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 For the good of all of us except the ones who are dead | Dagdag & Baz

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Basil Egerton
Basil Egerton
MESSAGES : 3959
AGE DU PERSONNAGE : 49
RACE : Fantôme (ex-fée)
MÉTIER/ÉTUDE : Gardien du cimetière

Dagda O’Raghailligh & Basil Egerton

For the good of all of us
except the ones who are dead


Les insomnies. Elles faisaient presque partie de ton mode de vie, à ce stade. Tu aurais pu consulter des médecins, te demander enfin d’où pouvait te venir cette lubie de rester éveillé jusqu’au petit matin - mais la vérité, c’était que tu ne souffrais pas de cette fatigue. En fait, ces nuits-là, c’était un peu comme un autre toi qui s’éveillait. Comme une montée d’adrénaline, comme un enfant intenable les soirs de pleine lune. Impossible de fermer l’oeil, le seul fait de rester coucher te donnait envie de hurler, et tout prétexte était bon à quitter le lit et la chambre. Souvent, tu profitais de ces nuits pour travailler, avancer tous ces multiples projets qui rythmaient ta vie peu banale. Tu écrivais, tu étudiais, tu étais pris d’un million d’envies - tu avais envie d’air frais aussi. C’était assez courant, dans ces moments-là, que tu te réfugies dans ton sous-sol, voire même, pour ne pas déranger ton cousin, que tu t’absentes et erres sous les astres dans les allées de ton cimetière, ton violon avec toi, gémissant sous l'archet. Si cela se savait, on t’affublerait de bien des adjectifs, dépréciatifs pour la plupart - mystérieux oui, étrange, lugubre, torturé, romantique. De jolis mots de littéraire, on aurait pu seulement dire névrosé, insomniaque, déséquilibré. Ils avaient tous raison, et ils avaient tous tort, car après tout, cela ne les regardait pas, tes déambulations au clair de lune.

Cette nuit du 13 était de celles-là. Une pure coïncidence d’ailleurs, tu étais de ceux à trouver les superstitions ridicules. Une lune descendante qui approchait de son dernier croissant - le ciel était couvert de toute façon, et une nappe trouée en obstruait la face. Quelle dégaine tu avais, un visage d’illuminé qui semblait capter le premier rai de lumière venu, nimbant ton front - cette nuit, tu avais l’air d’un détraqué, tu m’as fait si peur… recommence. Toi qui portait d’usage tes vêtements les plus serrés, cette fois tu avais mis ce pull en laine trop large pour ta taille trop fine - d’un membre de ta vaste famille, tu ne te préoccupais pas duquel - et qui, par dessus un pantalon en coton trop court, donnait une impression affreuse de maigreur à tes interminables jambes. Mary dans tes pieds, une pelle usée dans les mains. Usée par la terre, la rouille, le sang. Le sang ? D’où pouvait bien venir cette drôle d’idée ?
Tu as glissé ta vieille clé et ouvert le portail dans un grincement déchirant. A peine franchie d’un pas qu’il tombait un silence de mort : c’était comme passer dans l’au-delà. Tu avais toujours aimé cela, cette atmosphère particulière chargée d’absence, le vide laissé aux proches de ces centaines de corps enterrés. Ils étaient là, tous, et tout à la fois ne l’étaient plus. Partagé entre l’explosion d’émotion qui te prenait les tripes et un calme soudain qui faisait taire dans ton coeur le reste du monde. Tu étais amoureux. Amoureux de ce silence, de ces allées, de ces tombes. Amoureux de ce manche en bois poli et moite que tu serrais dans tes paumes chaque jour depuis des années. Amoureux des gravures dans la pierre et le marbre que le temps et la pluie effaçaient peu à peu. Amoureux - et ému, muet, le coeur battant, les joues rougies, le souffle court, les larmes aux yeux. Le bonheur, pour toi, c’était cela, ni plus ni moins.
Un million de fois, tu l’avais foulé, ce sol, depuis ton arrivée. Un million de fois ton regard s’était posé sur ce décor immobile et identique, sous tous les éclairages et par tout type d’intempérie. Tu avais vu la terre rougir, humide, sous la rosée et l’aube. Tu avais vu le sol couler de boue et ravager cet univers qui n’appartenait qu’à toi. Tu avais vu même certains jours le givre figer ce qui ne vivait déjà plus, et la neige étouffer sous sa veste un silence que rien ne venait rompre. Ces noms, ces dates, tu les connaissais par coeur. Tu leur souriais, aimable, sincère, sympathique. « Bonsoir, milady. » Tu t’adressais à eux, avec cette voix doucereuse, un peu chantante, avec ce fort accent anglais et ce timbre d’aristocrate. Plutôt que de briser le silence, tes mots s’y fondaient comme des chamallows dans un chocolat chaud. « Mrs Faulkner, Mr Davis, Mr. and Mrs. O’Toole… Sarah Brien. » Tu t’es arrêté devant sa tombe, tu la regardais avec une forme de fascination, comme si c’était elle, que tu regardais. La stèle, gravée à son nom, c’était presque comme une annexe du corps du défunt. « Bonsoir Sally, comment débute votre repos éternel ? J’espère que la fosse vous convient, je l’ai faite un peu large. » Les fleurs, encore fraiches de ce matin. Tu te penches sur le marbre où ton oeil luisant se reflète, une caresse, pour en ôter un peu de terre. Née Murphy. Décédée le 9 décembre 2017. L’enterrement avait eu lieu aujourd'hui peu après 11 heures, ayant suivi la messe de requiem - tu t’y étais glissé, filant du regard ses proches, saisissant pleurs et paroles pour en apprendre tout ce qu’il en était possible de savoir. Sarah, c’était un joli nom - il te plaisait. Tu mourais d’envie de la voir, de la rencontrer. Tu étais comme un fou, comme un tourtereau épris, perdu, le regard aimant. Sally. Sally, me tiendras-tu compagnie cette nuit ?

Tu avais déplacé la tombale, laissant la pelle reposer à tes pieds. Un raclement sombre que celui de l’ouverture d’une tombe. Puissant, difficile à manquer, une chance que tu étais seul. L’étais-tu Basil ? Puis les dalles. Les dalles, le caveau - le coffre enfin, ce cercueil en bois de pin, encore flambant neuf, verni, orné. Tu t’y étais engouffré comme un voleur, comme un amant sur le corps de sa chère et tendre. Ce corps fait de bois lisse, infiniment doux sous la caresse. Tu l’avais ouvert, le sang te montait à la tête. L’impatience - la découverte de son visage, de ses formes. L’instant qui allait déterminer ce que tu en ferais, ce que tu voudrais obtenir d’elle. La compagnie seulement, ou plus que cela ? Le linceul. Puis son visage. Son visage doux et calme, sans tourment, sans expression. Un visage de mort. Tu lui as souri. « Sally, la mort vous va si bien. »
Mais ce n’était pas la bonne nuit. Un grognement de ta chienne éveille ta méfiance. N’es-tu donc pas seul dans ce cimetière ? Il ne fallait pas que tu te laisses surprendre. Un regard à ta belle, un soupir déchirant. Tu refermes le cercueil sans prendre le temps de vos adieux. L’irritation, le désir de vengeance, la jalousie - l’amant tuera celui qui se pose entre lui et sa belle. Tu respires. Il faut que tu te calmes Basil, ta passion te dépasse. Tu t’empresses, tu dois sortir, réparer tes bêtises avant qu’un regard indiscret ne s’y pose. Qui est là ? Tu l’ignores encore, mais tu es déterminé à le savoir.

