en de pareilles circonstances, tout ce qu'on entreprenait avait quelque chose d'irréel. Lorsqu'il s'agissait de faire face à la nature, n'importe quel homme devenait un frère.

Il Ristorante De Luca. Avec un emploi du temps aussi vide, elle n'avait eu d'autre choix qu'être ponctuelle, et puis elle ne voulait pas non plus faire trop mauvaise impression. Sans surprise, on lui apprit que son rendez-vous est déjà là, et elle s'empressa de prendre la suite de son hôtesse pour ne pas le faire attendre davantage. Lui non plus n'avait pas été épargné. A dire vrai, il avait l'air d'avoir pâti bien plus qu'elle-même, et cela lui ôta un certain poids de la conscience. En fin de compte, à côté de lui, elle devait être l'allégorie de la fraîcheur. Mais cela ne lui avait en rien ôté de sa diplomatie, et elle répondit à sa main tendue ainsi qu'à son sourire, plus que bienvenu en terre désolée. « Aleksandra Iourievna, fit-elle en opinant légèrement de la tête. Je suis ravie de vous rencontrer enfin, M. Ò Murchù ». Elle imitait sa prononciation afin de ne pas se donner l'air stupide. Son regard balaya la salle à mi-chemin entre curiosité et étonnement. Les tables désertées animées par l'ombre des bougies lui donnaient une impression mitigée. Les séquelles du désastre étaient omniprésentes et tout à la fois, ce lieu mettait tous les efforts du monde à ne pas le laisser paraître. C'était assez agréable, au fond, cette forme de résistance contre la colère des eaux. Quelque part, cela lui adoucissait les traits. « Quel cadre agréable, on croirait un autre monde ».
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Le travail, c'est ton seul refuge ces derniers temps. Tu t'y plonges comme tu plongerais dans la mer, mais pas celle qui a envahi ta vie, la mer calme, qui te fait te sentir chez toi. Tu comprends pourquoi certains tritons préfèrent la vie maritime et ne sortent jamais de sous l'eau. Pour toi, ils ne sont que l'exemple d'une espèce moins évoluée que celle dont tu fais partie, une espèce à part, qui n'a jamais appris à évoluer avec le monde. Mais parfois tu les comprends. Les actes des humains doivent leur paraître tellement futiles, alors que toi, tu les vis. Toi tu fais souvent comme si tu en étais un, d'humain, tu vis caché de peur qu'un jour ton secret soit découvert, alors que t'as une alternative, celle de tout laisser derrière toi et te préoccuper seulement des fonds marins. Mais après ce que t'as vécu, t'aurais l'impression de gâcher ton potentiel, parce que tu restes encore convaincu que t'as quelque chose à apporter au monde. Tu sais pas encore quoi, y a quelques années, t'aurais sans doute parlé de révolution. T'étais un idéaliste, un petit con, un naïf, qui pensait pouvoir lutter indéfiniment contre ton père, contre ce qu'il te faisait subir et ce qu'il voulait que tu deviennes. ça, t'as mis du temps à l'intégrer, que ça servait à rien et que la liberté, c'était une notion pour ceux qui n'avaient aucune responsabilité et aucune ambition. C'était toi, avant. L'étudiant en psychologie qui voulait s'occuper des malades, celui qui avait un idéal, avant de devenir une photocopie sale et inchangée de ce qu'avait été celui qui t'as élevé, peu importe qu'il ait commis des crimes pour lesquels tu aurais eu envie de lui ôter tout souffle.

Ceux qui te connaissaient, à l'époque, ceux que t'as pas envoyé bouler parce qu'ils se mêlaient trop, à ton sens, de ta famille, sujet brûlant qui ne concernent que ceux qui en font partie, et encore, pas vraiment tous, ceux-là n'hésitent pas à te rappeler autant que possible que le retour de bâton n'est pas loin. Ou alors c'est la voix, dans ton esprit, cet ancien toi qui revient parfois te hanter dans tes rêves, te susurrant que tu retrouverais la raison, et que la douleur serait telle que tu t'en remettrais pas. Tu finirais comme Hécate, peut-être pire, et cette fois, peut-être que c'est ta propre tête qui finirait sur le tranchant d'une pierre. Parce que ce que t'as fait, cette voix, elle n'aurait jamais pu vivre avec. Tu le savais, au fond de toi, et c'est cet instinct de survie qui t'as permis de te transformer. Mais tu te demandes encore jusqu'où ton instinct pourrait te mener, tu la sens jusqu'au fond de tes tripes ce tic-tac incessant qui signera ton arrêt de mort. Tu sais pas te repentir, pas maintenant, la logique de tes actes, tu peux l'expliquer, mais pour ça, t'as dû enlever tous les sentiments que t'as pu une fois ressentir. C'était pas rose entre Nathan et toi, vous vous êtes détesté la moitié de votre vie, et l'autre moitié vous l'avez passée à vous ignorer. Vous avez eu quelques moments qui vous faisaient croire que vous faisiez réellement partie de la même famille, mais ces moments ne t'ont apparemment pas empêché de mettre fin à sa vie. Mais tu sais que si un jour tu fais face  à ça, tu seras incapable de revenir en arrière. Et cette eau, qui t'a enseveli alors que tu cherchais désespérément Phoebe et son gamin, cette eau elle hante tes cauchemars comme un retour de flammes. Tu revois ta tête cogner contre le mur, et pendant un moment, tu deviens Nathan. Tu comprends l'impuissance, la violence, et lui, il a pas dû comprendre ce qu'il se passait. Toi tu te réveilles tous les jours de ce même rêve un peu plus de dégoût à chaque fois.

