J'adorais cette saison, je la trouvais magnifique, malgré le temps qui était aussi instable que moi en pleine descente, je me surprenais souvent à admirer la ville, juste pour le plaisir de voir les couleurs. Assis devant la fenêtre dans mon atelier, et puisque après la folie d'Halloween, la clientèle se faisait plus rare (le calme avant la tempête de Noël), je me permettais de fabriquer de nouvelles farces, un crayon à papier dans la main avec lequel je jouais, j'observais comme un gosse le petit groupe d'artistes de rue, maquillés qui tentaient de gagner un peu d'argent grâce à leur art. Je ne pouvais que les comprendre, d'autant plus que les autres commerçants essayaient depuis plusieurs jours de les faire partir. Joueur, je quittais finalement mon atelier, laissais un mot sur la porte de la boutique indiquant que j'étais dans la rue, je ferais à clé cette dernière pour m'approcher du groupe. Les enfants étaient amusés par leur maquillage de clown, et par le jonglage. Moi aussi d'ailleurs. C'était ce que je faisais le mieux quand mon père et moi faisions ce genre de performance dans les rues. À les regarder, je retombais complètement en enfance. Profitant qu'une balle tombe près de moi, je jouais avec un petit moment avant de la relancer au jongler qui, beau jouer, me lança une autre balle. À deux, nous faisions tourner les six balles, sous les yeux amusés, et impressionnés des petits et des grands. J'étais moi-même impressionné par ma performance, malgré tous les psychotropes dans mon sang, j'étais capable de coordoner mes mouvements, c'était impressionnant.
Il n'y a rien de plus difficile ?
Je ne leur volais pas la vedette, je jouais avec eux, et puis, s'ils voulaient me donner une partie de leur recette, je n'étais pas contre, le truc était d'assurer le spectacle. J'avais grandi avec ça, je savais ce qu'il fallait faire. Tout en faisant tourner les balles, je les guettais, attendant ce qu'ils avaient à me proposer.