mon histoire
Ó Banríon.
"Reine" au sens littéral.
Royauté grossièrement traduit en langage de fée. Dans cette lignée à laquelle appartenait désormais la petite fille, le sang mêlé n'existait pas. Elle était le parfait résultat d'une union de deux familles au sang pur.
D'aussi loin que ses origines remontaient, que ce fut du côté de son père ou de sa mère, jamais aucun humain n'était venu s'immiscer dans l'arbre généalogique et gâter le sang des fées de son "impureté". Dans ses deux illustres familles on s'accouplait inter espèce et tout manquement à la règle n'était même pas envisageable. Ce n'était pas l'influence ni l'argent qui faisait leur rang mais la pureté de leur sang. Des êtres comme eux étaient rares, si ce n'était même uniques car si les fées existaient bel et bien, les humains eux pullulaient en nombre et il était de plus en plus difficile à mesures du temps qui passait de ne pas en voir venir un humain se greffer sur l'échiquier de la génétique.
Mais pas dans cette famille. L'humain ou même toute autre espèce, n'était pas digne. On pouvait parler de despotisme, de mariage arrangé, de coutume archaïque ou de tradition démodée encrée dans les gênes, il n'en demeurait pas moins que le mariage de ses parents s'était soldé par de l'amour. Un amour aussi irrévocable qu'incommensurable dont elle était le fruit indéniable.
Le moment venu, il incomberait à Charlie de perpétrer la tradition. Elle avait été promise du jour où elle s'était annoncée. Mais ce serait sans compter sur son destin qui pour elle, porterait le nom d'un magicien...
1994
Dès sa naissance, Charlie dut se battre. Elle était née trop tôt. Au commencement même de son existence, il y avait eu de la lutte. Il y avait eu des coups. Elle ne criait pas à la sortie du ventre de sa mère. Elle était si petite, si fragile. L'air ne venait pas à ses poumons en difficulté. La vie l'accueillit par sa brutalité et un coup sec dans son dos pour lui faire cracher son premier cri, avant de la confier aux bras aimants et réconfortants de ses parents. Respirer demeurait néanmoins une épreuve pour elle. Elle n'était pas prête pour le monde encore mais un violent choc émotionnel avait prématuré son arrivée.
Être de sang pur sous entendait avoir du pouvoir décuplé, de la puissance puisque le sang n'avait jamais été mêlé et donc de la renommée. Mais avec ces privilèges venaient des complications : la convoitise et par conséquent, la traque... La seule famille que ne connaîtrait jamais Charlie serait ses parents.
Ils n'avaient pas choisi son prénom innocemment. Charlie ; la force. L'accouchement avait été une épreuve à la hauteur de la difficulté qu'avait eu sa mère à tomber enceinte. Longtemps elle avait été désespérée à l'idée de ne jamais pouvoir enfanter malgré les encouragements réconfortants de son mari qui ne supportait pas de la voir triste à chaque fois que la réponse à leur souhait le plus cher demeurait négative.
Alors lorsqu'elle s'était annoncée, la petite fille était instantanément devenue le centre de leur univers et ce avant même de l'avoir rencontré. A présent qu'elle était avec eux, elle était leur petit miracle. Leur magie à eux dans leur vie qui en était pourtant déjà très concrètement gorgée et elle apaisait la peine des récents évènements dont la plaie ne se refermerait probablement jamais vraiment.
1999
Charlie grandit à l'abris de la vérité sur la disparition de ses grands parents, préservée de l'existence des chasseurs qui pouvaient en avoir après elle. L'Homme était une espèce envieuse et dangereuse malgré sa faible constitution de par sa soif de possessivité. Il voulait l'unique pour lui. L'appât de la singularité était fort pour certains d'entre eux et seul leur intérêt comptait si ça permettait de rapporter de l'argent ou d'agrandir une collection de leur propre cabinet de curiosité. Qu'importe le moyen tant qu'ils arrivaient à leurs fins. Charlie était petite et serait donc aisée à manipuler et à façonner pour les laisser user de ses dons et de sa poussière à leur gré. Elle était une proie de choix pour ceux ayant eu vent de l'existence du monde magique et particulièrement de la rumeur de la sienne...
Mais elle était loin de ce monde aux couleurs noircies. Le sien pour le moment était enjoué et coloré. Elle était choyée et enveloppée dans un cocon de bien être et de protection. Son insouciance et sa joie de vivre étaient touchantes même pour une enfant de son âge tant elles transparaissaient à chaque instant sur son visage de poupée. Plus les jours passait plus la petite fille avait soif de vivre et d'apprendre. Tout l'intéressait, tout l'émerveillait. Ses grands yeux clairs se posaient toujours partout avec une curiosité difficile à contenir pour son petit corps qui tenait rarement en place tant son énergie étant débordante. Elle bouillonnait de vie et était un rafraîchissement constant pour quiconque croisait ses sourires.
Jusqu'à ce funeste jour. Un jour. C'est tout ce qu'il fallu pour renverser son monde de bonheur et lui voler bien trop tôt l'enfance qu'elle commençait pourtant à peine à explorer.
Maman l'emmenait au travail aujourd'hui ! C'était trop bien ! Elle ne l'emmenait jamais ! La maîtresse risquait être fâchée mais ce n'était pas grave ! Elle avait beaucoup trop hâte de découvrir l'endroit où sa mère se rendait chaque jour ! Elle adorait la voir partir le matin pour le travail parce qu'elle était toujours bien habillée, avec de jolies couleurs sur son visage. Aujourd'hui Charlie avait même eu droit à un peu de rose sur ses lèvres pour faire comme maman et ça avait suffit à faire monter d'un pique sa joie. Elle s'était empressée d'aller montrer ça à son père qui avait fait mine de ne pas la reconnaître tant elle était jolie ce qui l'avait fait éclater de son joli rire d'enfant avant qu'il ne la soulève dans ses bras pour l'embrasser. Elle lui avait fait un bisou sur la joue qui lui avait fait une marque et lui avait fait promettre de ne pas la retirer de la journée ! Elle vérifierait ce soir en rentrant qu'il l'avait toujours !