Mais tu peux pas te le permettre, pas vrai Cas ? Oublier qui tu es, passer à autre chose, abandonner la vie, comme ça, d'un coup d'un seul. C'est pas toi, c'est jamais toi. Alors tu souris à la jeune femme qui vient d'arriver. Les Pavlov, t'aimerais éviter de les contrarier, vous êtes là pour faire affaire et tu comptes bien remplir ta mission. La pauvre a l'air presque aussi mal en point que toi, mais ça n'a rien d'étonnant. Subir une telle catastrophe chez soi était une chose, la subir dans un autre pays, dans une ville presque inconnue ... ça devait être pire qu'un enfer. Tu gardes ton sourire, seule arme, pour le moment, contre l'apparence écorchée de ton visage. " Le plaisir est partagé. " Alors que celle qui t'accompagne balaie du regard ce qu'il est devenu de la salle du restaurant, l'hôtesse vous guide désormais parmi les tables, pour vous installer sur celle qui se trouve le plus à l'écart. En tant que fidèle du restaurant, tout le monde commence à savoir que tu n'aimes pas être dérangé, que ce soit pour affaire ou autre chose. "Chacun gère la situation comme possible, ici mieux qu'ailleurs je suppose. Je suis désolé qu'on ne se rencontre pas en meilleure occasion. Bray a ses moments, mais ça reste une ville agréable." Lorsqu'une lunatique ne décide pas d'y mettre le feu, ou des djinns un peu trop virulents de la fondre dans les eaux.  
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You're my highway to hell

En dépit des mauvais jours, l’enseigne faisait de son mieux pour se tenir à hauteur de sa réputation. Ils n’eurent pas à attendre longtemps, à vrai dire sitôt qu’ils eurent conclu leur poignée de main, on s’empressa de les mener à une table, apparemment méticuleusement choisie. Aleksandra accueillit l’invitation chaleureusement, le confort d’une véritable chaise et d’une table claire, propre et nappée lui avaient remarquablement manqué. Etonnant comme un rien parvenait à chasser le trouble de son esprit. Dans de pareilles circonstances, elle désirait bien moins traiter affaires que de s’installer confortablement à la lueur des bougies, afin de discuter de tout et d’autres choses. Elle qui ne jurait que par les artifices, cette fois elle se serait accommodée plus volontiers de simplicité, pourvu que les éléments cessent de se déchaîner et de lui instiller la sensation de porter le mauvais oeil. Et le calme… Le calme de cette salle si proche d’être vide lui faisait tant de bien, après l’agitation du gymnase. Un tel calme qu’elle se plaisait à faire durer dans leur conversation, prenant le temps de répondre, tout en se refusant à hausser la voix.
Elle ne savait pas quel mauvais diable accuser pour cet enchaînement de malheurs, mais à cet instant précis, Il Ristorante de Luca était sans doute le seul lieu de Bray qu’elle tenait encore en estime. Cela lui venait d’une habitude profondément ancrée - celle de constamment rejeter la faute et chercher un coupable pour les plus maigres contrariétés. Elle blâmait Bray, elle blâmait l’Irlande, et elle blâmait la mer. Elle blâmait aussi le mauvais temps, le magnétisme et le destin. Il faut dire qu’elle se caractérisait bien souvent par une chance légendaire, toutes ses réussites ne semblaient pas forcément méritées et elle avait toujours beaucoup compté sur la bonne fortune, exploitant chaque faille de ce hasard bien trop favorable. Au jeu, c’était flagrant, elle empochait plus qu’elle ne perdait sans forcément tricher. Mais aussitôt que lui était concerné, elle devenait, semble-t-il, la femme la plus malheureuse du monde, et il se mettait à lui arriver des choses impensables. Alors elle blâmait Piotr.
Elle était débarrassée de tous repères, contre son gré, mais heureusement, elle semblait s’être aménagé une opportunité avec un individu bien plus estimable. Un retour de chance peut-être, à ce stade elle ne savait plus ce qu’elle devait ou non envier. Elle mourrait d’envie de débarrasser la conversation de toute allusion aux dernières catastrophes et tout à la fois, en parler l’aidait à relativiser son malheur. L’opinion d’un résident avait aussi cela de bon qu’il pourrait la réconcilier avec ce sur quoi elle s’était mise à cracher si facilement. Si, après un tel acharnement, après avoir perdu ses biens, sa résidence, ainsi que des connaissances sans doute, il était encore en mesure de vanter sa petite ville, elle devrait se faire une raison. Même si, au fond, elle doutait fortement avoir un jour à nouveau de l’estime pour même le pays tout entier.
Elle ne se démonta pas, et il faut reconnaître qu’elle faisait preuve d’un engouement rare - lorsque les choses la dépassaient tout à fait (ce qui lui arrivait de plus en plus fréquemment, et était tout à la fois assez anecdotique), elle était habituellement de ceux à se morfondre, ne sachant plus où crocher de ses ongles. Mais pour cette fois, elle faisait l’effort d’améliorer son humeur pour parvenir à profiter pleinement du cadre, ce dont elle avait grandement besoin. « Au contraire, je suis reconnaissante d’accéder à une occasion de me changer les idées après ce carnage. Pour être honnête avec vous, je n’avais pas le coeur à sortir, mais je vois à présent à quel point c’était nécessaire. A ce propos, j'espère que vos proches sont sains et saufs ? ». Elle s’assit sitôt l’invitation émise, non sans avoir ôté sa veste. Il ne faisait pas chaud, mais elle était quelque peu accoutumée aux météos capricieuses de l’Europe orientale, et aurait trouvé impoli de la garder. « Je n’ai eu l’espace que de quelques jours pour l’explorer, c’est bien dommage. Il faudra sans doute un moment pour tout construire, et j’ai bien peur de ne pas pouvoir rester jusque là. » Il faut dire surtout que, plus qu'une question de capacité, il s’agissait d’une question d’envie, mais c’était se donner l’air trop influençable et sensible au malheur - ce qu’elle était, pourtant.
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Il était dur de se remettre à travailler alors que le monde autour de soi était parti en ruines. Se dire que ça n'avait pas été la fin du monde, et que ce dernier continuait de tourner malgré tout, malgré le fait que toi, tu ne pouvais rien faire, à peine sortir de chez toi pour éviter de te découvrir, pour éviter que l'eau n'ait raison de toi et ne te trahisse. C'est un sentiment que tu avais rarement eu, elle qui était presque comme ton sang, qui te complétait simplement lorsque tu plongeais dans ses profondeurs. L'eau sournoise qui avait failli te faire tuer. Pourtant, ailleurs, rien n'avait bougé. Les villes se tenaient debout, les gens continuaient leur vie. Et à certains endroits, on se désolait de ce qui avait pu arriver à cette petite ville en dehors de tout, Bray. Comment une telle catastrophe a pu se produire, les météorologues restaient sans voix, ne trouvant aucune explication rationnelle. Tu leur sauverais bien le temps en leur disant qu'ils cherchaient pour rien, que rien de ce qu'il se passait ici n'était normal, habituel. Un incendie provoquée par une tempestaire ayant perdu la raison, voulant brûler tous ceux qui avaient ruiné sa vie, enterrer les Dux Tenebris pour mettre fin au malheur, et qui se moquait bien d'entraîner ceux qu'elle voulait sauver avec. Les morts, s'entassant à l'extérieur du gymnase, ce même complexe qui avait vu plus de malheurs que le cimetière de la ville. Tu te rappelles encore ta panique, tes cris à t'en rompre la voix alors que tu ne trouvais plus Hécate, Phoebe et Nathan. T'aurais pu tuer pour eux, et pourtant t'étais impuissant, tes jambes toutes nouvellement réparées suite à tes brûlures.