AVENGEDINCHAINS
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For the good of all of us except the ones who are deadC'était bientôt Noël. Je détestais Noël en prison, et j'avais l'impression que cette année, la tradition serait encore de mise. Les gens heureux, qui rigolaient, et s'offraient des cadeaux, qui s'aimaient, tout ça allait certainement m'être refusé, encore... Parce que pas de thunes, parce que tout le monde avait fait sa vie, tandis que moi j'étais le pauvre con qui était même pas foutu d'avoir un boulot. Alors, j'étais là sur ma terrasse à combattre le froid avec une bouteille de Paddy, ce qu'il y avait de mieux, et un pull à la con que ma grand mère m'avait tricoté il y avait des années. Un truc innommable avec des rennes et un père Noël content. Le pire ? Il m'allait comme un gant. J'avais l'impression d'être un truc immuable dans le temps, tandis que les autres grandissaient, vieillissaient. Moi, j'étais comme gravé dans la pierre, comme... Shane. Ce con là avait foutu ma vie en l'air, et le pire ? Il me manquait. J'avais besoin de son amitié, celle qu'il m'offrait il y avait déjà des millénaires j'avais l'impression.

J'étais donc là, comme un idiot, dans le froid d'Irlande que je connaissais par coeur, alcoolisé, avec un pull de teubé. Qu'est-ce que je faisais ? A part boire et déprimer ? Hé bien... Je fumais une cigarette, tient. Ouais. Enfin non, pas une cigarette, autant être honnête. Je fumais bien un pétard en fait. Un bon gros joint qui n'arrivait même pas à me détendre. Parce que je n'avais qu'une seule chose en tête pour le moment : aller visiter la tombe de Shane. Je savais qu'il était enterré pas loin, j'avais demandé à pouvoir assister à l'enterrement, cependant, on me l'avait refusé... Logique. Qui voudrait qu'un meurtrier aille sur la tombe de sa victime ?

Je ne pouvais pas y aller en plein jour non plus. J'étais déjà sorti depuis peu et ça attirait les regards. Qu'est-ce que ça serait si j'allais au cimetière au vu et su de tous ? Je n'osais même pas imaginer la réaction de ma propre famille, alors celles d'inconnus ? Ca ferait encore les titres dans le journal local, à tous les coups. J'étais même bon pour finir comme un con au milieu de dingues qui me reprocheraient mes actes ridicules. Pas que je faisais attention à ce que les gens pensaient de moi, cependant... Je ne voulais pas attirer l'attention sur ma famille. Leur permettre d'être un peu tranquilles... Juste la paix. Pour eux comme pour moi.

Je pourrais déménager, changer de ville, mais pour aller où ? Faire quoi ? J'étais qu'un connard de 22 ans qui ne savait même plus ce que c'était de vivre en société sans risquer de se prendre des coups de rasoir aux douches. Que de pouvoir être un peu pudique, sans montrer son trou de balle à d'autres trous de balles. D'échapper aux mecs barraqués en chaleur qui auraient bien voulu faire de moi leur quatre heures.

Mais là il faisait nuit... Je pouvais parfaitement aller directement au cimetière... Passer le portail. Chercher la tombe. Et boire un coup avec Shane. Je regardai Paddy, ma tendre bouteille déjà bien entamée. Et pris de cette pulsion un peu débile, j'allais chercher sa jumelle dans le coffre à alcools, une veste, une écharpe, une paire de chaussure, et je flanquai les bouteilles dans un sac à dos. Pour partir dans la nuit, comme un adolescent fugueur, ne prévenant personne, direction le cimetière...

Arrivé au portail, je l'escaladai, pour ensuite essayer de m'habituer au noir qui régnait en ce lieu. Heureusement que j'avais gardé la forme en prison... Je n'avais pas grand chose à faire après tout, alors j'avais continué à me maintenir tout en me remplissant la tête avec des livres et des émissions de télé ou de radio. Et une fois enfin sur mes deux pieds, je me lançai à la recherche de Shane... Allant du côté des tombes que je ne connaissais pas à l'époque. Repérant ce qui était nouveau... Les anciennes tombes ne devaient pas abriter de Shane, n'est-ce pas ? Surtout que je savais qu'il devait être dans le caveau familial. Je n'y étais jamais allé mais j'avais entendu des histoires autour de lui.

Silencieusement, j'étais enfin parvenu, je supposais, au caveau de sa famille. Je cherchai la plaque, espérant y voir son nom... Je me concentrais tellement que je n'entendis même pas le portail s'ouvrir, puis une personne s'activer pour déterrer un cercueil. Quelque chose qui ne se faisait pas trop habituellement, mais je m'en fichais... Car Shane était là. Alors je m'assis à terre, pour déboucher Paddy. Boire un coup, partageant avec lui en mettant de l'alcool à terre. Lui chuchotant ma culpabilité, mes questions, pourquoi faire ça ?! Je commençais même à être sérieusement attaqué, et j'éternuai un peu, il faisait froid.

Sauf que là, en revanche, j'entendis un chien grogner. Tournant la tête d'un coup, je tentai de repérer l'endroit d'où ça venait. Et je me rendis compte qu'en réalité, j'avais entendu du bruit bien avant, un bruit de terre qu'on retournait, je n'y avais pas fait attention... Mes réflexes de chasseurs étaient endormis. En même temps... Je ne chassais plus. Et je n'avais pas vraiment repris.

Je finis par repérer un type bizarre, au loin, on aurait dit un clochard avec un gros pull de Noël. Cela me fit rire, pas très discrètement je devais l'avouer. En même temps j'étais déchiré, et je n'allais certainement pas lui reprocher d'être là, puisque j'y étais aussi... Et quant à déterrer un corps... En fait je m'en fichais complètement, je rigolais un peu, j'étais stupide avec ce pull de Noël qui ressemblait au sien. On aurait tout aussi bien pu être frères et partager la même famille. Je rigolais comme un con, pas bien loin de me faire repérer, mais quoi, l'alcool ?

"Hé bien, on a l'air fins tous les deux dans le coin le plus lugubre de la ville avec les pulls qui fleurent bon la fête et les chants de Noël."
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Basil Egerton
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Dagda O’Raghailligh & Basil Egerton

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Dis-moi Basil, t’aurais pas perdu en réactivité ? Tu te doutais même pas que ce gusse, là, que Mary avait flairé, il était là avant toi. Tu deviens con quand t’es passionné, tellement en amour sur tes tombes que t’en oublies de faire d’abord une ronde. Si tu continues à être aussi insouciant, tu vas finir par te faire pincer, et soit le nombre de vivants à Bray va drastiquement chuter, soit tu vas vraiment finir derrière les barreaux. Ceci dit, que sont des barreaux quand on est une fée - t’aurais sans doute trouvé le moyen de convaincre le geôlier de te remettre dehors. A moins que le geôlier soit un triton, qui sait - mais tu crois que c’est vraiment le bon moment pour y penser ? Il vaudrait peut-être mieux que t’y mettes pas les pieds en prison. Et que donc tu ranges tes bêtises pour éliminer les potentiels témoins. Et c’est ce que t’as fait.
Enfin, le manque de temps et la précipitation du moment a fait que la scène de ton crime n’était pas totalement effacée. Tu avais vaguement rebalancé le linceul à la gueule de ta nouvelle amie, t’avais refermé le coffre certes, mais t’avais finalement laissé le caveau béant. Au pire, c’était déjà ça, devant cette scène tu pouvais te contenter d’argumenter que tu voulais vérifier que ton travail avait été correctement fait. Parce que t’es méticuleux, t’es citoyen, et tu voulais avoir l’esprit tranquille, alors t’as déterré pour vérifier. Et t’as pas touché au cercueil, non, bien sûr - ils avaient aucune preuve ! T’avais donc l’esprit tranquille. Et t’es ressorti de ton trou, un peu déboussolé, tournant ta tête émergée comme une girouette, comme un périscope de sous-marin. Où était-il donc, le chenapan, l’intru, l’étranger à bouter hors de chez toi à des heures impossibles ? Quel était donc le degré d’insomniaques dans cette petite ville de merde ? T’es sorti, avec ton gros pull à flocons de neige en laine, d’ailleurs c’est surprenant de voir à quel point il était doux et grattait peu : un signe, en fait, que tu l’avais porté vraiment pas mal de fois. Mais pour quelqu’un qui n’a pas de fierté, on s’en étonnera pas.