Elle ignorait pourquoi elle avait le droit de ne pas aller à l'école aujourd'hui et bien qu'elle adorait pourtant ça, elle ne posa pas de question, bien trop contente d'aller découvrir de nouvelles choses avec sa maman. Ses parents étaient légèrement tendus ce matin lorsqu'ils s'étaient quittés après une étreinte en se demandant de faire mutuellement attention mais elle n'avait pas comprit pourquoi. Des trucs de grands sans doute...
Elle marchait dans la rue accrochée à la main de sa maman en sautillant gaiement. Les gens se retournaient sur ses rires et la beauté de ses traits à attendrir les cœurs les plus secs. Sa mère semblait aux aguets comme si elle guettait une menace constance, mais elle souriait pourtant à sa fille pour ne pas l'inquiéter. Elle ne devait pas savoir le danger qui planait au dessus d'elle. Jamais. Il n'y avait pas de raison parce que ses parents veillaient sur elle et ne laisseraient rien lui arriver.
Une fois arrivées à la Mairie, Charlie suivit sa maman jusqu'à son bureau en faisant de son mieux pour se retenir de courir partout. C'était si grand et elle voulait tout voir ! Rencontrer tout le monde ! Les gens avaient l'air gentils et tous la complimentaient sur sa robe du jour ou disaient à sa mère à quel point elle était jolie. La main aimante de sa maman caressa sa tête avec fierté puis elle l'entraina vers le premier étage avant de l'installer sur un fauteuil avec de quoi lire.
- Tu restes sage d'accord ? Vous la surveillez pour moi ? demanda-t-elle à la secrétaire.
Elle embrassa sa fille sur la joue, puis partit en promettant qu'elle n'en avait pas pour longtemps. Sa mère sentait bon et Charlie adorait lorsqu'elle l'embrassait de la sorte. Son parfum flottait toujours un peu plus longtemps dans l'air même après qu'elle aie quitté la pièce.
La fillette joignit ses mains sur ses genoux recouverts de sa jupe rose pale, comme un vrai petit ange, ses bouclettes châtain cascadant autour de son visage angélique. En dehors de ses petites jambes qui se balançaient d'avant en arrière, elle ne bougea pas d'un cil.
Du moins... pas avant que sa mère ne disparaisse ! A peine la porte refermée derrière elle, le visage de la petite fille s'illumina et elle sauta à bas de la banquette de velours avant de venir donner une tape sur l'épaule de la secrétaire.
- A toi de compteeeer ! Ze me cache et tu serches !
- Ta maman t'a demandé de ne pas bouger...
- Non elle a dit de rester saze. On peut zouer sazement ! Un sourire espiègle à ses jolies lèvres roses, forte de sa réflexion au pragmatisme qui n'appelait pas à la discussion, elle redonna une tape sur l'épaule de la femme engoncée dans son tailleur trop serré à ses cuisses et renchérit :
- A toi de compter !
- Un ! Deux ! Trois... fit-elle mine de jouer le jeu.
Ravie et une lueur malicieuse dans les yeux, Charlie fila en courant à travers le grand hall afin de trouver la meilleure cachette ! Y'en avait pas d'assez bonne dans le bureau de la dame et de maman ! Il fallait qu'elle soit imaginative et de l'imagination, elle en avait ! Elle voulait gagner ! Son cerveau était déjà en ébullition tant elle analysait toutes les possibilités qui s'offraient à toute vitesse ; sous l'escalier ? Elle fit une moue dubitative, puis repartit dans l'autre sens en courant. Trop facile elle chercherait là en premier ! Derrière la grande plante ? Non elle la verrait tout de suite. Le placard ? Non... il faisait trop noir dedans... Elle n'aimait pas le noir... A la maison elle ne dormait jamais sans sa petite veilleuse que seul son père avait le don de faire briller comme elle l'aimait. C'était... magique. Non elle n'irait pas s'enfermer dans le noir même pour gagner un jeu. Elle trouverait autre chose !
Rieuse, prise par le moment, elle regarda vers l'étage. Il était joli cet endroit ! Le plafond était si haut ! Bien plus que celui de sa maison. Ça raisonnait quand elle courait avec ses petits souliers ! Ça faisait le même bruit que lorsque sa maman marchait dans la rue avec les chaussures hautes qu'elle s'amusait à lui piquer parfois sans parvenir pour autant à pouvoir se déplacer avec tant elles étaient grandes... Elle se voyait même dans le sol ce qui la distraya un instant. Elle fit plusieurs tours sur elle même tout en s'amusant à regarder bouger sa jupe, puis elle repartit de plus bel dans son jeu.
Vite elle gravit les marches qui lui semblaient interminables, puis s'engouffra dans la première pièce qu'elle trouva. Elle du se hisser sur la pointe des pieds pour y arriver mais n'abandonna pas avant que la poignée n'ait cédé pour la laisser entrer ! Elle ne dirait pas à sa mère qu'elle avait du voler un peu pour y arriver. Elle ne voulait pas qu'elle fasse ça normalement...