Et maintenant les djinns, ces ombres noires planant sur la ville, des ombres qui n'ont pas eu ce qu'elles voulaient, qui auraient aimé que Bray disparaisse, que le surnaturel reprenne ses droits et que la guerre se déclenche. Tu te figurais que c'était ça mais tu pouvais te tromper, qui savait réellement ce qu'il se passait dans la tête de ces inhumains. Si toi, t'as encore les pieds sur Terre, eux n'ont rien de semblables avec ceux qu'ils côtoient. Ils ne te font pas peur, ils t'intriguent, mais pas forcément de la bonne façon. T'aurais voulu les disséquer, encore et encore, pour savoir comment tout fonctionnait, pouvoir mettre fin à leurs actes et t'en servir encore et encore, comme tu le fais avec les fées. Mais on enfermait pas la fumée en cage. Pas aussi facilement, en tout cas. Alors t'es obligé de prendre sur toi, ignorer encore l'état de la ville dans laquelle tu as grandi, la ville que tu as appris à aimer autant que tu la détestes. Ça t'arrache le cœur de voir qu'elle tombe en lambeaux, mais t'y peux rien, tout ce que tu peux faire, c'est attendre qu'elle soit remise sur pied, c'est jamais toi qu'on trouvera les outils à la main pour le faire.