Et puis bon, tu l’as repéré, parce que t’es pas non plus totalement con, contrairement à ce qu’on soupçonnait. Un gamin qui rit, qui trimballe un sac rempli de bouteilles, à un moment ça se remarque. Surtout quand le gamin, il se met à te causer - au lieu de faire semblant de pas être là tu sais, comme une personne normale. Il avait l’air d’ignorer qu’il avait rien à faire là, que tu voulais le jeter dehors, que tu envisageais même plus que cela. Croyait-il que t’étais un peu comme lui ? Sauf que toi, en fait, t’avais parfaitement le droit d’être là - les restrictions horaires ne te concernaient clairement pas. T’es allé vers lui, d’un bon pas, les yeux plissés pour crever la pénombre de ton mieux et distinguer sa face. Mary était avec toi, en bon disciple, toujours dans tes pieds, comme si elle essayait constamment de te faire trébucher. Peut-être qu’au fond c’était vraiment son but, peut-être qu’au fond elle t’aimait pas. Et puis ses mots, au gusse, et puis son pull. En plus il était ivre, il rigolait bêtement et il disait n’importe quoi. C’était tellement absurde, la situation l’était, et son comportement encore plus. T’as levé les sourcils, et tu t’es mis à rire. Pas un rire bête, parce que t’étais parfaitement sobre et t’avais des idées de meurtre qui te trainaient encore dans la tête. Juste un rire amusé, mesuré, un peu discret mais néanmoins sincère.
« Je crois pouvoir affirmer que je porte le moins ridicule », tu lui as dit avec un petit quelque chose de défi, en te rapprochant de ta victime - pardon, de ton visiteur enivré. Tu t’es mis à le scruter, pour pouvoir le cerner en fait. On aurait dit un peu un clochard, mais un clochard qui vivait dans un pull de Noël, ça aurait été sacrément triste à voir. Il avait de la famille, sans doute. Une famille aimante, pour lui tricoter ça. Et donc, une famille qui viendrait le chercher dans le coin, si par malheur il disparaissait. Mais au fond, tu t’étais un peu calmé, la pulsion passionnée avait été contenue dans ce rire qu’il t’avait inspiré. Bon sang, ce qu’il avait l’air stupide. « Tu n’as pas le droit d’être ici à cette heure, tu le sais ça ? » C’était ton devoir, fallait que tu lui dises. T’étais le gardien des lieux après tout, t’aurais l’air de quoi si t’encourageais les visites de nuit ? En plus ça t’arrangeait pas, quand est-ce que tu profanerais des tombes, toi, après ? Bah ouais, fallait bien y penser, même si visiblement, c’était mort pour ce soir. Haha, humour.
Et puis ton regard est tombé sur la stèle face à lui. Parce qu’il était pas là pour profiter du silence a priori, il était là pour quelqu’un. Un mort qu’on avait pas encore oublié - c’était pas ce qu'il y avait le plus vous savez ? T’as lu le nom gravé dans la pierre, t’étais curieux, même pire que ça. Tu as tout de suite su que l’enterrement précédait ton arrivée à Bray, que tu t’étais pas occupé de son cas - et tout de suite, ça éveillait ton intérêt. Tu savais rien du type enterré là, sinon un nom et deux dates. Tu t’étais pas amusé à le déterrer non plus, et le tsunami l’avait épargné, résultat, c’était comme si tu le rencontrais. « Un membre de ta famille ? » tu lui as demandé avec un mouvement de tête qui désignait clairement la tombe. Le tact ? C’était pas forcément ton atout principal, il faut bien le reconnaître. Mais bon, t’avais envie de savoir.

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For the good of all of us except the ones who are deadJ'avais tapé une barre en le voyant, le squelette raccord avec l'ambiance des lieux, et de l'année aussi, vu son flocon plus gros que sa tronche sur le pull. Raccord avec moi aussi remarquez, mais j'allais pas penser à tout maintenant, j'étais déjà bien aromatisé à la Paddy, et pas mal choqué de voir cette tombe aussi. Puis, l'autre, voilà qu'il voulait caresser son honneur dans le sens du poil à gratter qui lui servait de fringue, à dire qu'il portait le moins ridicule des deux. Et c'était qu'il y mettait la forme en plus ! J'aurais jamais pensé croiser un type dans un cimetière qui parlait comme le directeur de la prison, et encore, il avait plus l'air d'un mineur que d'un directeur de prison, le type. Il avait même l'air d'avoir creusé un trou tellement il était crade. Est-ce que c'était une tenue qu'il portait régulièrement ou bien il creusait vraiment un trou tout seul en pleine nuit ? Oh bah ça devait certainement faire partie de son taf, profiter que personne ne le voie pour... Faire des trous.

"Si ça peut te faire plaisir... Tu peux croire pouvoir l'affirmer."

Et je me tapai une nouvelle barre, une barre à mine, pire, un bar tabac même. Il se foutait de moi en plus ! Ou alors j'avais un rire communicatif, aucune idée, j'allais pas non plus m'amuser à lire ses réactions, comprendre ce qu'il voulait dire par un rire, c'était pas l'important. Le truc important, c'était que je croisais probablement le seul type à être là à une heure pareille, probablement le gardien des lieux, et qu'il me faisait même la morale à me dire que je n'avais pas le droit d'être là à cette heure ci. Là encore j'eus un rire, mais plus un rire jaune. De toute façon, je n'avais le droit d'être ici à aucune heure, donc autant y être quand il n'y avait personne hein ?

Enfin, j'eus juste le temps d'arranger ma position assise, qu'il embraya tout de suite sur la phrase la plus commune lorsqu'on rencontrait une personne dans une cimetière - si tant était qu'on allait vraiment aborder des inconnus dans un lieu pareil. Il me demanda si Shane était un membre de ma famille. Vu qu'il sortait avec ma soeur... Ca aurait pu. Il serait devenu mon beau frère, et notre lien de meilleurs amis aurait été renforcé par ce fait. Mais sinon... Oh, bah j'allais répondre honnêtement, j'avais purgé la peine de prison pour ça, et je n'allais pas recommencer de si tôt, normalement. Puis, il n'avait pas l'intention de me jeter dehors vu la question... Puis j'étais bourré, et j'avais l'excuse de l'alcool. C'était pratique l'alcool, ça nous donnait un avantage que les gens sobres n'avaient pas : le droit de faire une connerie, et de s'excuser vraiment après. Ou prétexter qu'on disait n'importe quoi, parce qu'on avait plus les yeux en face des trous. C'était assez sympa. On passait pour un minable, mais bon au final, c'était un peu ce que j'étais là, maintenant.