Ravie de sa cachette, elle resta derrière la grande porte de bois à observer le couloir. La dame ne la trouverait pas ici ! Elle pouffa dans ses petites mains, puis se retourna pour observer l'endroit, mais sursauta au moment où son regard se posa sur un homme debout à son bureau, qui la regardait, impassible.
Oops...
La petite fille cligna des yeux et l'observa sans bouger. Elle déglutit puis se mit à regarder un peu autour d'elle, analysant un peu mieux le monde qui l'entourait.
- Charlie ! La petite fille revint à la réalité et courut sans réfléchir se cacher derrière le Maire, ses petites mains agrippées à la jambe de l'homme qui à côté d'elle paraissait être un géant ! Elle retint un éclat de rire cristallin et se serra contre lui lorsqu'elle entendit les bruits de pas précipités de l'autre côté de la porte. Charlie sortit tête brune de sous le pan du veston du Maire et une fois certaine que la secrétaire était bien partie, quitta sa cachette. Hihi ! Elle ne l'avait pas trouvée !
- Charlie où tu es ?! CHARLIE ! Ah là ce n'était pas la dame qui appelait mais sa mère... Et elle semblait fâchée ! Ou inquiète ? Zut elle aurait sans doute plus le droit de jouer si elle revenait ici. Même "sagement"...
Charlie tira sur la manche de l'homme jusqu'à ce qu'il se baisse et posa un bisou sur sa joue avec une fraîcheur et une spontanéité étonnante, avant de partir en trottinant gaiement en le saluant de sa main frêle :
- 'vouaaar ! La petite fille rejoignit sa mère et resta sous sa surveillance durant le reste de la journée dans son bureau. C'était vachement moins drôle que de jouer à cache-cache mais elle n'avait pas vraiment le choix et trouva une autre façon de s'occuper. Sa mère avait eu beau lui donner des livres et de quoi dessiner, elle ce qu'elle voulait faire c'était jouer avec sa magie ! Alors assise parterre, elle s'amusait à transformer les feuilles d'une plante en personnage qui dansait et à faire des plumes de quelques feuilles mortes.
- Charlie maman t'a déjà dit de ne pas faire ça. A la maison uniquement.
- Pa'don...Elle s'excusa penaude et soupira. Ça la dépassait toujours. Sa magie faisait partie intégrante d'elle alors elle ne comprenait pas pourquoi elle ne pouvait pas l'utiliser comme elle le voulait... C'était très dur pour elle qui avait cette créativité et cette imagination à fleur de peau en permanence et ses parents avaient du mal à lui apprendre à canaliser ses pouvoirs et surtout à les cacher aux humains car Charlie avait tendance à totalement embrasser sa magie et à en faire sa nature première quand pourtant elle devait rester secrète.
Quand les petites filles de son âge apprenaient à parler on lui avait appris à cacher ses ailes aux yeux des humains. Quand on les encourageaient à dessiner et s'exprimer, on lui avait appris à se cacher et à se réserver. Elle devait pas montrer ce dont elle était capable. Jamais. C'était un secret.
De retour à l'appartement ce soir là, Charlie déploya ses ailes et s'amusa à en regarder les reflets colorés sur le parquets avant de se laisser aller à ses envies. Elle voleta par-ci par-là et fit prendre vie à quelques images qu'elle avait dans la tête en utilisant des fils de laine et des bouts de papier. Elle transforma le contenant d'un verre d'eau en paillettes colorées et s'en mit partout en singeant des explosions pour les faire retomber en pluie au dessus d'elle. Elle était perdue au milieu de ses rires lorsqu'on frappa à la porte. Sa mère lui demanda instantanément de cacher ses ailes ce qu'elle fit sans se faire prier.
Derrière la porte se tenait le Maire et le chef de la police. Charlie ne comprit pas bien ce qui était en train de se passer mais elle vit sa mère chanceler et s'écrouler au sol avant de se mettre à hurler. Inquiète, elle s'approcha d'elle et l'appela de sa petite voix frêle avant de se retrouver étouffer dans son étreinte. Happée par la détresse de sa mère et bien qu'elle n'avait aucune idée encore de ce qui était en train de se passer, elle se mit à pleurer également.
Son père ne rentrerait pas ce soir. Il ne rentrerait plus jamais. La version officielle était qu'une arrestation avait mal tournée mais sa mère elle savait la vérité et bien que plus héroïque à ses yeux, elle était bien plus amère. On n'avait pas réussi à lui prendre sa fille, mais l'amour de sa vie en avait payé le prix...
Les choses demeurèrent relativement normales pour Charlie jusqu'à l'incinération de son père. Sa mère se raccrocha à elle et s'en occupa plus que de raison pour ne pas devenir folle mais il fallu un peu de temps et beaucoup d'explications pour que la petite comprenne qu'elle ne reverrai jamais son papa. L'idée lui échappait totalement tant ça lui paraissait irréel. Il était parti d'accord, mais il allait bien finir par revenir même si c'était long non ? Il revenait toujours. Ce ne serait pourtant pas le cas cette fois et lorsque la réalité de la chose s'encra enfin en elle, elle la chamboula et la dérouta totalement. Elle dormit avec sa mère qui la réconforta de son mieux.
C'est après que tout se gâta. Lorsque l'urne contenant ses cendres leur fut rendue et que sa mère redécora l'appartement avec tout un tas de photo de son mari disparu. Elle se perdit en elle peu à peu. Elle s'enlisa dans sa mélancolie et son chagrin, se mettant à parler aux photos de l'homme qu'elle avait aimé, qu'elle aimait, oubliant sa fille.