Alors t'es allé à ce dîner, parce que de toute manière, tu peux pas faire grand chose d'autre et c'est le seul lieu qui arrive à te faire oublier encore ce qu'il s'est produit, ta faiblesse actuelle. Tu n'imagines même pas ce que ça doit être pour une étrangère comme la Pavlova, Arriver dans une ville, cette petite ville d'Irlande avec son charme, ses rues fleuries, sa mer calme et inoffensive. Puis l'enfer, l'eau qui détruit tout, la désolation de voir les rues accidentées, la perte du peu de repères que l'on pouvait déjà avoir. T'es pas le moins bien loti dans l'histoire, mon poisson. Toi tes repères, tu les as depuis tellement longtemps que même dans le tumulte des eaux, t'arrives à les retrouver. " ça n'a pas dû être facile pour vous, d'arriver dans un nouveau lieu et de le voir se détruire sans avoir eu réellement le temps de prendre de marques. " De la compassion, envers sa situation. Cette mi-sincérité, parce que tu ne t'en préoccupes pas assez tout de même pour être totalement honnête, mais c'est tout de même une base de la politesse. " In extremis, mais tout le monde s'en est sorti. Avez-vous des connaissances dans la région qui ont assisté au... Drame ? " Tu hoches la tête quant à sa dernière phrase. " C'est bien dommage. Si la nature vous plaît, n'hésitez pas à explorer les montagnes avant votre départ, elles donnent une vue assez incroyable sur la ville, même encore maintenant. " Tu prends une petite pause, le temps de remercier la serveuse qui te tend le menu, pour revenir sur Aleksandra. " Combien de temps comptez-vous rester dans la région ? "  
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La banalité. Pour une fois que celle-ci lui manquait. Elle était comme ça, Aleksandra - elle collectionnait les habitudes, traditionnelle au possible, rechignant au changement ; et tout à la fois, elle était avide d’expériences nouvelles. Un être de contradiction. Elle était pourtant si loin de savoir à quel point elle-même était ici d’une banalité affligeante. Si elle savait - si elle savait à quel point les rues étaient infestées d’êtres de toute sorte, d’être qu’elle ne prenait même pas la peine d’imaginer. Terre à terre au possible, pour ce qui n’était pas supersitions et esprits frappeurs tout du moins. Si on lui avait dit que l’homme en face d’elle avait un chant capable d’envoûter sa volonté. Si on lui avait dit qu’un peu d’eau aurait suffit à le déformer. Elle aurait bien ri, Aleksandra, si on lui avait dit tout cela. Et elle aurait accusé la drogue, l’alcool, ou pire que cela - la folie, et elle ne vous aurait pas laissé vagabonder librement très longtemps. Mais il valait peut-être mieux pour être qu’elle ne sache pas. Un indice : elle n’aimerait probablement pas cela. Plus que bienveillant, le surnaturel était à ses yeux un danger. Le mauvais oeil, le mauvais oeil. Oui, à bien y penser, si elle avait su que Castiel était quelque chose de ce genre, elle aurait peut-être voulu le descendre. Heureusement, elle n’était pas une tueuse. Et heureusement, elle n’en savait rien.
Alors plutôt que de se soucier de l’existence d’une force quasi divine derrière un raz-de-marée, elle se contentait de cracher sur ce qui était à sa portée. Quelque part, la haine lui donnait une sensation de détente. Factice bien sûr, la haine n’avait jamais engendré que de la haine. Mais pour le coup, ça la soulageait assez. La compassion de Castiel Ò Murchù d’autre part avait de quoi apaiser ses tourments. Peu importe que ce soit sincère ou pas, Aleksandra, elle aimait que l’on se soucie d’elle. Non ça n’avait pas été facile. Ah, le mot était faible, sa psychologie avait pris une claque, laquelle ne faisait déjà pas la fière en temps normal. C’est qu’elle était instable et tourmentée de nature, la Moscovite - avec une vie comme celle du type en face, elle se serait plombée la cervelle depuis un bail. Mais bon, tout n’est que supposition. « Je vous remercie. » Elle avait commencé à le dire, un peu froidement sans trop y penser, mais finalement, l’envie de partager était un peu trop forte, et d’alléger la distance entre eux pour ne pas la rendre pesante. « Quelque part, il s’agissait là de mon premier contact avec la mer. Moscou n’est pas une ville côtière, et j’ai eu beau me rendre quelques fois à Saint-Pétersbourg, je ne peux pas dire que je tiens la ville dans mon coeur. Autant vous dire que je risque de ne pas changer d’idée. » Elle avait eu un petit sourire triste après ça, triste ou dégoûté - plutôt dégoûté en fin de compte. Elle avait toujours été sédentaire Aleksandra, beaucoup trop attachée à sa ville, et elle s’y identifiait presque. Pour être franche, elle se sentait moins Russe que Moscovite.
Elle avait acquiescé à ses mots d’un air entendu, lui signifiant d’un regard qu’elle était rassurée pour ses proches - bien entendu, ils auraient pu périr, ça ne lui aurait rien changé. Avec toutes les pertes et toutes les victimes, il fallait bien que le drame tombe au moins sur quelqu’un, et elle préférait de loin que ce ne soit pas elle. « Quelques vieilles connaissances. » Deux, pour être précises. Un mafieux qui était peut-être mort, et un ex-fiancé dont elle aurait rêvé qu’il le soit. En d’autres termes, elle se préoccupait assez peu de leur opinion sur le “Drame”. « Plus de peur que de mal. » La formule toute faite, prononcée avec assez d’hypocrisie pour presque lui donner envie de vomir. Elle n’en pensait pas un mot et on sentait presque le regret. Fuir le sujet, au plus vite. Saisir le menu, en parcourir les rubriques distraitement, pour se changer les idées. Heureusement pour elle, Castiel avait la bonté d’enchaîner rapidement. Mais ce sujet commençait à la rendre malade, en fin de compte… Elle changeait d'avis comme de chemise.
« Les paysages sont splendides, cela je ne peux le nier. Prendre l’air et marcher, oui.. Il me faudra l’envisager sincèrement. » En vérité, elle était une inconditionnelle de la ville et se serait volontiers passée d’un panorama de quartiers désastrés, même depuis un excellent point de vue. Elle passerait les prochains jours enfermée à double tour sans doute, et redoublerait de nervosité et d’instabilité jusqu’à finalement pouvoir quitter le pays. Mais rien d’assez glorieux pour qu’elle puisse s’en vanter. « Il me faut régler une affaire privée avant tout, mais je ne devrais pas m’attarder plus d’une semaine. ...A bien y réfléchir, peut-être moins que cela. » Ah, mensonge. Elle n’arrivait pas à partir, pas plus qu’à rester. Elle était sciée en deux, et toutes les issues à cette situation lui paraissaient parfaitement insoutenables. Elle se mordait la lèvre, tâchant d’échapper à ses contrariétés. Autre chose, il lui fallait autre chose, elle n’en pouvait plus d’y penser. Un, deux, trois - le cabillaud, elle prendrait le cabillaud irlandais.
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La normalité avait toujours été une notion différente pour toi de celle des autres. Dans une ville comme Bray qui accueillait, à ton grand dam comme ta grande fierté, une population conséquente de créatures surnaturelles, monde dans lequel tu avais été élevé, dont tu faisais partie, même si parfois, la différence entre toi et les simples humains pouvait paraître minime aux yeux de quelques personnes, la notion même paraissait floue. Pour le commun, la normalité n'incluait pas des familles d'êtres inhumains aux capacités exceptionnelles, elle n'incluait pas des chasseurs qui avaient dépassé le stade du massacre animal pour se concentrer sur des personnes qui leur ressemblait en tout point, si ce n'était une force unique à chacun. Mais pour toi … Toi c'était pire, sans doute. La normalité pourrait même inclure les catastrophes, la destruction de toute une ville pour en éliminer une petite partie, parce que tu l'avais vécu deux fois plus que ceux qui t'entouraient. Bray n'en était pas à son premier malheur, et sûrement pas à son dernier, tu pouvais en être persuadé. Malgré tout, tu l'aimais ta ville, elle était tienne depuis tellement longtemps que tu ne saurais pas dire si tu voulais en partir ou y rester à jamais. Mais tu étais bien obligé de faire comme si personne n'en connaissait vraiment les secrets, te trahir serait la chose la plus stupide que tu n'aies jamais faite, et c'était beaucoup dire, surtout pour toi qui collectionnait les points forts d'une existence misérable, malgré l'opulence dans laquelle tu avais toujours vécu. Alors tu essaies, te mettre à la place de ces humains qui ne pouvaient comprendre pourquoi le sort s'acharnait sur leur ville ainsi, pourquoi un tsunami qui n'aurait jamais dû avoir lieu avait détruit des familles, des rues entières. Tout comme le feu, ce feu étant apparu partout et ne prenant sa source qu'à un seul endroit. Ils parlaient beaucoup, ces humains, cherchant à comprendre un monde qu'ils ne connaissaient décidément pas.