"Ca aurait pu. Mais non, je l'ai buté avant."

A peine cela franchit mes lèvres que j'eus plusieurs sentiments contraires qui m'envahirent. Dans un premier temps, la tristesse, parce que j'avais perdu une personne importante, un meilleur ami qui m'avait offert ce que j'aimais le plus : le sport, un but, que je n'avais plus aujourd'hui. Qui était de ma famille, dans mon coeur, dans ma vie. Et finalement, il avait tout gâché, et j'avais donné le coup de couteau qui avait certes protégé ma soeur, mais détruit ma vie, dans tous les sens du terme. Puis la colère, parce que je ne comprenais pas ses actes, et aussi parce que je les comprenais, parce qu'il avait été élevé comme ça, et moi j'y avais eu droit aussi. A cette haine des créatures, ce "pas de pitié" envers tout ce qui pouvait sortir du cadre normal. Billie était fort pour en mettre plein la tête, de cette haine. Ca avait failli prendre par chez moi, mais je m'étais rendu compte qu'au final... Si j'en avais autant la peur, c'était parce que je ne les connaissais pas plus que cela. J'avais été faible, et je m'en étais rendu compte une fois en prison, quand j'avais eu tout le temps pour y réfléchir.

Je pris une gorgée de Paddy, pour calmer tout ça. Après tout j'étais déjà méchamment attaqué, autant en rajouter une couche. Même pas certain que j'arriverais à me lever là maintenant... Je ne faisais même pas attention à sa réaction à mon aveu, enfin si ç'en était réellement un. Il était même possible qu'il pense que je parlais de l'avoir tué plus... métaphoriquement. Du style "oh mon dieu j'aurais pu faire quelque chose, mais je n'y suis pas arrivé" ou alors je me sens coupable comme un con, alors que j'y suis pour rien... Non, moi je l'avais réellement tué, j'avais eu une arme entre les mains, que j'avais fait rentrer dans son coeur, je l'avais égorgé dans un réflexe morbide, pour être certain qu'il s'arrête, et j'avais fini couvert de son sang. Je m'étais ensuite assis à tête, le regardant se vider de son sang dans la maison qui m'avait vu grandir, et j'étais resté prostré en face, jusqu'à ce que les flics me décollent de là pour me jeter en prison directement. Alors, je regardai de mon oeil torve le gardien, puis je lui tendis la bouteille par le goulot, lui proposant :

"Tu veux boire un coup ? A moins que tu sois comme les flics que tu boives pas pendant le service... Ou que t'aies des choses à faire. Genre, creuser des trous."
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Dagda O’Raghailligh & Basil Egerton

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De toute évidence, ta présence, ta tenue et tout le reste avaient pour effet de provoquer son hilarité. Cependant, et c’était un avantage pour lui sans doute, tu n’étais pas du genre à t’offusquer devant la moquerie, et tu ne pensais généralement pas les mots qui dans ta bouche sonnaient comme de l’orgueil. Tu aurais été le premier à rire de toi, de ton absurdité, de ton ridicule. Une humilité manifeste et détonnante pour un homme de ton charisme, de ton rang - maniéré comme un aristocrate, avec un quelque chose d’impeccable même dans les tenues les plus infâmes: on ne pouvait pas dire que tu maitrisais l’art du déguisement. Tu ne lui en voulais donc pas, et tu aurais pu joindre ton rire au sien si jamais sa présence ici ne t’avait pas en premier lieu irrité. Tu te contentas donc d’une bienveillante neutralité, attendant avec une curiosité marquée les réponses à tes questions. En somme, de la scène, tu pouvais déjà déduire beaucoup. Il était jeune, il était ivre, il était seul, et il était face à une tombe - de toute évidence, il portait le deuil. Peut-être était-il trop honteux de son chagrin pour venir ici de jour, ou peut-être était-ce l’alcool qui avait décidé de sa venue. D’un autre côté, cela faisait quelques années déjà que cette tombe reposait là et il ne te semblait pas qu’elle ait jamais attiré trop l’attention. Tu portais attention à ce genre de détails - le nombre de visites, les visages qui défilaient, les bouquets de fleurs. Tu aimais savoir lesquels étaient aimés, lesquels étaient oubliés. Hors, ce visage enivré, tu ne le connaissais pas - et cette tombe, pour toi, faisait partie des centaines d’autre qui ne recevaient tout au plus qu’une visite par année, ou deux, ou trois. En somme, jour de naissance, toussaint et anniversaire du décès.
Alors qu’est-ce qu’il foutait là, ce soir, cette nuit même, devant cette tombe que le temps commençait doucement à grignoter ? Pourquoi cette attention soudaine ? En quoi lui était-il lié ? Il y avait beaucoup à déduire, et beaucoup d’informations qui te manquaient encore. Alors tu as attendu qu’il te donne une réponse. Et entre deux gloussements et vacillements d’ivrogne, il te l’a donné. Une réponse… Pour le moins inattendue. On ne va pas se le cacher, même toi, tu ne t’y étais pas attendu, et tu étais pourtant dans l’élite du glauque et du malsain aux yeux de certain (une absurdité à ton sens, tu n’étais pas si exceptionnel que ça). Tu ne pensais pas découvrir cette nuit un meurtrier pleurant sa propre victime - ça aussi c’était absurde, tu avais toujours eu un peu de mal à comprendre le principe des regrets. L’homme avait-il une carrure d’assassin ? Difficile à dire. Musclé, peu avenant, tatoué comme un taulard russe dans les années 60. Pas plus dangereux qu’un autre. Mais tu n’avais jamais considéré qu’il y avait un profil type pour tuer quelqu’un. Cela pouvait arriver à n’importe qui et n’importe quand. Alors plutôt que de paraître choqué, tu t’es contenté de sourciller avec un étonnement marqué. Plutôt que de savoir ce qui l’avait poussé à tuer, tu te demandais pourquoi il visitait sa tombe. Mais dans tes yeux, il n’y avait pas de jugement. Tu ne l’estimais pas moins, ni davantage d’ailleurs. Au fond, sinon pour ta curiosité, tu n’en avais pas grand chose à carrer.