Charlie de son côté exprima sa détresse de façon beaucoup plus criante mais en voyant sa mère s'effacer de plus en plus, elle prit sur elle pour dominer ses sanglots qui la faisaient suffoquer à chaque seconde de la journée et essaya d'attirer l'attention de sa mère, en vain. Elle avait beau l'appeler, lui poser des questions, sa maman ne réagissait pas ou très peu. De très loin... Sa mère vivait désormais telle une espèce d'automate ce qui commençait à angoisser l'enfant qu'elle était. Elle était dans un espèce de brouillard à se demander pourquoi est-ce que sa mère ne lui parlait plus. Ne la prenait plus dans ses bras... Avait-elle fait quelque chose de mal...? Elle faisait attention de ne pas utiliser sa magie pour ne pas la contrarier. Elle se rendit à l'école toute seule pour ne pas la déranger et la laisser avec son papa à la maison.
Plus les jours passaient et plus Charlie fut forcer du haut de ses 5 ans, à prendre le rôle de mère à la place de la sienne. Elle d'essayer de s'occuper d'elle et de chasser son chagrin. Elle fit de son mieux pour essayer de la faire sourire et réagir. Elle commença à s'éteindre car elle dut grandir trop vite trop d'un coup... Plusieurs semaines passèrent durant lesquelles Charlie s'évertua à reproduire les gestes du quotidiens que ses parents avaient eu pour elle, sur sa maman. Elle l'aidait à s'habiller le matin, lui donnait son petit déjeuner dans la mesure où elle réussissait à attraper ce qui se trouvait dans les placards, elle allait à l'école après un baiser puis revenait le soir après avoir caché à manger de la cantine dans son cartable pour le ramener à la maison. Elle essayait de discuter avec sa mère qui lui restait toujours inaccessible puis elle l'aidait à faire sa toilette, à manger à nouveau avant de la mettre au lit. Elle la bordait et l'embrassait encore...
Mais tout ça ne pouvait pas durer éternellement. Elle était bien trop petite et ne pouvait pas tenir une maison pas plus que prendre soin seule de sa mère malgré toute sa bonne volonté. La voisine de pallier, une vieille dame sans famille et à la douceur incroyable finit par remarquer l'étrangeté du manège quotidien de Charlie et finit par aller toquer à sa porte.
Elle n'avait pas eu idée de la gravité de la situation et aussi choquée qu'attendrie d'avoir découvert que la petite était livrée à elle-même depuis tout ce temps, la prit immédiatement sous son aile et l'allégea du poids qu'étaient devenus les soins de sa mère. Elle s'occupa d'elles de son mieux, passant tous les jours pour palier à leur moindre besoin et éleva Charlie comme si elle avait été sa propre petite fille, lui offrant ainsi l'opportunité de pouvoir continuer à grandir relativement normalement et s'épanouir.
2006
La vieille femme du nom de Ella, avait fait en sorte que Charlie ne soit pas séparée de sa mère étant donné son état qui la rendait totalement inapte à s'occuper de sa fille. Elle avait remplit les papiers nécessaires à ne pas éveiller les soupçons et aidé financièrement pour qu'elles puissent garder l'appartement et que Charlie ne soit pas confiée aux services sociaux.
Grâce à Ella, Charlie avait pu garder une famille. Du moins le peu qu'il lui restait après le décès de son père. Et elle avait gagné la grand mère qu'elle n'avait jamais eu. Une grand mère qui lui avait permis de panser ses plaies et d'avoir quelqu'un sur qui compter et se reposer. Qui l'avait aidé à avancer à travers son enfance et à entrer dans l'adolescence malgré la difficulté de son quotidien dont personne ne mesurait le poids, à part elle.
Car elle avait beau faire de son mieux pour en soulager Charlie, l'adolescente vivait malgré tout difficilement le fait d'être presque invisible aux yeux de sa mère, ses moments de lucidité demeurant rares... Charlie savait que ce n'était pas de sa faute, qu'elle souffrait et ne s'était jamais remise de la perte de l'homme qu'elle aimait, mais bien qu'elle ne s'en plaignait jamais ça lui pesait énormément.
Ella faisait en sorte de rendre le tout plus facile et de répondre du mieux qu'elle pouvait aux questions existentielle que Charlie pouvait se poser sur la vie en grandissant et pour toutes ces raisons, l'adolescente l'aimait profondément. Elles étaient devenues extrêmement proches, bien que la fée qui s'ignorait gardait pour elle le sujet le plus sensible et sur lequel elle aurait eu pourtant le plus besoin d'aide ; celui de sa magie...
Malgré ses efforts et sa présence, malgré sa persévérance à l'en préserver, Charlie s'était pourtant fermée rapidement. Enfant elle avait gardé sa fraîcheur un temps mais son insouciance elle, avait disparu du jour où son papa était parti. Elle était devenue soucieuse. Bien trop pour son âge et ça avait pincé le cœur de Ella qui l'avait vu changer au fil des jours. Elle aurait tant aimé que Charlie garde cette joie de vivre et cette spontanéité qui la caractérisait tant... Il n'y avait pas un jour où elle ne l'entendait pas rire depuis son appartement avant que tout ne bascule. A présent ses éclats de rires étaient de plus en plus rares et ils lui manquaient.
Après le décès de son père, à l'école Charlie avait commencé à rester en retrait des autres. A ne plus vouloir jouer quand elle était pourtant celle qui sollicitait le plus ses camarades avant. Elle pensait constamment à sa maman et à sa hâte d'aller la retrouver chaque soir... Elle lui faisait des dessins la journée en espérant que ça lui ferait plaisir, qu'ils la feraient réagir et dès que la cloche sonnait, elle se précipitait jusqu'à elle son cœur lourd d'espoir pour le voir être brisé presque à chaque fois...