Tu classais la Pavlova dans ceux-là, même s'il y avait une possibilité qu'elle sache tout, qu'elle connaisse les secrets que renfermaient la terre de Bray, mais tu ne pouvais pas prendre ce risque, n'est-ce pas ? Elle ne semblait pas en connaître la cause, mais peut-être que comme toi, elle savait jouer les ignorantes, et que différemment, elle n'avait pas cette capacité à oublier si facilement l'horreur. Mais ça, ça vient surtout avec l'habitude. Celle de voir toute ta vie s'écrouler. Avant, t'aurais sans doute eu besoin d'un temps d'adaptation, celui où tu te serais prostré quelque part en te demandant ce que t'avais fait au monde pour qu'il te déteste à ce point. Mais c'était plus le cas, parce que maintenant, tu savais quelles conneries tu faisais, tu savais pertinemment bien que tu mériterais pire que de te prendre un tsunami dans la gueule, mais ça te fait plus rien.

Tu acquiesces à l'explication d'Aleksandra. Même si tu as du mal à comprendre, parce que toi, t'as jamais eu le choix, t'as jamais pu ressentir autre chose qu'une unité avec l'eau, qu'elle soit mer, lac ou océan, elle fait partie de toi et tu pourrais pas vivre quelque part sans l'avoir proche de toi, parce qu'elle te rassure et que tu te sens complet quand elle est là, autour de toi, te laissant seul en son milieu. Le calme, le silence, la vie sous-marine, tellement de choses que tu ne pourrais échanger pour rien au monde. Mais tu lui souris tout de même, parce que tu connais le sentiment, celui de te sentir désemparé devant un élément qui pourrait sembler incontrôlable. " Voir la mer sous son jour le plus terrible n'est pas vraiment une façon de l'aimer, je peux en convenir. Mais je peux vous l'assurer, elle ne sera plus si capricieuse. Vous avez sans doute assisté à ce qui semble être un évenement exceptionnel n'ayant jamais eu lieu dans la région. " Tu prends une pause, juste pour jeter un regard autour de toi, être témoin encore, de cette exception. " Quand j'étais plus jeune, ma famille allait souvent en Italie, nous y avions une maison de vacances. J'y ai fait beaucoup de plongée sous-marine, et c'est sûrement le plus bel environnement que j'ai jamais vu. " Tu l'as toujours, cette maison de vacances, quelque part, mais depuis combien d'années est-elle abandonnée ?

Des banalités, sûrement nécessaires. S'assurer que les proches de tout le monde allait bien, que le désastre n'avait pas encore brisé des familles, surtout pas les vôtres. C'était nécessaire, mais beaucoup trop vide. Que ses proches soient morts, t'en aurais même pas été triste. Elle était là pour affaires et toi aussi, vous ne vous connaissiez pas il y a dix minutes de cela. Alors le sujet passa vite, alors que tu hoches la tête une énième fois pour montrer ton accord avec ses mots. Ça t'évite d'ouvrir la bouche et d'abuser de phrases toutes faites pour montrer ton intérêt.