Tu avais suivi la succession d’émotions sur son visage sans rien ajouter - les gestes, les mimiques, les expressions, tout ceci parlait au moins autant que les mots, et tu les prenais comme une partie de sa réponse. Il était en conflit, voilà l’évidence - peut-être son meurtre était-il accidentel après tout. Cela pourrait faire sens, les humains avaient une propension à la maladresse et à l’auto-torture mentale. « 2011. Cela fait un moment que tu aurais dû faire ton deuil, jeune homme. » Cette voix, Basil, cette voix que tu fonds dans le décor. Il semblait à ce point perdu dans ses réflexions qu’il y a bien peu de chance qu’il t’ait entendu parler - ou tout du moins, qu’il ait compris ce que tu lui disais. Et de toi, alors, que devrait-on dire. N’étais-tu pas le seul crétin à conserver chez toi les restes de la seule que tu aies jamais aimée ? Pour l’homme qui a fait son deuil on repassera, même si pour toi, c’était bien davantage un souvenir et une punition éternelle qu’une occasion de la pleurer. « Tu le fais souvent, dis-moi ? Lui rendre visite, de nuit, loin des regards indiscrets ? » Et cette façon, mon Dieu, cette façon de parler des morts comme s’ils étaient vivants. Pour toi, il ne visitait pas une tombe, le garçon, mais l’un de tes clients. Ce qui t’importait d’abord, c’était de savoir si tu devais envisager le risque de le surprendre à nouveau une nuit prochaine. En second lieu viendrait l’interrogatoire - tu n’avais rien contre te faire offrir une petite fiche d’identité, et cela te vaudrait sans doute de déterrer son presque membre de famille une nuit prochaine… Mais cela, je pense qu’il te faudrait t’abstenir de lui avouer.
Il t’a proposé une bouteille d’alcool. Pour être honnête, et sans vouloir lui porter un jugement un tant soit peu négatif, au vu de sa tenue, de sa manière d’être, tu devinais déjà l’alcool au goût de pisse. Un regard à l’étiquette - Paddy. Tu t’attendais à pire. Il est vrai qu’un fond de whiskey était tentant, mais bizarrement, tu n’étais pas certain de vouloir le suivre dans cette voie. Tu as refusé d’un sourire et d’un geste de main, avant d’approcher davantage ton homme et de poser ton fessier rebondi dans la terre non loin de lui. « Sans façon, je ne suis pas très porté sur l’alcool. Ceci dit, je n’ai pas d’obligation, sinon te jeter dehors. Mettons que je te surveille jusqu’à ce que tu déguerpisses, et tu te passeras de prêter attention à mes trous. » Un bref silence, puis une autre preuve que tu te foutais de la souffrance d’autrui. « James. Qu’a-t-il bien pû te faire pour que tu l’expédies là ? Quel genre d’individu était-ce ? Pardonne-moi, je suis curieux. » Pas de sincérité dans ce pardonne-moi. Il y en a plus d’un, des types en larmes, qui t’auraient collé un pain pour un tel manque de délicatesse. Tu n’aurais pas compris toi, pourtant. Ce n’était pas par provocation, ni par souci de l’ennuyer. Tu voulais la réponse, tout simplement.

AVENGEDINCHAINS
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For the good of all of us except the ones who are deadAprès ma réponse, je m’étais attendu à toutes sortes de réaction. Un au revoir poli mais craintif. Un intérêt trop particulier sur la façon que j’avais utilisée pour le tuer. A beaucoup de choses, sauf son commentaire sur la longévité de mon deuil. Hum, ça voulait dire quoi ça ? Il y avait une date pour arrêter son deuil ? Surtout d’une voix si basse, merci mes oreilles qui étaient tendues déjà de base pour savoir si d’autres approchaient. J’avais pas envie d’être embarqué par des flics appelé par ce type bizarre. Je m’attendais à tout de toutes façons.

”Désolé, j’ai pas eu le mémo pour la date de péremption du deuil.”

Mon ironie, armure contre les grosses merdes qui ponctuaient mon existence, j’aimais bien la manier, bien que là j’avais parlé d’une voix presque aussi éteinte que celle de mon accompagnateur. Et puis, il était bien curieux, à aussi me demander si je venais souvent… Boarf, c’était sûrement une question bateau, pour occuper le vide de discussion que nous avions là. Alors, pour répondre, je ne fis qu’un non de la tête. Après tout, c’était vrai : c’était la première fois. Mais rien n’excluait que je revienne. Bien que ce type me fasse un peu flipper, dans sa façon de parler. On aurait dit, avec sa dernière phrase, qu’il me demandait si je rendais souvent visite à ma grand mère en maison de retraite… Limite James était-il vivant en réalité. Je ne l’espérais pas. Car sinon… Non, j’étais bourré, je partais loin dans mon esprit, au point d’en rire tout seul. Voilà que j’me faisais des films sur un fossoyeur ! Enfin, gardien de cimetière. Peut être les deux. Bordel, est-ce qu’un gardien de cimetière était toujours aussi crade ?

Je lui offris tout de même un peu d’alcool. On savait jamais, s’il était crade en fait parce qu’il était pauvre ou parce qu’il avait pas d’autres fringues. Ou parce qu’il était triste. Dans tous les cas, j’avais l’impression que l’alcool réglait pas mal de problèmes ces derniers temps. Mais visiblement ça ne lui disait pas plus que ça… Il m’avait même souri en levant sa main pour refuser. Il n’était pas très porté sur l’alcool ! Hé bien, première nouvelle. Ce devait pas être un irlandais. De toute façon, il n’avait pas l’air irlandais, il avait cet air un peu guindé qui n’allait pas du tout avec les fringues qu’il portait - avait-il dévalisé quelqu’un ? Je m’en fichais un peu, tant pis, ça me fera plus de Paddy pour moi. Et puis il était tellement ennuyeux ! Devoir me mettre dehors ? J’allais pas dévaliser le cimetière hein ! Et puis, ses trous, qu’est-ce que j’en avais à carrer ? C’étaient des trous hein, y’avait des corps dedans, et j’avais pas spécialement envie d’y jeter un oeil. Quoique, maintenant qu’il en parlait, j’avais bien envie d’y regarder. C’était toujours comme ça, quand on interdisait quelque chose à quelqu’un, ça lui donnait justement envie de le faire. Ca éveillait la curiosité : pourquoi interdire ? Y’avait quoi dans ses trous ? Mais visiblement il savait dévier la curiosité puisqu’il me posa ensuite des questions sur James. Sur comment il était, sur ce qu’il avait fait pour être désormais six pieds sous terre. Est-ce qu’ils étaient réellement enterrés six pieds sous terre, ou est-ce que c’était une expression à la con ? Enfin… Est-ce que j’avais envie de répondre ? Après tout, j’avais payé pour mon crime, je pouvais donc en parler librement à présent. Qu’est-ce que ça pouvait bien faire ? De toute façon, c’était pas comme si je devais me taire à vie, dans une obligation sociale de crever de culpabilité jusqu’à ma mort, pour ensuite aller en Enfer, comme toutes les raclures de meurtriers.

”J’te pardonne pas, j’tue.”

Blague morbide, dans un lieu morbide, avec un type morbide. Ahah ! Je suis mort de rire. Et voilà que je continue, c’est génial ! Je repris une gorgée de Paddy, puisqu’il n’en voulait pas, j’allais la consoler, ma pauvre bouteille rejetée. Et ensuite, je songeai à répondre, tout en posant une petite condition. Espérant qu’il respecte sa part du marché, après tout, j’étais sympa quoi. J’aurais pu lui casser la gueule et m’barrer.

”Mais je t’raconte si tu veux. Et après, t’m’expliques pourquoi tu veux pas que je mate tes trous. Je l’ai buté parce qu’il voulait coucher avec ma soeur. Et elle en avait pas envie. Et il m’frappait pour la violer, ou j’sais pas ce qu’il voulait, en fait, il a totalement pété les plombs. Mais à part ça… J’suppose que c’était un type bien. Il a pété un plomb. Et moi avec. Tes trous alors ?”

J’avais résumé assez grossièrement cette soirée d’anniversaire, de mes 21 ans. Cette fête, où on avait bu comme des trous, et mon meilleur pote qui louchait sur ma soeur. Mon impression qui m’avait donné envie de déposer mon frère et ma soeur à la maison, pour finir la soirée seul avec James. Mon instinct ne m’avait pas trompé… Il était juste arrivé trop tard, mon instinct. Si j’avais vu avant… J’aurais peut être pu éviter de finir en taule. James serait encore en vie. Avec quelques dents en moins sûrement, mais en vie. Enfin j’en savais rien. J’avais passé assez de temps à me torturer pour ça quand j’étais en taule - enfin quand Trevor m’en laissait le temps, cet enfoiré.