Mais ce ne fut jamais aussi violent pour elle que ces deux fois où elle poussa la porte de chez elle pour trouver sa mère inerte au sol, inconsciente. La première, il y avait des boites de pilules vides autour d'elle et une photo de son père posée sur son cœur. Du haut de ses 6 ans Charlie avait essayé de la réveiller. Elle l'avait appelé, secoué, supplié, en vain et s'était mise à pleurer avant de hurler le prénom de Ella qui était arrivée en courant. Les secours étaient arrivés à temps pour la prendre en charge et la sauver et Charlie en était ressortie vivement traumatisée. La seconde fois, elle avait 11 ans et était rentrée de façon imprévue à sa pause déjeuner du midi parce qu’elle avait oublié un de ses livres à la maison. L'horreur s'était répétée, bien plus sanguinolente. Elle la hantait encore parfois la nuit, cette image de sa mère baignant dans son sang qui contrastait violemment avec la blancheur de la faïence de la baignoire. Ella n'était pas là et Charlie avait appelé les secours mais ils mettaient bien trop de temps à arriver. Elle n'avait écouté que son instinct... Elle avait sorti le corps de sa mère de l'eau, l'avait étendu et sans trop savoir pourquoi ses tripes lui hurlaient de faire ça, elle avait déployé ses ailes et collecté leur poussière pour la poser sur les plaies qui lentement sous ses yeux ébahis et larmoyants, s'étaient refermées...
2009
Assise seule sous l'énorme chêne centenaire de la cour du collège, Charlie griffonnait dans son carnet à dessins déjà plein à craquer en faisant attention à ne pas en perdre une seule. Elle aurait pu en laisser chez elle mais elle en était incapable. Elle avait besoin de les avoir avec elle. Ses esquisses étaient ses pensées. Ses émotions. Ses sentiments. Elles faisaient partie d'elle et l'adolescente ne se sentait pas bien si elle n'avait pas l'option de pouvoir les regarder si l'envie lui prenait. Ne pas avoir son carnet avec elle c'était comme être incomplète. Il avait été et était toujours son échappatoire. Son confident. Elle passait chaque instant où elle n'était pas en cours avec lui, sa musique raisonnant dans ses oreilles alors que son crayon courait sur le papier au gré de son humeur, la pulpe de ses doigts sublimant habilement quelques traits par ci par là.
Les autres jeunes étaient tous assis en groupes à des tables ou sur des murets. Elle sentait leurs regards curieux ou parfois même médisants sur elle, mais elle ne leur prêtait pas attention. Elle était habituée à être seule et en quelques sorte aussi à être considérée un peu comme une bête de foire du bahut. Les autres adolescents ne la comprenaient pas. Elle était jolie. Loin d'être bête étant donné ses notes. Elle adorait l'école. Elle avait l'esprit vif et malgré son visage constamment fermé, Charlie avait gardé sa soif d'apprendre et sa curiosité sans borde bien qu'elle la masquait sous des traits impassibles. Elle était une véritable éponge absorbant les connaissances qu'on lui donnait. Les filles la jalousaient pour la beauté de ses traits, les garçons se la disputaient, elle avait tout pour plaire et être populaire et pourtant, elle s'évertuait à rester à distance de tout et de tout le monde.
Les tentatives de suicides de sa mère ne l'avaient pas aidé à s'ouvrir aux autres. Bien au contraire, elle l'avaient forcé à se blinder afin de pouvoir porter au mieux le quotidien qu'il lui incombait de supporter. La jeune fille s'était mise à prendre plus à cœur encore d'être là pour elle. Elle ne trainait jamais après les cours. Elle refusait les invitations de ses camarades à venir passer du temps avec eux. Elle déclinait les propositions de soirées et ne venait jamais aux évènements organisés par l'école.
Ses camarades la trouvaient bizarre. Et ils avaient raison. Charlie se sentait bizarre. A part...
Elle avait grandi trop vite. Beaucoup trop vite. Charlie était loin d'avoir l'adolescence des autres filles de sa classe. Elle avait dans ses yeux le poids de toute une vie quand elle était pourtant à l'aube de la sienne. Elle avait l'impression d'être à des années lumières des autres enfants de son âge. Elle n'avait absolument pas les mêmes problèmes ou inquiétudes qu'eux... Pas la même insouciance... La jeune fille était douloureusement consciente des fatalités que chaque jour pouvait apporter. Plus tout à fait une enfant, pas encore une femme, tout ça était compliqué à gérer pour elle. Mais elle était forte et elle tenait bon. Le dessin et la musique l'y aidaient. Ils la portaient et la berçaient de leur quiétude et leur réconfort.
Mais parce qu'elle leur était une énigme de par son attitude fermée qu'on pouvait confondre avec de la supériorité, les autres élèves n'étaient pas tendres avec elle et la malmenaient. Il n'était pas rare qu'elle soit bousculée dans les couloirs ou sente un projectile percuter son dos. Pas rare que quelques paroles acerbes lui parviennent aux oreilles. Mais elle s'en moquait. Elle se centrait sur sa vie et ne leur parlait pas, pas plus qu'elle ne les regardait. Elle avait bien plus important à gérer que leurs gamineries. Ils étaient puérils. Elle se moquait bien de ce qu'ils pensaient d'elle. De toute façon ils ne l'intéressaient pas ces idiots immatures qui n'avaient pour ambition que de perdre leur pucelage avant le lycée pour les garçons ou de sortir avec le mec le plus beau avec une histoire à l'eau de rose pour les filles ! Charlie n'avait pas le temps pour ça. Qu'ils crachent leur venin si ça les amusait.
