J'ai l'impression de revivre depuis quelques jours, en même temps rien de bien étonnant quand on sait par quoi je suis passé. Ma vie est encore loin d'être celle que j'avais avant la mort de Dallas, mais disons que je suis en bonne voie pour retrouver quelque chose de similaire. Rien ne sera jamais plus pareil, j'en suis parfaitement conscient, mais je ne peux malheureusement pas passer éternellement mon temps à m'enfermer dans ma peine, à chasser les autres et à boire et me droguer. Mon corps ne le supportera pas, ni même mon esprit. Il arrivera un moment où je finirais par craquer et je n'en étais pas très loin, il faut bien l'avouer. Mais je crois que j'ai réagis à temps ou en tout cas j'espère que je l'ai fais à temps. Ca n'a pas été facile et ça ne l'est toujours pas, mais j'aime à penser que le pire est derrière moi, même si j'ai cru comprendre à ma réunion des NA que je suis encore loin de m'en être sorti, qu'il y a un long chemin qui s'ouvre devant moi et que je vais devoir changer de façon de vivre si je veux pouvoir m'en sortir.
Aujourd'hui j'ai assisté à ma première réunion des Narcotiques Anonymes, une grande première pour moi. C'est mon prof de photo qui m'a poussé à m'y rendre. Au début je n'étais pas trop chaud, il faut bien l'avouer, mais il a réussi à trouver les mots justes et à me laisser du temps pour que je me résous à m'y rendre. Ca n'a pas été une décision facile, non pas que j'éprouve une quelconque honte pour mon état actuel, mais parce que j'estime que je peux m'en sortir tout seul. C'est faux, archi faux même mais j'ai mis du temps à m'en rendre compte. En fait c'est mon tête à tête avec Ska, sur nos planches, au milieu de la tempête que je me suis rendu compte que non, je ne serais pas capable de m'en sortir seul, tout simplement parce que j'ignore comment me gérer tout seul. On a toujours été tous les 4 et chacun avait finalement son rôle dans la bande. Ska & moi, nous sommes les inconstants et les fêtards, ceux qui partagent leur joie de vivre et leur connerie. Nous on apportait un peu de fantaisie dans la vie de Dak et Dallas. Dakota apportait sa douceur et sa naïveté, nous faisant prendre conscience de la beauté de la vie et de la chance que l'on avait d'être ensemble. Et Dallas c'était la raison et la discipline. C'était lui qui nous gérait, qui venait nous chercher au poste de police, qui nous sortait de nos emmerdes, qui nous réveillait le matin. Sans lui, je ne suis plus rien. Plus de rigueur, de plus de raison, plus rien pour me donner des limites. Dak fait son possible, mais elle n'est pas lui. Je sais que Ska & Dakota seront toujours là pour moi, mais j'ai besoin de me prendre en main, de prendre une bonne décision, une fois dans ma vie et ce fut de me rendre à la première réunion des NA.
Harlow, c'est comme ça que mon prof se nomme, était plutôt content de ma décision et fière des progrès que j'avais fais. Mais mon chemin allait être semé d'embuche, je suis homme à addiction et je n'ai aucune volonté. Je suis prêt à arrêter les drogues dures mais hors de question que j'arrête les joins et l'alcool. Je veux bien me limiter pour le moment à la bière, mais arrivera un moment où j'aurais envie d'autre chose et là, ça risque d'être dangereux. Pour le moment je suis raisonnable, mais j'ai encore le goût amer de la descente aux enfers que j'ai connu et à la peur que j'ai éprouvé, en n'arrivant plus à distinguer si j'étais réveillé ou endormi. Plus jamais ça, je veux rester lucide, ne pas rester percher. En sortant des NA, je vais prendre un café au starbuck du coin. Leur local est en reconstruction mais ils ont pu déménager en attendant dans un autre lieu pour continuer à vendre leur produit. Nous discutons quelques temps avant de se séparer. Je ne lui ai pas encore demandé d'être mon parrain, mais cela viendra. J'y pense de plus en plus et je sais qu'il faut quelqu'un que je connais et en qui j'ai confiance et Harlow m'a prouvé qu'il pouvait être là pour moi. C'est étrange de le voir passer de prof à ami, mais c'est plutôt agréable. J'éprouve encore plus de respect pour lui, il faut bien avouer, parce que sans vraiment connaître totalement son histoire, je sais qu'il est passé par là où je suis actuellement et quand je vois l'homme qu'il est aujourd'hui, j'ai bon espoir pour moi. C'est à peu près à ce moment là de mes réflexions que je vois un homme rentrer dans une jeune femme. Insensible au choc ou à la situation, il continue son chemin, sans prêter plus attention à la jeune femme qui l'a pris de plein fouet. Elle n'a pas l'air d'être au top de sa forme, mais cela ne l'empêche pas de l'insulter de tous les noms, malgré le désintérêt de son adversaire. Moi ça me fais rire, pour être honnête. Je ne me réjouis pas de son malheur, mais j'aime voir sa hargne et son envie d'exister aux yeux de cet inconnu, être reconnue en tant qu'être humain, avec le droit d'exister et d'être respecté. C'est vain visiblement, mais c'était plutôt bien tenté. Son regard finit par se poser sur moi mais sans plus d'intérêt que ça. Au lieu de refroidir ma bonne humeur, ça me donne envie de la titiller un peu plus. Pourquoi ? Je l'ignore, je suis de bonne humeur aujourd'hui et à l'instar de cette jeune femme, moi aussi j'ai le droit d'exister. "Alors comme ça on s'en prend à de parfaits inconnus ... C'est mal vous savez !" Je sais rendre dingue les gens, j'ai un don inné pour chercher la merde.