C’était officiellement l’hiver. Il était là, ce mois de décembre, qui annonçait Noël en famille – tu n’avais pas encore décidé si tu resterais chez toi ou si tu comptais retourner chez tes parents. Et elle était là, la saison où le sport allait surtout se passer en intérieur, histoire de ne pas perdre un orteil ou deux dans le jogging matinal. En somme, ce n’était pas spécialement la saison que tu aimais le plus au monde, non. Oh, tu aimais la neige, les paysages froids, c’était beau. Mais tu les préférais bien plus sur les cartes postales que dans la vraie vie. Ou dans ces magnifiques téléfilms que tu regardais avec tes amis les plus proches, ces mêmes téléfilms qui te racontaient de magnifiques histoires d’amour, comme celles dont tu rêvais.
Tu n’étais clairement pas là, totalement ailleurs, l’esprit qui naviguait à droite et à gauche, s’arrêtant parfois sur un autre rêve nommé Sammy, ou bien sur le souvenir de soirées agréables avec ton amie, Anna, nouvelle découverte de cette année mais pourtant un grand chamboulement dans ta vie. Sans parler de cette rencontre à venir avec ta marraine, celle qui était apparemment responsable de ton premier prénom, celui qui n’était clairement pas affiché sur la petite étiquette collée à ton pull.
Tu étais donc là, au standard de l’association, qui restait ouverte en période de fête, étant donné que des personnes isolées pouvaient avoir besoin de vous à n’importe quel moment. C’était tout de même assez calme. Tu ne faisais que rêvasser en regardant dehors, voyant la petite bruine s’écouler sans vraiment faire attention. Tu réfléchissais, à des pensées assez fugaces pour que quand tu reprennes connaissance en entendant quelqu’un appeler, tu oublias totalement à quoi tu pensais.
Tu avais en face de toi une personne aveugle, qui venait certainement pour la première fois, ou alors était-ce une personne venue quand tu n’étais pas là. En tout cas, il avait l’air totalement perdu et tu te levas alors de ton comptoir, le saluant d’un bonjour aussi réjoui que tu le pouvais, après tout, ça tu étais douée. « Oh ! Vous avez besoin d’un nouveau chien d’aveugle ? » Mais tu n’étais pas non plus celle qui avait inventé l’eau chaude. Tu ne comprenais pas vraiment le souci, dans l’immédiat, à vrai dire, tu avais l’impression qu’il avait une réclamation par rapport à son chien. Est-ce qu’il était mal dressé ?
Tu avais délicatement attrapé la main de l’homme qui te faisait face, prévenant : « Je vais vous prendre la main, pour vous diriger vers le comptoir… On sera plus à l’aise comme ça. » Tu l’avais donc mené jusqu’au comptoir, posant sa main sur le bois, et tu avais filé juste en face de lui, assez rapidement pour qu’il n’aie pas à attendre trop longtemps. Puis tu avais expliqué : « Alors, moi je peux vous aider à remplir le formulaire pour demander un chien d’aveugle mais… On pourrait peut-être discuter pour savoir quel est le souci ? » Tu posas tes coudes sur le comptoir, portant toute ton attention sur la personne face à toi, espérant que tu arriveras à régler son problème… Il devait être assez grave pour qu’il se déplace jusqu’ici sans avoir téléphoné ou envoyé un mail pour savoir ce qu’on pouvait faire.
Invité
Mer 2 Jan - 23:56
Invité
Dim 13 Jan - 5:15
Quand tu avais demandé s’il avait besoin d’un nouveau chien d’aveugle, tu avais bien remarqué qu’il en avait déjà un. Mais il pouvait être malade, ou pour une raison ou une autre, peut-être qu’il n’allait pas. Du coup, tu avais probablement mis les bœufs avant la charrue… Ou l’inverse ? Peu important, tu étais allée trop vite en proposant le formulaire. Après tout, tu n’avais pas pensé qu’il pourrait y avoir un problème, comme celui qu’il allait t’expliquer.
Quand il t’annonça qu’il ne pouvait pas le garder, tu avais fait un bruit surpris, comme un de ces « gasp » de telenovela. Surtout qu’il parlait de revenir le chercher. Le pauvre, il avait l’air tout triste en te disant tout ça ! Main devant la bouche, tu l’avais laissé parler, abandonnant toute idée de remplir un formulaire. D’ailleurs, tu avais lâché le stylo qui avait roulé par terre – il faudra que tu penses à le ramasser, car sinon quelqu’un se fera mal en marchant dessus.
Pourtant, tu n’avais jamais entendu une histoire comme ça, de chien qui ne pouvait pas rentrer à l’intérieur, et qu’on déposait quelque part pour le temps de l’hiver. Surtout qu’un aveugle avait forcément besoin de son chien… Et que de ce que tu savais, une relation fusionnelle se créait entre le chien et son protégé – parce qu’on ne parlait même plus de maître-chien. « Mais… Pourquoi il ne pourrait pas rentrer à l’intérieur ? » Tu ne comprenais vraiment pas, à vrai dire. Mais là ce que tu comprenais c’était que le jeune homme face à toi, il était triste. Et tu ne voulais pas voir de tristesse chez les personnes face à toi, ça te brisait vraiment ton cœur peut-être trop fragile pour la réalité du monde.