Mais la vérité était surtout qu'elle ne recherchait la compagnie de personne parce qu'elle se sentait seule et incomprise bien qu'elle ne le dirait jamais à voix haute. N'ayant pas pu être élevée en sachant la vérité sur les autres espèces, sur ce qu'elle était, Charlie était perdue. Bien qu'elle fasse totalement partie d'elle, elle avait peur de sa magie que personne ne lui expliquait et sur laquelle elle ne pouvait évidemment pas se confier. Elle ne savait pas ce qu'elle était. Pourquoi elle était ainsi. Aussi différente...
Enfant, cacher ses pouvoirs l'amusait - bien que ça la frustrait tant elle aimait s'en servir-, car ses parents lui disaient qu'elle ne devait rien montrer parce qu'elle était unique. Spéciale. Douée de dons fabuleux que personne ne devait voir. Mais aujourd'hui, ado, au moment où elle se cherchait et avançait de plus en plus vers l'âge adulte, elle se disait qu'on lui avait dit ça pour épargner son âme de petite fille et qu'en réalité, elle était une honte. Une anomalie. Une chose inavouable qui pourrait effrayer. C'était ça la vraie raison pour laquelle on lui avait demandé de dissimuler ses ailes et canaliser sa magie lorsqu'elle était petite...
- Wyatt ! Charlie jusque là imperturbable releva son regard sous ses longs cils et chercha celui à qui appartenait ce prénom, le sien voilé par ses cheveux bruns. Il se retourna pour accueillir son ami et elle déglutit secouant la tête et s'efforçant de continuer son dessin.
Ca ne dura qu'une seconde... Elle releva son visage l'observa, attirée comme si il avait été son double aimant. Il souriait. Wyatt souriant tout le temps. Il parlait beaucoup aussi. Beaucoup trop. Mais il était drôle. Il était toujours celui cherchant à amuser la galerie en toutes circonstances et un des seuls à lui sourire plutôt que la mépriser ou la charrier avec lourdeur. Il était un peu comme une bouffée d'air après une trop longue apnée chaque fois qu'elle le voyait. Il avait tant d'énergie et de bonne humeur en lui que c'était comme si il compensait pour elle. Respirait pour elle. D'une certaine façon.
Rah c'était con comme réflexion !!
~ DRING ~ sonna la reprise des cours.
Charlie tressauta et se détourna lorsque les yeux bleus de Wyatt croisèrent les siens. Il aurait été facile de tomber amoureuse de lui. Aussi naturel que de tomber tout court. S'interdire de s'éprendre de lui était le contraire d'une chute ; c'était escalader une falaise abrupte à la seule force des mains dans un effort aussi éreintant que si elle n'avait pas eu ses ailes pour s'y aider...
Prise de court par ses pensées et le battement soudain plus fort de son cœur, elle referma son carnet avec plus de force que nécessaire et le fourra dans son sac avant de le balancer sur son épaule et filer en classe.
Fallait qu'elle arrête de le regarder. Il y avait des rumeurs sur lui aussi. On disait qu'il avait une famille étrange. Non pas qu'elle était encline à les écouter, mais elle n'avait pas envie pour autant de les vérifier. Elle avait déjà largement de quoi faire avec ses propres problèmes. Elle resterait à distance de lui comme de tous les autres.
Ce soir là à la sortie des cours, Wyatt chahutait. Comme d'habitude... Dans son jeu il trébucha sur son lacet défait et le cassa net avant de filer avec sa légèreté naturelle sans se soucier que sa chaussure tienne ou non à son pied.
Avec un faux désintérêt dont elle essaya de se tromper, Charlie s'en approcha et le ramassa. Elle voulait se persuader qu'elle le prenait par pur soucis de praticité, parce que c'était exactement ce qu'il lui fallait pour maintenir le contenu de son carnet à dessins qu'elle tenait contre sa poitrine en place, mais un petit sourire tendre étira ses lèvres.
Elle aimait bien se dire que cet objet appartenant à Wyatt gardait désormais le secret de tout ce qu'elle était.
Arrivée chez elle, Charlie répéta ce qu'elle faisait chaque jour. Elle alla s'assurer que sa mère allait bien, qu'elle n'avait besoin de rien bien qu'elle reçut à peine un mot d'elle, puis elle alla faire ses devoirs dans sa chambre avant de décider d'aller faire un coup de ménage chez Ella.
La vieille femme les aidait tellement elle et sa mère que Charlie faisait de son mieux pour alléger son quotidien à elle aussi. Comme elle était âgée, l'adolescente prenait sur elle de lui épargner tout effort physique trop important. Elle se chargeait donc des taches ménagères et de lui ramener ses courses afin que sa grand mère d'adoption n'ait pas à monter tous les étages les bras chargés. Elle l'aida ensuite à préparer le dîner, puis une fois le repas terminé et la vaisselle faite, elles discutèrent de l'avenir et de ce que Charlie comptait faire plus tard, à savoir de la direction artistique. Ella savait l'adolescente passionnée, créative et débordante d'imagination elle avait confiance en son succès. Elles échangèrent une étreinte, puis Ella rentra chez elle et Charlie alla retrouver son lit, sombrant dans un sommeil sans rêve.