Changer de sujet, parler d'autre chose, ne plus évoquer la tristesse environnante. Parler de ce qu'il y a de beau à Bray, encore aujourd'hui. Mais pas pour longtemps, parce que c'est bien le genre de sujet qui s'épuise aussi vite qu'il arrive malheureusement. " Tant que vous serez en ville, en tout cas, n'hésitez pas à demander si vous avez besoin de quoique ce soit, ma famille et moi-même seront ravis de vous aider. " Ton regard se mit de nouveau à parcourir le menu alors que la serveuse revenait pour prendre votre commande. Tu préférais éviter le poisson, c'était un fait, t'étais beaucoup plus intéressé par le Canard. " Désirez-vous du vin ? " Parce que tu connais largement les priorités, Cas'.
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Il était mignon Castiel Ò Murchù, à essayer tant bien que mal de défendre son élément. C’est qu’il ne savait pas combien elle était obstinée, Aleksandra. Il aurait fallu un miracle pour qu’elle se réconcilie avec la flotte. Déjà qu’elle avait du mal à la boire sans d’abord y infuser la moitié de la flore terrestre - il n’y a bien que pour ses bains qu’elle faisait sincèrement l’effort d’y prendre plaisir. L’inviter pour des vacances en bord de mer, c’était se soumettre presque d’office à un refus pas des plus cordials, ou à quelques jours placés sous le signe de la mauvaise humeur ambiante et des crises de nerfs. La noyade se trouvait probablement dans son top trois des morts les plus détestables et elle aurait préféré encore se laisser brûler vive que d’expérimenter à nouveau un “concours d’apnée”. Et la perspective d’avoir plusieurs kilomètres cube de flotte au-dessus du crâne la laissait relativement mal en point. De la plongée sous-marine… Comment pouvait-on prendre du plaisir à cette activité allant à l’encontre de la nature humaine ? Elle avait besoin de sentir la terre sous elle et l’oxygène dans ses poumons Sacha, tout le reste se classait dans la catégorie torture, et c’était tout bonnement indiscutable.
Mais elle tachait de faire bonne figure pour ne pas contrarier son hôte. Si c’était ce qu’il aimait le mieux, elle n’allait pas faire la bêtise de cracher dessus, même si c’était assez dur. Parce qu’elle avait jamais autant détesté la mer qu’aujourd’hui, et ça l’insupportait presque de le laisser la défendre. Mais quelle était cette obsession des hommes pour la mer à la fin, sinon une véritable malédiction ? Enfin, ça ne la regardait pas vraiment. Chacun son domaine de prédilection après tout, au moins elle n’essaierait pas de lui marcher sur les pieds pour prendre le pas sur cet univers là. Qu’ils se partagent le monde et elle lui laisserait son gros aquarium à monstres, elle préférait de loin s’approprier le plancher des vaches. « Je ne peux qu’espérer que ce soit le cas, ce serait un comble de malchance de faire face à un second raz-de-marée dans le court laps de temps de ma visite. » Un petit mot, pour lui faire savoir qu’il ne lui avait certainement pas fait changer d’avis. « J’ai entendu beaucoup de bien de l’Italie, cela semble être un pays magnifique, et la météo y est plus favorable. » Plus favorable que Bray, c’était franchement pas difficile. Y’avait presque autant de flotte qui tombait du ciel que sous les pontons du port. « Ce doivent être de bons souvenirs. » Il faut dire que les vacances, elle s’en offrait assez peu. Manque de temps et d’envie, ça lui aurait fait du bien pourtant. Même si quelque part, sa venue à Bray pouvait de loin s’assimiler à des vacances - de très très loin.

Néanmoins, il était sympathique, le Ò Murchù. Et par sympathique, il fallait entendre bien élevé et prévenant, qu’il soit faux avait très peu d’importance. Il lui offrait un éventuel soutien, un mouvement peu prudent quand on savait combien elle pouvait être capricieuse, mais il l’ignorait heureusement. Elle était une habituée des coups de tête, des envies subites, des exigences absurdes et des réclamations multiples - ce qui ne l’empêchait pas de faire preuve d’un savoir vivre impeccable lorsque le jeu en valait la chandelle. Elle lui avait servi ce sourire d’affaire - on le connaissait bien en Russie, il faut dire que là-bas, on ne souriait que pour l’hypocrisie sociale, les moqueries et la télévision. Pour un occidental, ça aurait pu être un sourire comme un autre. « Vous êtes bien aimable, je ne l’oublierai pas. » Une façon comme une autre de dire merci quand on rechignait toujours à prononcer ce vilain mot. La politesse, la ponctualité, l’amabilité et toutes ces choses - c’était tout un art de faire semblant de les avoir quand, véritablement, on ne les avait pas. Et puis le sujet était clos, il était assez ennuyeux de toute façon. Beaucoup de choses l’étaient en ce monde, et elle se lassait vite. Il fallait en trouver un autre.
La conversation tourna brièvement au repas. Il faut dire qu’ils étaient venus pour ça. Il lui proposa du vin, ce à quoi elle répondit par un aimable « Volontiers ». Le souci bien sûr, c’était qu’elle avait choisi du poisson, et lui une viande rouge. Ceci dit, ils pouvaient tout aussi bien accompagner le repas d’un rosé. A la venue de la serveuse, elle s’empressa donc de passer commande, et laissa l’homme de la situation se charger du reste, comme il était de coutume. « Je ne suis ici que depuis peu, mais le nom des Ò Murchù m’est parvenu presque aussitôt. Vous ne passez pas vraiment inaperçus. Vous êtes implantés à Bray depuis longtemps ? » Il était temps d’entrer un peu mieux dans le vif du sujet, elle voulait en apprendre plus sur son interlocuteur, la faute à cette insatiable curiosité. « Votre famille laisse cette impression de posséder la ville. » Sur un ton de plaisanterie cette fois, mais une plaisanterie flatteuse, par laquelle elle espérait tâter le poids de cette famille irlandaise qui lui offrait si gracieusement ses services.
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Y a des choses que tu ne peux pas dire. Que de toute manière, tu ne pouvais pas avoir peur de l'eau, parce que c'était ton élément. Que la faune aquatique, c'était pas loin d'être tes confrères. T'irais pas jusqu'à parler de famille avec le poisson rouge de tes voisins, mais t'es connecté avec eux, un peu comme Ariel avec Polochon. En moins glauque et probablement moins bizarre. T'admires la beauté de la vie sous-marine, cette beauté pure quand elle n'est pas gâchée par la pollution. Tu aimes ces couleurs que ton œil peut voir alors que les autres l'ignorent, tu aimes cette vie que tu sens et qui effraie beaucoup de gens. Tu aurais pu être de ceux qui passaient le cap, qui décidaient de vivre dans ce milieu, ton milieu naturel. Parce que toi tu n'es pas de la terre, tu ne la comprends pas comme tu comprends l'eau. Mais la vie, elle te prive, petit à petit, de ce lien que tu as construit, qui était là depuis le début mais que tu as fait évoluer. Les humains, eux, auront toujours du mal à comprendre la mer. Ils peuvent l'aimer, la parcourir, mais entièrement saisir ce qu'elle représente est hors de leur portée. La nature est hors de leur portée, de toute manière. Ils sont faits pour être entourés, ils ont construit des murs de béton pour s'en protéger. Alors qu'elle réagisse ainsi, tu n'en attends pas moins. Certes, tu trouves que la situation possède une certaine tristesse, mais tu n'es pas surpris. Après les événements, il n'y avait rien de plus normal. Presque une trahison, de voir cet élément se rebeller. Prouver, enfin, qu'on était beaucoup trop petits face à la puissance des eaux, et que se persuader du contraire c'était fermer volontairement les yeux. Le retour à la réalité était parfois rude, c'était un fait. Et ceux, comme la Pavlova, qui ne croyaient pas qu'une telle chose pouvait leur arriver, à eux, eux si protégés des aléas des marées et des vents, d'ordinaire, c'était une frayeur que tu ne peux imaginer. Parce que toi, t'es prêt à tout, ou presque. Tu l'as vue partir en feu, Bray, tu l'as vue succomber à un maire des plus immondes. D'un côté, la mer est plus rassurante que le sol dur et froid, ici. Elle, elle ne cache pas des secrets que même les diables pourraient vouloir enterrer. « La coïncidence pourrait porter à croire que le monde est proche de la fin. Heureusement, ce n'était qu'un incident isolé. » Incident. Comme s'il était accidentel, comme si rien n'avait provoqué ce qu'il s'était passé. Tu acquiesçais face à tes souvenirs de vacances. De très bons souvenirs qui semblaient si loin dans ton esprit, comme si tu étais dans l'impossibilité de te rappeler des détails. Lorsque vous pensiez être heureux, toi et les tiens, avant tout le reste, avant la descente aux enfers. Malgré Hayley. Il n'y avait plus grand besoin de s'étaler sur la conversation.