Tu repris la main de Rod, la serrant dans la tienne en soutien, sans savoir l’effet que ça pouvait avoir sur lui. Tu n’y voyais qu’un moyen de lui accorder du soutien, pour montrer que tu étais là et que tu allais le guider. « Ne soyez pas triste… Je suis là, on va bien trouver quoi faire. » Tu fis un geste de tête déterminé, au moins autant que ta voix, même s’il ne pouvait pas le voir. Après tout, si tu étais bénévole dans cette association, c’était bien par conviction et tu aurais été capable de donner ta chemise si ça permettait d’aider quelqu’un.
Une fois que tu eus transmis toutes les bonnes ondes dont tu étais capable, tu demandas des précisions : « Maintenant, on va reprendre du début. Quel est le souci ?... Votre immeuble n’accepte pas les chiens ? Ce genre de choses ? » Après tout, tu ne voyais rien d’autre de possible. Et si tu n’étais pas sûre de pouvoir apporter une solution avec l’association, tu pouvais bien offrir tes neurones pour le bien de cet homme et de ce chien. Que ça soit en tirant quelques ficelles ou en donnant de ta personne d’ailleurs… Parce que tu ne pouvais pas t’imaginer accepter de séparer un aveugle de son chien.
Invité
Lun 4 Fév - 20:16
Invité
Ven 1 Mar - 13:57
A son histoire, tu avais eu un petit hoquet d’horreur, menant ta main à ton cœur. Ta compassion était tout simplement à son maximum. Tu n’avais pas pris le temps d’être vexée par le fait qu’il aie retiré sa main de la tienne, tu savais que tu avais tendance à être trop tactile et que ce n’était pas le cas de tout le monde. Par contre, sans trop savoir pourquoi, tu voyais désormais cette mère comme étant la pire des personnes du monde, ne pouvant pas comprendre qu’on ne laisse pas rentrer un animal. C’était une chose de faire que son chien vive à l’extérieur, tu savais que c’était courant, pour autant, il y avait des dispositions à prendre. Autre que faire en sorte que son fils nouvellement aveugle soit forcé de venir demander de l’aide à une association pour faire garder son chien durant l’hiver…
Laissant du coup cet homme sans aide.
Horrifiée, c’était clairement le mot pour te décrire en cet instant précis. Tu ne mettais d’ailleurs pas en doute sa parole, tu te doutais qu’il avait absolument tout essayé pour trouver une solution au chien. Tu étais donc la solution de secours, celle qui devait absolument trouver quelque chose, auquel cas tout cela n’aura servi à rien et on en viendra à une extrémité que tu n’osais qu’effleurer du doigt : l’abandon du chien.
Ca allait beaucoup trop loin. Tes neurones allaient à toute vitesse, mains posées à plat sur ton comptoir, comme si ça allait t’aider à trouver quelque chose. « Euuuuuh… » Tu regardas sur le côté, observant les autres bénévoles qui aidaient d’autres personnes à se lever, qui les guidaient… Tu fis du tambour, pour ensuite te rendre compte que ça sonnait creux. C’était du bois, ton comptoir, et du bois, vous en aviez, pour les petits ateliers bricolage. D’habitude, ils fabriquaient plus des petites maisons pour les oiseaux, des étagères, des horloges même dernièrement. Ce genre de choses modestes, créées plus pour être créées qu’autre chose. Mais peut-être qu’ils pourraient se mettre à faire une niche ? « Vous avez un jardin ? Si on lui fabrique une niche, avec quelques couvertures, ça peut le faire ?! » Tu avais parlé d’un coup, avec la fougue de la jeunesse et l’inspiration d’une idée sortie soudainement.
C’était déjà ça ! Et finalement, cette petite idée toute simple en débloqua une autre, que tu sortis de ton cœur car tu ne pouvais pas faire autrement. « Sinon, je le garderai moi-même. Vous pourrez le voir quand vous voulez, vraiment, et puis je n’ai pas un grand appartement mais au moins, je le sortirai, il sera au chaud et je le bichonnerai, ce chien. » Ca te faisait mal au cœur de te dire qu’il n’aura pas son chien guide, mais tu ne pouvais pas faire mieux. Laisser l’animal ici, tu ne savais même pas si c’était possible, c’était un cas totalement inédit.
Du coup, tu avais proposé deux solutions, espérant qu’au moins l’une des deux soit satisfaisante. Et puis, tu n’avais jamais eu d’animal, n’ayant jamais réellement osé prendre une vie à tes côtés, tu ne savais même pas si tu étais capable de prendre cette responsabilité en main. Mais pour quelques mois, tu pouvais bien tenter l’aventure, n’est-ce pas ? C’était déjà pas mal, et ça te dira si à l’avenir, tu pourras prendre à ton tour le coup d’adopter une bête, histoire peut-être d’être moins seule.