Ce fut pourtant un cauchemar qui la réveilla. Une large main s'écrasa sur sa bouche la faisant ouvrir des yeux paniqué. Elle repoussa de toutes ses forces par reflex le poids qui s'abattit sur elle et lutta à s'en briser les os mais l'homme ne la lâchait pas, la détaillant et lui ordonnant de les sortir. Sortir quoi ?! Il était qui ? Il voulait quoi ? Les larmes lui montèrent aux yeux alors que la peur lui nouait le ventre et elle hurla mais son cri mourut dans la paume du chasseur qui la secouait avec une brutalité telle qu'il lui donnait l'impression que ses doigts rentraient dans sa peau. Charlie gesticula comme une anguille alors qu'il lui redemandait de les sortir. De sortir ses ailes ! Elle se tétanisa. Comment il savait ?! Elle réussi à se dégager grâce à un coup de genou bien placé et cria à nouveau mais la seconde d'après son agresseur était déjà sur elle au sol. Charlie se cogna la tête mais elle ne cessa pas de se battre pour autant. Elle était terrorisée et ne comprenait rien à ce qui était en train de se passer. Elle était encore jeune malgré sa maturité gagnée par la force des choses et finit par obéir si ça voulait dire qu'il la laisserait tranquille. Elle révéla ses ailes et leur beauté prit de court le chasseur qui se perdit à leur contemplation tandis qu'il volait l'air de ses poumons. Charlie tâtonna nerveusement le plancher et parvint à attraper un crayon qu'elle transforma de sa magie en objet affuté, puis frappa l'homme au niveau des reins, qui s'affala sur elle en jurant. A moitié débraillée et son visage ravagé par ses pleurs, l'adolescente recula jusqu'à ce que le mur la bloque et le regarda saigner tout en l'insultant, l'arme toujours étroitement serrée dans sa main tremblante prête à se défendre. Lorsqu'il tendit à nouveau sa poigne vers elle, elle frappa encore et il s'écroula, inconscient alors qu'au loin raisonnaient la sirène d'une voiture de police.
La seconde suivante, son portable à la main, Ella pénétrait dans la chambre alertée par les hurlements de Charlie et la trouvait recroquevillée sur elle-même dans un coin de la pièce, la silhouette de l'homme étendue à ses pieds. Elle allait se précipiter vers l'adolescente pour la prendre dans ses bras et la réconforter mais elle s'arrêta net lorsqu'elle fut près d'elle. Charlie se demanda ce qui se passait. Elle était en tel état de choc qu'elle n'avait pas fait attention au fait qu'elle n'avait pas dématérialisé ses ailes dont les reflets pétroles dansaient le long de son dos griffé.
Ella écarquilla les yeux et recula. Charlie se leva pour aller vers elle, essayer de la rassurer, de plaider sa cause ou n'importe quoi d'autre qui serait nécessaire mais avant qu'elle ait eu le temps de dire quoique ce soit, la vieille femme s'écroula entre ses bras qui la rattrapèrent avant qu'elle ne heurte le sol et son cœur lâcha.
Celui de Charlie avec... Elle essaya de soigner Ella, de la ramener comme elle l'avait fait à ses 12 ans avec sa maman mais il était trop tard. Elle avait beau la supplier et la couvrir de toute la poussière de fée qu'elle pouvait, le pouls de sa grand mère demeura irrévocablement silencieux...
2011
La mort de Ella changea tout pour Charlie. Elle eu la sensation de se retrouver Orpheline une seconde fois. Elle dut apprendre à se débrouiller seule. Elle fit de son mieux pour gérer sur tous les fronts, mais elle du bien finir par accepter le fait qu'elle ne le pouvait pas. Les factures s'empilaient. Sa mère était dans l'incapacité de travailler et un neveu était miraculeusement réapparu au décès de Ella pour réclamer son héritage et priver Charlie des dernières volonté de sa grand mère adoptive de la mettre à l'abris du besoin...
Charlie apprit donc à utiliser son pouvoir différemment. Elle apprit à se couvrir et à servir ses intérêts, notamment pour voler dans les magasins afin d'avoir de quoi manger et se vêtir autant pour elle que pour sa mère. Mais malheureusement pour subvenir à leurs besoins, ce n'était pas suffisant...
Elle se résigna donc à quitter le lycée avant son diplôme, ce qui la blessa plus qu'elle ne le dirait jamais... Elle tenta de se consoler en se disant qu'elle ne manquerait pas à grand monde de toute façon... Le décès de Ella l'avait rendue encore moins avenante qu'avant avec les autres, si c'était possible. Elle était même devenue dure. Presque agressive. Pas par méchanceté, mais parce qu'elle devait se protéger et que le traumatisme de ce qu'elle avait vécu cette nuit là s'enserrait autour d'elle tel un serpent au poison amer qui ne la lâchait pas et la brûlait constamment. Elle était telle du cristal dans un monde de verre. Une éraflure de plus et elle se brisait. Elle ne voulait pas se briser. Elle ne le pouvait pas. Alors pour l'éviter, elle portait les coups la première. Juste au cas où.
Elle dit adieu à son rêve de direction artistique et alla quémander du travail à qui voulait bien lui en donner. Elle fit plusieurs petits boulots avant d'en trouver un permanent au Dragon Hôtel en tant que femme de chambre. Elle détestait ça, mais au moins ça lui permettait de garder l'appartement et s'occuper convenablement de sa mère...
2017
Le cinéma. C'était Ella qui l'y avait emmené pour la première fois et elle s'était prise de passion lui. Elle adorait ça. Le septième art lui permettait de s'échapper de la rudesse de son quotidien. Charlie adorait sa mère mais elle la portait à bout de bras et elle avait besoin de ces instants à elle où elle pouvait s'évader et tout oublier le temps d'un film qui la transportait dans un autre univers. Parfois elle s'amusait à s'imaginer à la place de l'héroïne et à vivre ses aventures à sa place.
