Lui proposer une bière, c’était une façon comme une autre de tenter d’enterrer la hache de guerre. Que ma mère arrête de me faire la gueule à chaque fois que le sujet Maxwell Graham était foutu sur le tapis. Parce que sans déconner, c’était lassant, gonflant, pire, ça me pourrissait la vie. Puis j’avais envie d’être sympa. C’était un connard, mais il venait de perdre son mec et je compatissais. Ok, quelque part, j’avais vraiment envie qu’il dise non, parce que c’était une proposition de compassion hein. Imaginez deux secondes qu’on se mette réellement à table avec un verre tous les deux, imaginez un peu. De quoi on parlerait ? Les rares fois où on s’est adressé la parole, c’était pour s’insulter mutuellement, lui m’attaquer en justice, moi l’insulter encore… C’était probablement la première discussion civilisée que nous avions de toute notre vie, et notre relation avait commencé il y avait un peu trop de temps déjà pour moi.
Pourtant il accepta. Je le regardai même d’un air un peu méfiant durant un instant, essayant de voir s’il avait encore cet air méprisant qui me foutait en l’air, mais pour le coup, je n’avais rien à dire. Il avait réellement l’air partant. Oh putain il devait vraiment se sentir seul pour accepter de boire un coup. Non parce que, imaginez si on se mettait réellement en face à face pour discuter. Imaginez. On parlera de quoi ? Bon bah, je t’ai fait le virement de ce mois-ci ce matin. L’boulot, ça va. La mère ça va. La tienne ? Entre nos daronnes, nos jobs et notre « différent », y’avait pas masse à discuter, nope.
Mais pourquoi pas, comme il disait. J’allais lui dire de s’installer sur la table de la terrasse de la maison, quand il réclama finalement du Whisky. Ca sortit tout seul : « Ah putain on t’offre une main tu demandes le bras, toi ! Bon, allez, j’vais chercher ça. » Heureusement que mon daron avait toujours du stock de vin, de whisky et autres trucs que j’aimais pas plus que ça. En revanche le Whisky, c’était dans mes cordes, et ça sentait surtout qu’il avait envie de se mettre minable. Ca aussi, c’était dans mes cordes.
Je déposai mon sac en vrac, lâchant à ma mère qui était dans le bureau que j’allais boire un verre avec Maxwell. Elle s’inquiéta, me demandant d’être gentil. Je dûs la rassurer, lui promettre que j’essayais justement d’enterrer la hache de guerre avec ce gros con, oui maman, quoi qu’on en dise, c’est un gros con.
Et une fois le whisky récupéré avec deux verres et un bol de glace, des fois qu’il le prenne on the rock, je retournai sur ma terrasse, où il devait normalement s’être installé, à moins qu’il aie fui. D’ailleurs en revenant, je demandai cash : « Tu veux te mettre minable ? ». Après tout, autant savoir tout de suite si j’buvais pour me bourrer la gueule ou si on était partis pour rouler sous la table, ce n’était pas exactement la même façon de boire.