Le sujet arriva sur le repas. Le désir de vouloir mettre le tsunami derrière eux, ne plus en parler pour arrêter de visualiser l'horreur, ta tête qui heurte le meuble et la sensation de brûlure lorsque l'eau descend dans ta gorge. Tu commandes le vin. Ces dernières années, tu as acquis un fin palais à ce niveau là. Drôle comme ton père prenait à cœur de te voir réussir à apprécier ce liquide alors que toi tu t'obstinais à l'époque à ne jurer que par la vodka. Ce que tu as pu être un mauvais fils, parfois. Tout le temps, peut-être, en réflexion à celui qui était de loin le plus mauvais des pères. En parlant de ta famille, elle devient rapidement le sujet préféré d'une ribambelle de personnes, alors que toi, t'as passé des années à vouloir t'en échapper. Mais le pouvoir fascine, c'est un fait. « Depuis quelques générations. Je n'ai pas souvenir avoir entendu dire que notre famille ait vécu ailleurs qu'en Irlande, je vous avoue. Ici, nous faisons sans doute presque partie du patrimoine culturel. » Une blague sur le ton de la vérité, s'il y avait eu un train de touristes, sans doute se serait-il arrêté devant leur demeure, avec un joli discours qui prouverait à quel point Gidéon était un bienfaiteur pour la ville, malgré tous les drames qu'il ait vécu. Veuf éploré qui n'avait plus que quelques uns de ses enfants. T'imaginais plutôt bien ton père étrangler le connard qui aurait écrit ce discours, d'ailleurs. Tu te mets à rire à sa déclaration. T'aimerais lui répondre qu'elle imaginait pas à quel point, que les autres avaient pas idée du degré auquel ils étaient enlisés à Bray, les Ò Murchù, mais finalement tu te serais contenté d'une blague, toi aussi. Mais t'en as pas eu l'occasion.

La porte qui s'ouvre avec fracas alors que le patron est traîné à l'intérieur de la salle par la nuque, un flingue sur sa tempe. Ils sont quatre, de ce que t'en vois, des mecs dont tu vois pas le visage, qui commencent à tirer au plafond pour faire taire les cris qui commençaient à résonner partout. Tu te croirais dans un film d'action à l'américaine, aucune compréhension réelle de ce qu'il se passe, juste du bruit et des explosions. Tu t'étais levé d'instinct, mais t'oses pas vraiment faire un geste de plus, t'es plutôt du genre à attendre de voir ce qu'ils veulent. « Cette ville est MORTE, elle est MORTE depuis tellement d'années, elle nous tuera si on la tue pas avant ! » T'essaies de comprendre ce qu'ils gueulent, mais ces gars là, dangereux, avec leurs armes, ils ont l'air aussi paniqués que ceux qu'ils attaquent, mais une panique que t'as déjà vue, qui annonce rien de bon, une panique de folie. Celle qui permet de faire des miracles et son contraire. Ils veulent soigner Bray, ils veulent guérir la ville de son mal, mais pour ça, il faut l'éradiquer. Eradiquer tout le monde, pour que la terre soit nettoyée, de tous ces chiens qui ressemblent aux humains, tous ces êtres brillants qui peuvent atteindre le ciel, de tous ces démons qui ont retourné la mer contre l'humanité. Et tu comprends, tu vois qu'ils sont fous, tu vois qu'ils savent, aussi. Et tu sais qu'en étant toi-même, t'es à deux doigts de te faire buter.
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La conversation s’effritait lentement et il était plus que temps que l’un ou l’autre de nos piètres protagonistes trouve un sujet de débat à mettre sur le tapis. Mais les intérêts divergeaient, à l’évidence – Aleksandra était plus que curieuse à l’égard de cette vieille famille irlandaise qui semblait avoir trouvé le moyen de se renouveler et de prendre son ampleur au travers de son entreprise, un typique exemple de capitalisme fructueux. C’est cela qui la passionnait – l’économie, teintée d’orientation politique, ce genre de couleurs au milieu de l’Europe décadente. Derrière toutes ces politesses, il y avait des affaires à la clé, ils ne se le cachaient pas. Mais voyez, cela restait l’Irlande, et pire que cela, c’était Bray. Quel intérêt à l’investissement, à l’échange, avec quelque chose d’aussi médiocre ? Non, il fallait que les Ò Murchù se justifient de l’intriguer. Parce qu’elle s’ennuyait, loin de ses bureaux, loin de son propre père, de ses responsabilités. Et quoi de mieux pour passer le temps que de trouver à discuter avec une famille qu’elle jugeait intéressante. Ce qu’elle voulait en savoir, c’était l’origine, les actions, et plus encore les opinions. Les opinions politiques tout particulièrement. Et sociales. Jauger jusqu’à quel point ils pourraient s’entendre, sur tous les sujets.
Mais pour qui ne se passionnait pas d’affaires, c’était une conversation des plus ennuyante. Et de toute évidence, Castiel passait déjà trop de temps empêtré dans sa famille pour prendre plaisir à en parler. Elle qui voulait l’entendre en vanter les mérites. Au moins eut-elle droit à un tableau pittoresque de cet élément du décor irlandais. L’image était assez risible, elle en souriait d’ailleurs – elle voyait le visage de Castiel, et elle avait vu quelques photographies du père, et de la mère, et elle les voyait à l’identique à travers les siècles alors même que ce ne devait être à l’époque qu’un ridicule petit village. Même si le tsunami l’avait surprise, qu’elle n’avait pu se préparer convenablement à cette journée, elle ne s’était pas privée de quelques recherches avant même de prendre le contact. Pour justement éviter, le jour venu, une mauvaise surprise inattendue.