Dans tous les cas, je fixai ce type, tout en attendant la réponse. Enfin, avant qu’il aie le temps de répondre, j’avais quand même envie de savoir comment il s’appelait. Même quitte à ce qu’il me donne un faux prénom, j’voulais juste l’appeler autrement que Machin dans ma tête :

”Dagda. Et toi ?”
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Basil Egerton
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Dagda O’Raghailligh & Basil Egerton

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Le deuil. A quoi ça sert, le deuil. T’en vois défiler tous les jours, des gens éplorés, tu les enchaines, les enterrements, les mises en bière même quelques fois. Les larmes, les reniflements, la mauvaise ambiance, un bain dans lequel tu trempes, jour, après jour, après jour. Mais pour toi, la mort n’est pas synonyme de peine. Tu étais le genre d’homme qui, s’il ne plaisait pas spécialement à tuer, n’en tirait pas la moindre culpabilité. Le genre d’hommes qui envisageait aussi sérieusement que par plaisanterie le parricide ou le fratricide, pour peu que tu sois contrarié. Le genre d’homme qui n’avait pas cillé devant la disparition, la mort certaine, d’une soeur qui avait pourtant partagé avec toi tant d’années de vie. Il y avait bien Meredith, et l’on pourrait arguer que pour la maintenir encore sur l’un de tes meubles, il fallait bien que tu sois endeuillé, mais c’était un sentiment indéniablement différent qui t’animait à son égard. Tu ne comprenais pas le deuil, parmi une flopée d’autres sentiments - mais tu savais ce que c’était, pour ne le constater que trop. Y avait-il une ironie alors, à te trouver là ? Mais ne fallait-il pas un caractère de ton genre pour être fossoyeur ? Ce n’était pas un emploi pour les petites natures. Un boulot fleurant la mort, le silence, la détresse - ce n’était pas pour les petits coeurs et les sensibles.
Y avait-il une date de péremption au deuil ? Puisque tu ne le comprenais pas, sincèrement, tu n’aurais su le dire. Mais la formulation en tout cas t’arracha un autre sourire - ce n’était pas une compagnie si déplaisante, bien au contraire. Elle avait de quoi te divertir. « La plupart des proches viennent les premiers jours, les premières semaines, les premiers mois - sitôt qu’ils osent venir bien sûr, cela seul peut prendre du temps. Puis les visites se font à des dates plus convenues et avec davantage d’indifférence. Au regard de cela, six ans… C’est peu commun. Bien sûr, si tu l’as tué, c’est un peu particulier. N’est-ce pas du remord, ou quelque chose de ce genre là ? » Tu posais la question avec légèreté et sans arrière-pensée d’ailleurs. Le remord, voilà bien un autre sentiment avec lequel tu avais du mal. Tu n’étais pas certain que ce soit le terme juste, mais de ce que tu avais pu observer et lire, c’était le cas. De toute façon, ce n’était pas dans tes cordes.

J’te pardonne pas, j’tue. Qu’est-ce que tu devais déduire de ça ? Où voulait-il en venir ? Ou bien il avait une grammaire défectueuse, ou bien il s’agissait d’une manière alambiquée de te proférer une menace. Mais c’était un ivrogne, et tu n’étais pas du genre à t’offusquer d’un rien, alors tu n’en avais cure. Tu aurais pu répondre peut-être quelque chose de la trempe d’un voyez-vous cela, ou d’un tiens donc plein de sarcasme et de belles formes à ta façon. Mais il semblait trop rustre pour goûter à ce genre de subtilité niaise et inutile. Un quelque chose d’anglais trop sophistiqué pour la franchise irlandaise. Faute de comprendre ce qu’il voulait entendre par ces quelques mots, prononcés sur un socle d’hilarité, tu as gardé le silence. Tu n’eus pas besoin de mots, cependant, car il ne tarda pas à poursuivre. Répondant à ton invitation, il entreprit de te raconter sa mésaventure, la tragique histoire de ce cher James. De la malchance, du malentendu, de la légitime défense, ce genre de choses. Tu l’écoutais comme on aurait écouté un témoignage au poste de police, comme on aurait lu les aveux d’un meurtrier au terme d’un roman - le direct fin mot de l’histoire. Pas de suspense, pas de mise en abime, pas d’hésitation ni de noeuds au cerveau : de l’ennui, de l’information pure et dure. Mais au moins, tu étais désormais au courant de la chose. Tu saurais de quoi parler à ce James, le jour où il te prendra l’envie de le rencontrer. Frapper, violer, buter. Des mots durs qui ne te faisaient rien, et que tu ne faisais rien qu’enregistrer. Et il enchaîna derechef sur une question, et même une seconde - tant mieux, tu n’aurais pas à lui répondre une banalité dans le genre « je suis vraiment désolé », de toute façon, tu n’en avais pas l’intention.
Tu avais donc réfléchi à la manière d’amorcer ta réponse pour qu’il te laisse définitivement en paix avec tes trous que ne le regardaient aucunement, mais n’eus le temps de dire un mot qu’il t’informa sur son nom. Dagda. Tu t’assurerais bien sûr d’une rapide recherche à l’occasion, et tu tomberas sans doute sur son cas, son meurtre, sa condamnation, sa libération - pour éclaircir de quelques dates et de précisions cette histoire d’ivrogne. « Basil Egerton, mon nom est sur la plaque, à l’extérieur. » Tu ne t’en formalisais pas, mais quelle drôle d’idée de s’attendre à un mensonge. Toi, et tu en étais navré, tu avais tout à fait le droit d’être ici. « Fossoyeur de profession, ce qui explique les trous. Ce sont des trous. Je place des morts dedans, je suis payé pour ça. » Vraiment, qu’espérait-il que tu lui dises d’autre ? Que tu comptais en déterrer un pour le découper de long en large ou pour prendre le thé et lui jouer du violon ? Encore que, tu aurais pu - devant une telle déclaration, il ne t’aurait sans doute pas cru et se serait mis à rire, et c'était pourtant la pure vérité. Tandis que tes mots laissaient un tantinet à se demander si ces morts n’étaient pas de ton fait.

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For the good of all of us except the ones who are deadIl était louche, ce type. Si j’avais été sobre, je l’aurais regardé d’un air suspicieux, puis j’aurais demandé à mes chers amis soldats de l’OBCM de garder un oeil sur lui. Jusqu’à m’assurer qu’il était juste un fossoyeur comme les autres. Mais là en l’occurence, je planais totalement, ayant bu pas mal et en rajoutant encore en buvant parfois, entre quelques phrases, comme pour les ponctuer, sauter à la ligne, faire un alinéa. Et lui là, il était sinistre, on dirait un roman russe le mec. Me parler de remord… Il était con ? Ou psychopathe ? Bien sûr que c’était du remord. J’avais été élevé dans une famille très sctricte, catholique, dans le respect de l’autre, et surtout dans le respect des Lois : tu ne tueras point. Enfin… Parfois je me demandais si ce n’était pas le remord du mec qui se faisait choper. Le remord du mec qui avait été en prison pour ses crimes. C’était possible… Je n’en savais fichtrement rien. Est-ce que j’étais réellement triste ? Est-ce que je me bourrais la gueule en l’honneur de cette vie que j’avais prise, ou bien pour ma vie que j’avais perdue pendant six ans ? Il fallait dire que j’avais passé pas mal de temps à m’auto-flageller pour mes actes, mais… Argh je n’allais pas me poser des questions aussi compliqué alors que Paddy avait totalement pris possession de mon corps, si ? Mais je m’occupai pas de tout ça, nous avions une conversation à tenir, et j’avais bien assez de mal à la tenir sans baffouiller. J’voulais pas baffouiller non plus, pas passer pour un con auprès d’un mec qui visiblement n’avait pas entendu parler de mon affaire à l’époque. Boarf, c’était un Anglais, ça se trouvait, il venait d’arriver ce con.

