who let the dogs out? (Erlina et Gally)

who let the dogs out?

La rencontre avec Evie m’avait un peu remué, je dois bien l’avouer. Loin d’être tendre, je peux pas m’empêcher de me demander ce qui a mal tourné. On était bien, à une époque, on était ensemble et on s’aimait. En vérité, je sais exactement pourquoi j’ai fait le con, ce qui m’y a emmené, mais ça reste encore trop peu correct d’accuser une femme d’avoir poussé son compagnon à aller voir ailleurs. Alors je fais comme si c’était pas ça, elle fait comme si j’étais le monstre dans l’histoire, et tout s’arrête là. Je n’avais pas pensé à elle depuis des mois, depuis la rupture, pratiquement, en réalité. Mais il a fallu que je la croise et de nouveau tout a recommencé à me torturer l’esprit. Pas assez pour que j’arrête de manger ou que je tombe en dépression, je suis pas vraiment du genre à me laisser abattre, mais bien suffisamment pour que j’en ai déjà marre et que je souhaite qu’on ne se soit jamais revus.

J’ai pas beaucoup dormi, je dois bien l’admettre. Déjà parce que je suis rentré vraiment tard, ensuite parce que mon insomnie semble être revenue. Alors j’ai lu, j’ai bossé sur le montage de la prochaine vidéo et j’ai joué un peu de guitare jusqu’à ce que Elliott menace de me péter la gueule si je m’amusais à recommencer. Bien entendu, il ne l’aurait jamais fait, mais j’évite de prendre trop de risques, surtout à une heure aussi avancée. Contrairement à moi, il a besoin de ses heures de sommeil, mon colocataire, et c’est sûrement un crime que de l’empêcher d’atteindre son quota. Surtout que je me le tape après le reste de la journée avec sa mauvaise humeur. Vraiment, c’est plus un service que je me rends qu’autre chose. Alors j’ai décidé d’emmener Pataud avec moi et de sortir, au bout de quelques heures passées sur mon ordinateur à plancher sur un effet que j’arrivais pas à mettre en oeuvre. Il devait être huit heures du matin lorsque je passe la porte du loft. Un café et une douche plus tard, je me retrouvais traînant la laisse de mon chien.

Il commençait à faire chaud à Bray, et le parc était ensoleillé. On pouvait voir d’un bout et de l’autre quelques tentes et des scènes actuellement vides, préparation pour le festival. Il y avait ce genre de choses partout, sauf vers Dragon Alley, ce qui n’avait pas grand-chose d’étonnant, en vérité. Forcément, la mairie n’avait pas envie de voir les touristes se retrouver dans cette partie de la ville, bien trop sombre comparée au reste, même si la salle de spectacles recueillant le cirque s’y trouvait. Un peu idiot, puisque l’un des deux seuls hôtels du coin se situait là-bas. Le moins cher et donc le plus abordable pour les étrangers qui économisent pour participer aux festivals. J’ai hâte de me rendre aux spectacles organisés. On a décidé de filmer ça avec le Scoobygang, ça risque de promettre. Je profite un peu de la balade et du fait que je peux enfin lâcher Pataud en toute liberté pour prendre mes marques, observer le décor et me rendre compte de quels plans je pourrais avoir besoin ou que je pourrais faire pour donner un autre aspect à mon film. L’avantage, c’est que je connais plutôt bien le terrain, Bray, peu importe quelle partie de la ville, c’est mon territoire.

Je suis tellement absorbé par mes réflexions que je ne vois pas le mâtin napolitain partir en courant. Enfin, je pense que je l’ai remarqué du coin de l’oeil, faut dire que ce n’est pas si inhabituel, il gambade. Ce que je n’avais pas remarqué, en revanche, c’est l’autre chien arrivant en face. Et quand je tourne le regard, il est beaucoup trop tard. Je ne me fais pas beaucoup d’inquiétude, Pataud est sociable avec les autres animaux, mais on ne sait jamais que l’autre ne comprenne pas ses intentions, c’est ça quand on a un clébard beaucoup trop gentil qui veut se faire pote avec la terre entière. “ Pataud, reviens ici ! “ Comme si mon ton autoritaire allait changer quelque chose. Il ne m’écoute même pas, ne tourne pas la tête, et je reste planté là comme un con avant de me décider à bouger vers les deux chiens. Une rousse arrive en face, dans le même temps. “ Je suis désolé, il aime beaucoup trop se faire des amis celui-là !“

who let the dogs out?