La bonne blague.

Car la voilà qui venait, la surprise inattendue que, pour le coup, personne n’aurait pu prévoir. Peu après un tsunami qui plus est, alors que la vie ne pouvait être que plus calme que ce qu’elle avait été, en comparaison. Les malheurs ne pouvaient pas s’enchaîner indéfiniment, pas vrai ? Mais cette ville était maudite. Cela au moins, elle l’avait compris. Il n’y avait plus rien à faire, plus rien à en espérer, elle n’avait plus d’autre volonté que partir. Au diable les affaires, à ce stade, elle n’y donnerait plus suite. Et surtout, à tout prix, elle les oublierait, comme si cette courte passade de sa vie n’avait jamais eu lieu. Mais tout de même : qui aurait pu envisager à cet instant une attaque de nature terroriste ?
Elle était restée figée, le verre de vin touchant presque ses lèvres, lorsque la porte s’était éclatée grande ouverte. Elle n’avait pas eu peur d’abord, elle était seulement tendue, comme attendant une nouvelle. Et son regard s’était posé sur la main armée, et les coups de feu avaient résonné dans sa tête avec violence, lui faisant perdre sa voix, sous le choc de se retrouver face au danger. Et dans les yeux de l’homme menacé, la peur. Et la peur, elle est contagieuse – et accrue, à chaque mot de ces agresseurs. Des mots d’illuminés, des mots porteurs et annonciateurs de mort. Aleksandra, elle ne savait rien du surnaturel, elle ne savait rien des raisons derrière cette énorme vague, derrière les malheurs qui s’enchainaient. Tout ce qu’elle voyait, dans ces hommes, c’était la paranoïa, la peur de la malédiction, l’angoisse superstitieuse. C’était ce qu’elle ressentait elle-même mais sans violence. Cela dit, elle aurait pu être là, déblatérer les mêmes absurdités. Sauf que les circonstances faisaient qu’elle était de ceux qui risquaient de ne jamais atteindre la fin de journée.

Cette ville est morte – elle aurait aimé qu’elle le soit. Mais pas là, pas quand elle y était. Elle avait fini par se lever à son tour, hésitant assez sur ce qu’elle devait faire : fuir, se cacher, rester statique. Elle n’était pas armée, d’ailleurs se battre n’était pas une option. A moins peut-être d’un coup de poing bien placé, mais dans la configuration actuelle, c’était hors de question. Elle avait regardé Castiel, cherchant à savoir ce qu’il en pensait, se demandant presque si c’était chose courante, par ici. Sur ce sujet, elle n’en déduisait rien. « J’imagine qu’il ne vaut mieux pas faire partie du patrimoine culturel dans ces moments-là », murmura-t-elle avec un sarcasme monstre – elle n’avait pu s’en empêcher. C’était le ras le bol, qui était assez surpuissant pour l’empêcher de paniquer. Du moins, de trop paniquer - car elle se sentait comme en dehors d'elle-même, et ses mains tremblaient.
Qu’est-ce qu’elle pouvait faire. Elle n’allait pas s’exprimer au nom d’une ville à laquelle elle ne s’affiliait pas. Elle n’allait pas risquer sa vie et jouer les martyrs, ou jouer les héroïnes – elle était plutôt de ceux qui exploitaient les faiblesses de ceux qui se retrouvaient démunis. Mais rester les bras croisés à ne rien faire, ça l’insupportait aussi. Et elle préférait partir hautaine avec sa fierté que supplier pour ne pas crever. Aleksandra, elle était de ceux à sauter sur le dos de son cambrioleur plutôt que de se planquer. En fait, elle avait un sens du danger assez délicat. Seule face à quatre hommes ? Elle n’était pas conne au point de croire qu’elle avait une chance. Mais quitte à mourir ce jour-là, elle avait gardé son vin en main, et le vida d’une traite – une bonne descente, sans préoccupation pour le goût ou l’arôme, ainsi que l’on vidait un verre de vodka. Au moins, cela lui donnerait du courage et la calmerait, et elle s’essuya les lèvres en les tapotant d’un revers de main. Et puis, profitant de ce que son adrénaline subisse l'effet de ce petit coup de fouet déshinibiteur, elle avait saisi son compagnon statique, pour se précipiter tant que possible à l'abri du danger.
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