A l'âge où elle aurait du vivre pleinement et s'épanouir, rêver d'amour et à toutes ces choses qui obsédaient une jeune femme de 20 ans, Charlie trimait et souffrait de l'indifférence de la personne qu'elle aimait pourtant le plus au monde qui ne la regardait pourtant quasiment plus de puis15 ans...
Ce jour là, elle était allée voir une rediffusion de Légende. Un classique du cinéma mais surtout... un film avec des fées. C'était sans doute stupide et elle en avait conscience mais elle avait voulu rentrer dans la salle juste pour ça ! Voir des fées ! Voir quelqu'un comme elle ! Quelqu'un qui lui ressemblait. Ses ailes étaient plus belles et elle était mieux coiffée que le personnage du film, mais elle ne pouvait s'empêcher de ressentir une certaine euphorie lorsqu'elle la regardait évoluer sur l'écran.
Limitant ses dépenses à l'essentiel, Charlie s'était incrustée toute la semaine, venant chaque soir pour la séance la plus tardive, se faufilant dans la chambre de projection afin d'éviter tout contrôle de ticket. Elle en était à son sixième visionnage mais éreintée par cette journée plus pesante que les autres puisqu'elle symbolisait l'anniversaire de la mort de Ella, Charlie s'était endormie pour être réveillée par un visage étrangement familier : Wyatt.
Elle s'était enfuie en le bousculant et n'était pas revenue pendant plusieurs jours. Mais elle ne pouvait pas rester bien longtemps loin du cinéma et était revenue. Elle était encore une fois rentrée à l'insu de la sécurité bien sûr sauf que cette fois elle se fit prendre. Elle allait être mise dehors ou pire, mais une main avant brandi un billet en lui disant qu'elle avait laissé tombé "ça". Charlie avait cligné des yeux perplexe pour découvrir Wyatt à ses côtés. Machinalement, elle avait prit le bout de carton coloré et le vigil lui avant lâché la grappe. Elle était restée face à son crush d'adolescente seule avec ses battements de cœurs et sa place de ciné entre ses doigts.
Il était une fois s'était écrit entre eux à ce moment là...
Bien que sur la réserve au début, Charlie revint pourtant de plus en plus, jusqu'à finir par venir passer chaque moment de son temps libre au cinéma avec Wyatt. A mesure du temps il parvint à faire tomber ses barrières et une vraie complicité naquit entre eux. Son loisir préféré était devenu celui de s'asseoir avec lui au fond des salles pour jeter du pop corn sur les spectateurs qui râlaient. Elle s'attacha à lui... Il découvrit sans mal qu'elle était une fée. Il l'avait deviné très aisément et alors qu'elle avait cru le perdre à cause de l'abomination qu'elle pensait être, il était resté et lui avait expliqué qu'elle n'était pas seule. Les étincelles de son amour d'adolescente avait craquelé pour laisser jaillir sa flamme incandescente.
Il n'y avait plus que lui. Elle ne vivait plus que pour ces instants avec lui, s'y raccrochant comme si il avait été sa terre sèche au cœur d'un océan déchaîné.
Il était toujours le même qu'autrefois. Souriant, drôle, avenant, prévenant. Près de lui elle avait l'impression d'être importante. D'avoir une place quelque part dans ce monde. D'être voulue. Elle l'aimait de tout son être pour tout ce qu'il lui faisait ressentir et redécouvrir à ses côtés. Pourtant elle ne lui dit rien de ses sentiments. Elle avait bien trop peur qu'il la rejette et l'abandonne. Elle se contenta de l'aimer en silence mais tout devenait de plus en plus difficile à vivre pour elle à mesure que le temps passer car elle ne supportait pas de le voir entouré d'autres personnes qu'elle... La jalousie la rendait malade. Ely et Soren par exemple étaient toujours avec lui et ça, c'était insupportable. Wyatt était à elle et elle savait désormais que sa fratrie n'était pas de son sang alors elle ne pouvait s'empêcher de penser que l'un d'eux pourrait vouloir le lui voler ! Hors ils avaient pas le droit ! Ce serait injuste, parce que personne au monde ne l'aimait plus qu'elle ! Personne ne le pourrait jamais !
2020
La sœur de Wyatt venait de mourir par sa faute disait-il... Et ce fut vers elle qu'il vint chercher du réconfort. Il s'éloigna des siens, de sa famille, pour venir trouver refuge entre ses bras à elle. Charlie fut là pour lui. Jour et nuit si il en avait besoin. Elle respira pour lui comme il l'avait fait pour elle sans le savoir des années plus tôt.
Il était si mal. Elle avait horreur de le voir autant en souffrance... Elle était assez forte pour porter ses douleurs, mais pas celle de Wyatt... Elle lui proposa une solution. Une solution pour l'apaiser. Pour lui faire oublier ce qui le torturait tant. Elle lui donna sa poussière pour le consoler et lui créa un monde d'illusions... Un monde où elle espérait le garder loin des siens et près d'elle pour qu'il ne la quitte jamais et surtout pour provoquer son amour comme elle ressentait le sien.
Charlie était persuadée qu'il n'y avait qu'ainsi, qu'avec l'aide de la magie que Wyatt pourrait éprouver de telles émotions pour elle... Elle ferait tout pour l'y amener. Elle ne ferait rien de mal après tout elle était sincère quant à son amour pour lui. Elle l'aimait vraiment... Elle voulait juste être sûre qu'il ne partirait jamais et reste toujours avec elle.
Parce que l'aimer c'était comme avoir des ailes. Si il l'abandonnait, elle ne pourrait que tomber du ciel...