Bref, je finis par me présenter, histoire qu’on en reste pas à l’appeler l’autre ou encore machin. Bâsiiiiil. En voilà bien un de prénom d’anglais, avec le patronyme qui allait bien avec. Je n’étais pas particulièrement anti-anglais, mais il fallait dire que j’avais ce petit côté irlandais allergique à leur arrogance toute citadine, prouvée par son commentaire visant à signaler que son nom était sur la plaque à l’extérieur. Il voulait dire quoi par là ? Que je devais absolument avoir vu cette plaque ? Qu’il avait peur que je ne le croies pas sur son identité ? Boarf, il avait bien une gueule de fossoyeur. Quoique… Il était donc payé pour cacher des corps.

Etrangement une sale idée me passa par la tête. Celle qui m’instillait une envie de me frapper le front avec la main, me demandant pourquoi je ne l’avais pas connu à l’époque, y’a six ans, pour lui demander d’enterrer James en secret, contre de la thune. Plusieurs questions en découlaient : est-ce que j’aurais vraiment osé ? Et est-ce que lui l’aurait fait ? Ah ! J’en riais, de penser à une chose pareille, l’alcool avait cela de bon que rien ne paraissait horrible d’un coup. Ca m’aurait éviter de payer le meurtre d’un fils de putain qui voulait violer ma soeur, et me tuer pour le faire. Peut être même qu’aujourd’hui je ne me torturerais pas autant. Qui savait ! Je pouvais lui demander, au cas où si dans l’avenir un autre enfoiré voulait toucher à ma soeur.

”Payé pour faire des trous et mettre des morts dedans… Imaginons… Juste imaginons un instant.”

Je riais en parlant. Je devais avoir l’air totalement ridicule, je devais me calmer un peu avant de poser ma question. Je repris un coup de Paddy, pour ensuite reprendre mon souffle, et avoir d’un coup un air mortellement - sérieusement, on continue les blagues à la con sur la mort ? - sérieux. Plus de rire ou quoi que ce soit. On pourrait croire que je croyais vraiment un mot de ce que je comptais demander à ce cher Basil-Egerton-mon-nom-est-sur-la-plaque-à-l’extérieur. Quoique, je l’étais peut-être un peu, l’avenir était totalement noir à mes yeux, je n’avais pas le moindre talent de double vue… Et ça pourrait servir si je tuais un connard en mission.

”Imaginons que je tue quelqu’un d’autre. Une autre personne… Si je te payais, tu creuserais un trou pour moi ? Pour mettre ce corps au frais disons ? Et que personne ne le retrouve ?”

C’était bizarre de demander ça à un type à peine rencontré dans un cimetierre, tout fossoyeur qu’il était. Après tout, en y réfléchissant, s’il était bizarre, c’était peut être même qu’il était déjà en train de le faire. Enterrer un corps suite à un meurtre. C’était peut être là la clé de l’énigme qui faisait qu’il ne voulait pas que je regarde dans ses trous. Je me redressai tout de même au cas où si c’était lui le meurtrier et peut être moi la cible du soir. Quoi que… Il était quand même sacrément crade, c’était déjà fait, ça se trouvait. En fait, je devais totalement paranoïaque. Et j’allais trop loin. Voire même le type allait s’empresser de se barrer après avoir entendu une proposition pareille, et probablement appeler les flics pour dénoncer un Dagda ayant buté un James qui veut recommencer. J’aurai l’air fin devant un policier. Pourquoi avez-vous posé cette question, Monsieur Fitzpatrick ? Avez vous l’intention de tuer quelqu’un prochainement ? Non pas du tout, monsieur l’agent, j’étais bourré et j’ai posé des questions à la con. J’présenterai mes excuses à ce bon monsieur délateur promis !

Il se serait fait tuer à l’après guerre en France, s’il faisait un truc pareil.
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Basil Egerton
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Dagda O’Raghailligh & Basil Egerton

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Il s’était mis à rire, ton ivrogne - tout ce à quoi tu pouvais penser devant ce rire, c’était à la gueule de bois qui suivrait cette jolie cuite. Tu n’étais pas un fondu d’alcool, et il faut admettre que l’odeur te dérangeait. Elle ne passait pas inaperçu, pour toi qui était amoureux des ambiances de cimetière, aussi bien de visuel, d’auditif ou d’olfactif. Ce petit côté organique, le marbre froid, la terre fraîchement retournée, un quelque chose de mort et d’indescriptible, de boisé, d’un peu acide, de dizaines ou centaines de corps que la putréfaction embaumait dans autant de boîtes closes que tu te plaisais à ouvrir. Et ce n’était rien d’anormal ou d’immoral, rien que la nature qui renvoyait l’homme à l’état de poussière, dans un calme ambiant ponctué de craquements sur le gravier, une brouette qui passe, un râclement de pelle, un bruissement, du vent, des fleurs qui s’agitent sous sa caresse, au pied d’une stèle ornée d’un visage figé. Et sa Paddy, ses relents d’alcool, ses rires et gargouillements ne collaient pas à ce décor idyllique. Mais tu étais un homme terriblement patient, et devant la mort éternelle, tu pouvais excuser une nuit un peu agitée.
Il rit, et tu sembles finalement en être la raison, ce sont ses mots qui te l’indiquent. Tu creuses des trous, c’est hilarant - ça le serait peut-être davantage si ç’avait été une blague ou une métaphore, mais c’était sincèrement ce que tu faisais semaine après semaine depuis des années, alors tu peinais vraiment à y trouver quelque chose de drôle. Creuser des trous. C’était l’exaltation, l’épuisement, la sueur au front, le surpassement de soi, le plaisir de la douleur physique et du travail bien fait, entouré de ces souvenirs, de ces corps donc tu connaissais les noms, les visages et les os. Mais imaginons… Imaginons un instant que ce soit quelque chose de drôle.

