Ta phrase juste à toi Anthéa est née avec une petite cuillère en argent dans la bouche. Fille aînée d’une famille de riches industriels français, elle n’eut jamais à manquer de rien. Ses parents la considéraient comme la prunelle de leurs yeux. Une petite merveille. Et il faut dire qu’elle semblait en être une : toujours propre, toujours jolie, toujours souriante. Mais l’éducation inculquée par ses parents l’amena très vite à croire qu’elle était meilleure que tout le monde. Alors derrière les sourires et les apparences, Anthéa était capable d’être mesquine. Manque de chance, elle était en plus plutôt intelligente, et savait s’exprimer avec aisance. Plusieurs de ses amies d’enfance furent les victimes de son égoïsme et de sa condescendance. Persuadée de n’avoir besoin de personne, Anthéa se retrouvait effectivement souvent seule.

Pourtant elle ne cherchait pas cette solitude. Elle était capable du meilleur, d’être gentille, d’être loyale, d’être joyeuse, un vrai rayon de soleil. Mais, elle le découvrir bien vite, ces traits de caractère la rendaient plus faibles, attiraient les gens mal intentionnés. Et elle cernait trop bien les gens, les mensonges derrière leurs mots, les intentions derrière les actes. Elle apprit donc, dès son adolescence, à réprimer ses émotions, chasser sa sensibilité, ne laissant apparaitre qu’une jeune fille sûre d’elle, peut-être trop sûre d’elle, et décidée à conquérir tout ce qu’elle désirait.

Bien que née française, Anthéa fut assez vite amenée de pays en pays, son père changeant souvent de poste. Ils s’installèrent aux Etats-Unis quand elle eut 7 ans, y restèrent trois ans, puis partirent en Italie deux ans, revinrent en France pour deux ans de plus. A ses 14 ans, sa mère en eut assez de ce manque de stabilité et demanda à son mari de trouver un poste duquel il ne devrait pas bouger avant plusieurs années. Monsieur Desproges s’exécuta et fut muté comme directeur d’usine à Bray. Ce fut donc l’Irlande qui vit Anthéa devenir une femme. Elle fit de brillantes études en finance, avec pour ambition un jour de diriger une filiale régionale, voire nationale. Et parce que la nature lui avait donné le charme d’une Sirène, elle s’en servait parfois pour faciliter son chemin. Il faut ce qu’il faut, pas vrai ?

Pourtant elle choisit de rester à Bray. Quelque chose dans cette ville l’avait charmée, elle la charmeuse. Elle s’y sentait à sa place. Alors elle prit un poste gentiment offert à la banque locale comme conseillère grands comptes. Une riche qui traite l’argent des riches, la boucle est bouclée. Mais elle sait qu’une fois le temps venu, elle tracera son chemin vers des lieux plus importants.

En attendant, elle se maria en 2015. Pas de gaieté de cœur, à vrai dire. Mais ses parents pensaient qu’épouser un Ò Muchù lui permettrait de consolider sa situation. Et permettrait à Oax Pharma de ne pas empiéter sur les plates bandes de la société du paternel Desproges, accessoirement. Anthéa, elle n’aimait pas Castiel. Un petit con arrogant et agaçant. Mais à vrai dire, elle n’avait jamais vraiment envisagé de se marier. Rester avec le même homme toute sa vie, se jurer soutien et fidélité, tout ça, très peu pour elle. Sauf qu’une femme célibataire, au bout d’un moment, ça fait mauvais genre. Alors elle accepta ce mariage, parce qu’il valait bien un autre, parce que les deux familles l’avaient planifié depuis des plombes, parce que ça lui faisait ça de moins à penser.

L’avantage, c’est qu’ils ont beau eu se jurer soutien et fidélité devant l’autel, les nouvellement mariés Ò Murchù étaient bien d’accord pour ne pas respecter ces vœux. Ils passent leur temps à s’emmerder, se pourrir la vie. Ils adorent se détester. Parfois, ils aiment passer du temps ensemble, devant une série, au restaurant. Quitte à vivre ensemble, autant en profiter un minimum. Mais Castiel est toujours un petit con agaçant. Peut-être un peu moins ces derniers temps. Anthéa ne sait pas si c’est le début de sa grossesse ou le fait qu’il l’ait défendue bec et ongles face à une harpie récemment, mais elle se rend compte qu’elle ne détestait plus Castiel. Elle ne l’aime pas non plus. Elle ne sait plus trop ce qu’elle ressent. Une certaine forme d’affection, oui. Et puis, après tout, il est le père de son enfant. Un enfant non désiré, mais accepté par les deux époux. Anthéa ne sait pas si elle est prête à être mère. Elle ne sait pas si elle sera à la hauteur ; première fois de sa vie qu’elle se pose ce genre de questions. Mais comme tout le reste, elle est décidée à conquérir ce terrain. Et à offrir à son enfant une vie qu’il mérite, telle que ses parents lui ont offert.

Et puis, au moment où elle commençait à apprécier sa grossesse, à se faire à l'idée d'élever un enfant, tout est parti en couilles. Castiel a avoué le meurtre de son frère, est parti en prison. Anthéa, enceinte de plusieurs mois, se retrouvait seule et à la une des journaux. Ce fut pire quand Castiel disparut. La jeune femme accoucha d'un petit garçon sans savoir si le père était encore en vie. Les premières semaines fut difficiles. Elle devait s'occuper de son fils Jack, mais elle avait toujours vu ça avec Castiel. Sans lui, c'était différent, et elle s'inquiétait en permanence.

Il finit par se repointer. Victime d'une sombre histoire dont Anthéa ne saisissait pas toutes les nuances. Planqué grâce à Alexis, encore elle. Peu importait. Anthéa avait sa famille à nouveau. Maintenant, il allait falloir qu'elle y trouve sa place.