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 Trying to tell us this is a war ▬ kymily

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Je sais que je n'aurais jamais dû utiliser mes pouvoirs sur ma "cousine". On n'en a jamais réellement parlé dans la famille, mais disons que c'est pas vraiment le genre de choses qui se font d'ordinaire. De ce que j'ai pigé, on a tous un grain, à commencer par Andy. Il est capable de faire des trucs vraiment chelous, à base de formules et tout le tintouin. Sabrina la Petite Sorcière, sauf que là on parle d'un asiatique d'un mètre quatre-vingt et de cinquante piges. Pareil, j'ai vu Zach faire des trucs bizarres avec la fumée de ses cigarettes de temps en temps. Pas juste des ronds de fumée, non non, des trucs vraiment bizarres. Je ne saurais pas comment l'expliquer. J'peux juste affirmer par contre que dans le joyeux bazar qu'est cette famille, on ne parle pas de ce genre de trucs. Une raison de plus pour se tirer, non ?

Alors quand j'ai utilisé ma voix pour enchanter la merdeuse, je savais très bien ce que je faisais. L'avantage de ne parler de rien, c'est qu'on peut tout se permettre. Et Emily ? Emily avait assez peur de moi pour que je me permette ça. Elle en parlerait à personne. Je le savais tout au fond de ce qu'il me reste de neurones.

C'est dégueulasse, mais j'aime cette sensation de toute puissance. Quand ma voix titille cette partie du cerveau qui rend les autres dociles. Malléables, comme de la pâte à modeler, tout ça parce qu'ils ont entendu la petite fréquence qui va bien. Ca va que je maîtrise pas le bruit marron sinon on serait pas dans la merde, hein ! Toujours est-il qu'Emily s'est progressivement adaptée, elle aussi. Moins de chouineries, moins de bégaiements insupportables. Docile, c'est ça le mot. Gentille petite emmerdeuse a décidé de coopérer, et ça me calme un peu.
Jusqu'à ce que ça gèle mon sang dans mes artères. En général, quand les gens sont sous le charme de ma voix, ils disent ce qui leur passe dans le crâne. Voire ce que je mets dedans. Mais là, je perçois l'entière sincérité de ses paroles. Son regard déjà trouble fuit bien plus que d'habitude. Ses mains tremblent, elle a la tête enfoncée dans ses épaules. Comme si elle revivait en boucle ses fameuses impressions.
J'ai deux options. Soit elle est bonne pour l'HP et je vais devoir filer voir Andy pour enfin remplir les formulaires d'admission, soit elle dit la vérité. Et, vu comme mes poils se hérissent le long de ma peau, je suis obligé de reconnaître qu'elle a peut-être raison.
Ce que ça peut me faire chier, Seigneur.

Pourtant, je suis captivé par ce qu'elle raconte. L'imitant spontanément, le regard rivé sur son visage crispé, je me suis assis sur le sol devant elle. Ca vrille, ça part dans tous les sens dans mon crâne. Des hommes. Une ruelle. Sa façon de tout décrire semble si vrai. Ca me coupe le souffle en même temps que ça me flanque le tournis. En même temps que ça me file la frousse de ma vie.
Et j'aime pas ça, avoir peur, elle le sait parfaitement. Ca me rend con. Ca me rend violent. Elle n'aurait jamais lutté contre son propre instinct, même sous l'effet de ma voix, en sachant qu'elle risquait de s'en prendre une. Pire, elle n'aurait jamais dit tout ça justement parce qu'elle savait qu'elle allait s'en prendre une.
Ne reste que la vérité, bien trop crue, bien trop difficile à digérer.

Elle se tait, et je déglutis difficilement. C'est comme si un poids s'était formé sur mon estomac, pour me pousser toujours plus bas. A travers le plancher, à travers la maison, jusqu'aux entrailles de la Terre. J'ai peur, et j'aime pas ça. D'une voix éraillée, je murmure, juste pour me donner du courage :

-Tu peux pas être sérieuse, la merdeuse...

Ce serait tellement plus simple. J'ignore si elle m'a entendu, si elle a entendu à quel point ses conneries sont entrées dans ma caboche. Ma peau toute entière fourmille à cause de la peur, à cause de ce que ça implique, tout ce qu'elle raconte. Je me lève brusquement, fais les cent pas autour de cette chambre bien trop petite. Enjambe le chien qui ne semble pas prêt à bouger. Il a pas peur, lui.
Mais peur de quoi ? Une ruelle ? Il suffit que j'évite les... Ah non, ça, ça va pas être facile. T'es con, Kyle.