Les sorties au parc sont toujours divertissantes, que ce soit pour Pataud ou pour moi. Pour lui parce qu’il peut frôler du bout des doigts la liberté, chose qui n’est pas permise souvent malheureusement. Mais il faut être honnête, une totale liberté, pour ce chien là, et il rencontrerait le pare choc d’une voiture bien trop tôt, juste parce qu’il est toujours trop enthousiaste. Mais je le sors dès que possible, j’aime le voir courir, s’essouffler, jouer. Même autour d’enfants, il est loin d’être une menace, il aime tout le monde le pauvre. C’est ce qui lui a valu plusieurs fois des griffures de félins qui sont loin, quant à eux, d’apprécier de la même façon son arrivée toujours beaucoup trop fracassante. La grandeur du parc lui permet cependant le sentiment de pouvoir aller au bout du monde et de le garder dans mon champ de vision. Sans doute l’une des plus belles réussites de la ville. C’est d’ailleurs pour cela que la mairie a décidé d’organiser les festivals en son sein, d’ailleurs.

Mais pour moi aussi, les sorties du genre sont une bénédiction. Prendre l’air, tenter de trouver de nouvelles idées, encore et encore, laisser parler ma créativité. J’aime les scènes en extérieur. Le contraire serait dommage alors que Bray est parfaite … Nous y avons des montagnes, la mer, le lac, une forêt, une vie citadine développée… Peu d’habitants mais des infrastructures à faire pâlir certaines villes. L’endroit idéal pour quelqu’un comme moi qui n’en ait jamais assez. Et pour couronner le tout, Bray, bien que petite ville parmi les grandes aux alentours, bien que n’ayant rien à voir avec Paris, ville que je chercherais à retrouver au bout d’un moment, n’est pas en reste lorsqu’il s’agit d’organiser toutes sortes d’événements. Les festivals sont un passage obligés pour tous ceux venant d’Irlande ou tout simplement en vacances dans le pays, la renommée de la chose parlant d’elle-même. J’avais hâte d’y être, quelque part.

Je sors de mes pensées alors que je vois Pataud se précipiter vers un autre chien. Magnifique bête, soit dit en passant. Faut dire que j’ai quelque chose avec les chiens, j’adore ça depuis que je suis gamin. Mais je garde quand même la peur que la bête en fasse de mon ours ne soit pas aussi amicale que lui, et que les choses dégénèrent rapidement. Mes craintes s’évaporent pourtant vite alors que le deuxième chien se contente de tourner autour de Pataud sans avoir l’air aucunement agressif. Je ralentis donc le pas alors que j’arrive près des animaux, et de la seconde propriétaire. “ Tant mieux, j’ai déjà essayé de le traîner contre sa volonté et j’en ai perdu des os ! “ Well … On va dire que je suis plutôt fin comme mec, et un chien de cette envergure c’est jamais très simple à diriger, surtout quand il a très envie de faire quelque chose que l’on désapprouve. Parfois on est obligés de s’y mettre à deux avec Janet pour le faire bouger, et c’est jamais très plaisant.

Je secoue la tête négativement, avec le sourire. “ Non c’est bon ne t’en fais pas ! S’il a l’occasion de s’amuser un peu, je préfère autant ! “ C’est à ce moment là que je remarque la guitare dans son dos. On peut pas m’en vouloir, la musique et moi, c’est quelque chose, si y a bien un truc que je remarquerais, c’est un instrument. “ Tu viens souvent jouer ici? C’est la première fois que je te vois, je crois. “ Une rousse flamboyante avec un husky et une guitare, je pense que je l’aurais déjà remarquée si je l’avais croisée. Mais sait-on jamais, je peux être extrêmement distrait quand je m’y mets. Je laisse mon regard dériver vers les deux chiens qui s’éloignent un peu, se courant après. Enfin … Courir c’est peut-être un peu trop pour Pataud qui a tendance à se traîner à une vitesse respectable.