Et soudain, ça ne l’était plus. Son rire s’était noyé dans une gorgée de whiskey, et tu ignorais s’il était en proie à une lucidité soudaine ou si les vapeurs d’alcool avaient fini par l’achever. Imaginons qu’il tue à nouveau. Tu as haussé un sourcil, en te demandait si tu devais y accorder du crédit et s’il s’agissait d’un aveu. Mais en soi, il avait déjà tué - tu n’étais donc pas des plus étonnés, ni des plus choqués, ou quoi que ce soit d’autre. Et il te demande, sans pression aucune, si contre de l’argent, tu lui servirais de complice. Une petite ampoule s’allume dans le fond de ta pensée. Ce pourrait être un policier relativement futé qui cherchait à coincer tes passe-temps les moins admissibles, ou juste un imbécile qui ne pensait plus la moitié de ce qu’il disait. Tu émis un rire aussi léger que bref, le jaugeant du regard sans la moindre appréhension. « Nous nous sommes mal compris je pense. Je suis rémunéré par la commune bien sûr. Si j’acceptais l’argent de particuliers pour enterrer des corps non déclarés, cela ferait de moi un criminel. » Tu n’étais pas certain qu’il soit suffisamment sobre pour te suivre, mais qu’à cela ne tienne. Puisqu’il voulait t’en parler, tu répondrais, et peu importe ce qu’il aurait à penser de la réponse.
Mais tu ne t’arrêtas pas là. Pour deux raisons d’ailleurs, d’abord car tu étais toujours prêt à rendre service à un nécessiteux et que tu n’étais pas un fervent défenseur de la Loi puisque tu détestais la suivre, et ensuite parce que l’idée qu’un corps t’échappe potentiellement pour être récupéré et fouillé par de la police scientifique ou enterré n’importe comment dans les bois t’insupportait. Tu préférais encore risquer de passer pour un type peu fréquentable et pourvoir ces victimes d’une sépulture correcte... là où tu serais en mesure de les exploiter. « Mais la réflexion n’est pas stupide, je suis plus apte que quiconque à prendre en charge un cadavre en fin de compte. Je ne serais pas étonné que l’on vienne me voir avant n’importe quel homme de Loi qui se moque éperdument du devenir des morts. Pour être honnête, je n’aime pas les savoir entre de mauvaises mains, j’aime mieux qu’ils soient enterrés par mes soins dans une sépulture correcte plutôt que découpés en morceaux et disséminés dans la nature par un meurtrier en panique. Mais pour de bons conseils, je ne prends pas d’argent - je rechigne rarement à aider une personne dans le besoin, et je ne trahis pas une confiance que l’on m’accorde. » Tu te prêtais des bons sentiments, tu enrobais la vérité et tu mentais aussi un peu, pour quelqu’un qui admettait soudainement ne pas tout à fait respecter la Loi, ou tout du moins faire passer les défunts avant Elle. Honnête homme plutôt qu’honnête citoyen ? Ou peut-être ni l’un ni l’autre. Des intentions soi-disant louables, et il fallait espérer que cela passe, mais ces déclarations ne suffisaient pas à te condamner de toute façon, encore faudrait-il prouver que tu l’aies déjà fait. Et tu avais un quelque chose de sérieux sur le visage mais tout à la fois apaisé, comme si le sujet n’était pas le moins du monde suspicieux, comme si tu n’avais à rougir d’aucun de tes mots, ou peut-être pour le mettre en confiance, le faire douter d’avoir bien saisi le sens de tes paroles. Et tu regardais la tombe de James avec ce quelque chose de décontracté, attendant patiemment que ton ivrogne quitte les lieux, mais tu n’étais pas sincèrement pressé, tu n’allais pas réellement le jeter dehors. Que tu es compréhensif Basil, quelle générosité - quelle bonne blague, oui, je sais.

AVENGEDINCHAINS
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For the good of all of us except the ones who are deadAu vu de la première réponse du fossoyeur, j’avais fait fausse route… Hé bien je n’avais plus qu’à espérer qu’il ne me dénoncerait et me prendrait pour ce que j’étais à présent : un alcoolo bourré qui disait n’importe quoi… Même si quelque part, je ne pouvais pas m’empêcher de croire qu’il y avait quelque chose de dit entre les lignes. Il n’avait pas dit qu’il ne pouvait pas enterrer de corps non déclarés… Il avait dit qu’il serait un criminel d’accepter l’argent de particulier pour cela. Il y avait une nuance non négligeable dans ce que je recevais comme réponse. Une personne normale se serait totalement défendue de le faire, allant peut-être même jusqu’à m’en coller une ! Car rien qu’enterrer des corps qui n’étaient pas passés par l’acte de décès réglementaire, c’était ce qu’on appelait un crime…

A retourner cette déclaration dans ma tête, je me rendais compte que ce n’était peut-être pas aussi innocent que ça. La méfiance devait être double… Moi qui tenait à ne pas retourner en prison car on me soupçonnerait bien de vouloir tuer quelqu’un d’autre… Lui qui pouvait imaginer n’importe qui en face, un policier ou quelque chose du genre. Nous allions donc devoir communiquer par sous entendu, de façon à ce que si l’un accuse l’autre, il puisse répondre “hey, j’ai pas dit ça !”. C’était un peu casse tête… J’aurais pu le faire sans soucis si je n’avais pas été aussi beurré, mais là, j’étais raide, totalement raide, et fallait vraiment que je fasse quelque chose pour ce problème de Terre qui tanguait.

”Et vous n’êtes pas un criminel, évidemment…”

Je fis tout de même un léger clin d’oeil, histoire de faire comprendre que j’avais compris. Bien que je n’étais pas certain de comprendre s’il y avait quelque chose à comprendre… Est-ce qu’il cherchait à me faire comprendre un truc ? J’en savais rien, et très sérieusement, je commençais à me perdre tout seul. D’autant qu’il continua à me perdre. Est-ce qu’il restait dans l’hypothétique ou ?... Non. J’étais certain qu’il était sérieux. Il parlait avec bien trop d’assurance, de… Je ne savais quoi en fait. Il semblait absolument persuadé de cela… Comme si ces morts étaient ses amis, et qu’il leur devait un respect éternel. Mais au travers de l’alcool, j’étais persuadé que si j’avais un corps sur les bras, désormais, je pouvais compter sur lui. C’était certain.

”Trop de générosité… Je fonds. Merci !”

Cela me donna un regain d’énergie, me faisant me relever tout en m’appuyant sur le goulot de ma Paddy. C’était dangereux, j’aurais pu me casser la gueule, mais finalement, Le Dieu de l’Alcool me soutint et je parvins à me tenir en station debout sans trop d’ambages. Ah ! C’était drôle comme l’air était meilleur en haut ! J’avais l’impression de mieux respirer, et surtout que ça tanguait vachement moins… Bon à savoir : si un jour je montais dans un bateau, fallait que je fasse le mas ! Monter la garde, respirer l’air pur, et surtout, beaucoup moins tanguer. C’était quelque chose dont je devais absolument me souvenir !

Une fois debout, j’devais rentrer. Il faisait bien nuit, et il était tard. Au bout d’un moment… Il fallait que j’arrête. Le deuil devait certainement avoir une date de péremption finalement. Je devais tourner la page de James, après tout, il avait cherché ce qu’il lui était arrivé là. Je ne l’avais tué que parce qu’il menaçait une personne que j’aimais plus que lui. Une personne qui ne méritait pas ce qu’il comptait lui faire. S’il avait voulu survivre, il aurait dû lui aussi tourner la page sur ma soeur !

”Je note très soigneusement… Ce que t’as dit. Sur ce ! Rideau !”

Je m’imaginais marcher de façon très digne, mais en réalité, si mes pieds ne s’emmêlaient pas tandis que je m’en allais, ce n’était que par l’opération du Saint Esprit. J’avais une chance extraordinaire de ne pas m’être étalé sur une tombe, vraiment. Je parcourus quelques mètres comme ça, p’tèt quatre ou cinq, avant de me souvenir que je voulais dire une dernière chose à mon cher fossoyeur préféré :

”Ah au fait ! Merci, t’es un chic type !”

Et sur ces paroles, je m’en allai, sifflotant une chanson à la con dont je n’avais que l’air en tête, pour rentrer chez moi. J’étais bourré, mais au moins, je connaissais cette ville par coeur, totalement. Très pratique quand le cerveau était totalement sur off et qu’il était impossible de le reconnecter les neuronnes… J’espérai juste que j’allais me souvenir de cette soirée, demain, tandis que je fumerai ce joint du matin. Et que je n’aurai jamais besoin de ses services… Quand bien même il avait fait comprendre qu’il ferait ça gratuitement. Comme si le paiement était en réalité le corps...
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