-Ils vont me briser, hein ? Qu'ils viennent. Qu'ils essaient. J'vais leur casser les rotules avant qu'ils touchent aux miennes !

Et la voilà qui revient, la colère. La voilà qui chasse la peur, comme une mère aimante qui viendrait me protéger de tout ce qui pourrait me faire chier. Elle enveloppe tout, elle m'enveloppe de ses bras, et j'ai trop peur pour ne pas accepter cette carapace bien trop pratique. Ma voix s'élève sans que je ne le veuille, rompue par la peur. Instable, comme tout ce qui se passe dans mon propre corps. Inqualifiable, car j'ai pas la moindre idée de comment réagir à tout ça.
C'est trop. C'est trop pour moi.

-Et qu'est-ce que tu veux dire par "ça arrive à chaque fois", hein ? Suffit de savoir comment ça va se passer, et on peut tout changer, non ? Non ?

Est-ce que je suis vraiment furieux ? Ou est-ce que je suis terrifié ? La réponse à tout ça, c'est surtout que je suis paumé. Dans mon programme, tout est calé au quart de poil de cul près. J'ai tout planifié comme un pro, y'a aucune raison que tout parte en couille. Sauf qu'Emily a mis le doigt sur le seul problème dans mon raisonnement : j'ai pensé à tout, sauf au reste de l'Humanité. Au potentiel de danger de mon entreprise.
Je me force au calme, expire lourdement par les narines. M'adosse à un mur pour ne pas me figer dans une position assise insupportable. J'ai envie de hurler. Me retiens, in extremis, pour éviter d'attirer Andy jusqu'à cette foutue piaule.

-On peut tout changer, on peut toujours tout changer, tu crois pas ?

En vérité, je m'en carre de la réponse. Tout du moins, elle aussi, elle me fait peur. Si on ne peut rien changer de l'avenir, quel est l'intérêt ? Admettons que ses hallucinations soit exactes et pas juste un dérivé de son cerveau d'emmerdeuse, y'a moyen de changer les choses, non ?
Je l'espère en tous cas. Un destin figé, y'a rien de plus horrible.
Rien de plus horrible que d'apprendre qu'on va se faire entièrement démonter sans rien pouvoir y faire.


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"Tu peux pas être sérieuse, la merdeuse..."
Si, j’étais sérieuse. Bien sûr que j’étais sérieuse. De toute façon, je n’avais pas d’autre choix que d’être sérieuse, puisque Kyle avait chanté. Et bien malgré moi, malgré cette partie de moi qui hurlait que ce n’était pas normal et que je devrais me taire, j’avais parlé. J’avais dit la vérité. Une vérité que Kyle ne semblait pas prêt à entendre, comme en témoignait sa réaction.

De toute façon, c’était toujours comme ça. C’était pour ça que j’avais appris à me taire, à ne jamais parler de mes visions, ni même à essayer de prévenir les gens. Parce que je voyais des choses qui ne devaient pas être révélées. Les gens ne voulaient pas connaître leur futur, surtout s’il n’était pas beau, surtout s’ils ne pouvaient pas le changer. Et personne ne pouvait le changer. En tout cas, mes visions s’étaient toujours réalisées jusqu’ici. Pourtant j’avais essayé, plusieurs fois. J’y avais mis mon énergie, mon désespoir. Mais non. Les gens que je voyais mourir mouraient. Les gens que je voyais tuer tuaient. Les gens que je voyais malheureux devenaient malheureux. Et ni moi, ni eux ne pouvions rien y faire. C’était juste….comme ça.

Mais personne ne voulait s’entendre dire « c’est comme ça ». Andy m’avait prévenue. Parler, c’était dangereux, pour eux comme pour moi. Et au début, je ne l’avais pas trop écouté, j’en avais parlé. Pas à tout le monde, pas tout le temps, mais j’avais essayé de prévenir les gens. Et alors j’avais compris. Ceux qui ne me croyaient pas me traitaient de folle, et qui pourrait leur en vouloir ? Ceux qui me croyaient, c’était pire. Ils me harcelaient pour que je leur en dise plus, pour que je leur dise tout. Pour que je les aide à changer l’avenir. Et quand l’avenir se produisait quand même, ils rejetaient la faute sur moi. A force, j’avais juste décidé de me taire. De supporter, seule, mes visions et leurs conséquences. Et Kyle me prouvait que j’avais eu raison.

Il s’énervait maintenant. Il mettait l’avenir au défi. Qu’ils essaient. Il était persuadé de pouvoir être plus fort que son destin. Ou alors il tentait de se persuader lui-même.
« Suffit de savoir comment ça va se passer, et on peut tout changer, non ? Non ? »
Je gardais la tête baissée. J’attendais juste que tout ça passe, que ce soit fini. Parce qu’au fond de moi, ça y est, j’étais résignée. J’avais essayé, de lui dire, de le prévenir. De le convaincre de ne pas partir. Mais désormais, je voyais, je savais. Il partirait quand même, parce que c’était Kyle et qu’il ne reculerait pas. Il partirait, et alors, ma vision se réaliserait, d’une façon ou d’une autre. Même s’il était prévenu, il le subirait. Je n’avais rien changé. Peut-être même avais-je empiré les choses, parce que désormais, lorsqu’il vivrait ces évènements horribles, il saurait que j’avais eu raison. Il saurait que je l’avais prévenu et qu’il n’avait rien pu empêcher. Et c’était peut-être encore plus horrible comme ça. Je n’apprendrais donc jamais, pas vrai ? A me taire. A laisser les choses se faire. A être une spectatrice. Non, Kyle, il ne suffit pas de savoir. On ne peut pas changer. Je relevai les yeux, doucement, mais ne répondit pas. Il reprenait déjà de plus belle.

« On peut tout changer, on peut toujours tout changer, tu crois pas ? »
Je secoue la tête.
« J’ai jamais réussi. »
Il n’y a pas de bonne façon de le dire, de toute façon. Et peut-être que je suis encore un peu sous l’emprise du chant, parce que mon honnêteté me surprend moi-même.
« Je le croyais aussi. Je me suis dit, quitte à devenir aveugle et voir ces choses, c’est que je dois pouvoir y faire quelque chose. Mais non. Elles se réalisent quand même, toujours. Un jour ou l’autre. »
J’étais juste une handicapée qui voyait des choses sans pouvoir agir. Tu parles d’un don. Andy avait essayé de me présenter les choses sous un bon angle. Me disant que j’étais exceptionnelle. Que c’était potentiellement un don. Mais c’était juste une malédiction. J’étais punie pour Dieu sait quoi. Condamnée à voir les gens souffrir, et attendre que ça se produise pour de vrai. Oh, il y avait de belles visions aussi. Des gens qui tombent amoureux, des retrouvailles. J’avais vu les numéros gagnants du Loto, aussi, mais ils n’étaient toujours pas tombés. Mais est-ce que ça valait le coup, face à l’horreur et à la tristesse ?

Pourtant, j’essayais encore, et encore. Je m’accrochais.
« Mais peut-être que toi, tu pourrais être différent. Peut-être que… »
Je soupire. Pourquoi est-ce que j’espère encore ? Si toutes les fois d’avant ont foiré, il n’y a aucune raison que celle-ci réussisse. Pourtant…il suffirait d’une. Une fois. Une personne que je peux sauver. Ca changerait tout. D’autant plus si cette personne est Kyle, parce que bon Dieu, je ne veux pas qu’il souffre.
« Si tu restes ici…tu seras en sécurité ici. Ils ne pourront pas t’avoir. »
Techniquement, j’ignorais si c’était totalement vrai. Il pourrait très bien finir par se faire agresser ici. Mais ma vision concernant son départ, je le savais. Une certitude qui n’avait pas de preuves tangibles. Sauf que ces certitudes étaient toujours vraies, elles aussi. Ce que je ne voyais pas, je le sentais. Alors, s’il ne partait pas, ma vision ne se réaliserait pas.
Sauf qu’une partie de moi était sûre qu’il partirait quand même. Ca semblait trop important pour lui. Il avait probablement une raison. Et ce n’était pas moi et mes visions qui allaient l’en empêcher. Je dépensais mon énergie depuis tout à l’heure à le faire, sans grand succès.
« Je suis désolée, Kyle. Mes visions se sont toujours réalisées. Si tu pars, tu…elle se réalisera aussi. Tu dois me croire. Je t’en prie. »
L’essai de la dernière chance. Après ça, je devrais me résoudre à le laisser partir. A le regarder marcher droit vers son destin.
« Pourquoi tu veux partir, de toute façon ? », demandai-je pour la seconde fois. J’essayai de comprendre pourquoi c’était si important. Pourquoi il y tenait tant, au point de me faire une scène, au point de me menacer, au point de vouloir affronter l’avenir.
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