a soldier on my own •• Allen

Si de visu il semble intimidant, ce n'est alors qu'une impression. Allen est un bipède foncièrement gentil, il agit sans arrière pensée et est pétri de bonnes intentions. C'est qu'il s'applique à toujours faire le bien autour de lui, au point d'être parfois maladroit. Allen veut tant faire pour le mieux qu'il peut en devenir, dans la plupart des cas, étouffant. Il insiste, le pauvre, faut croire que ça ne l'a jamais percuté que sa bienveillance pouvait être mal vue. Il faut avouer qu'il est assez maladroit avec les autres êtres humains. Il a du mal à savoir quand il est trop froid ou trop avenant, quand il doit s'arrêter ou faire le premier pas. On ne lui a jamais montré comment faire. Ça fait partie des trop nombreuses choses qu'il a dû apprendre tout seul. Faire le bien autour de lui, mais aussi voir le bien autour de lui. Buchanan souffre d'optimisme. Souffre, car c'est à cause de cet optimisme qu'il se prend inlassablement et depuis toujours de grandes claques par la vie.
Enfin, ça ne l'a jamais empêché d'avoir un humour à toute épreuve. Le mot pour rire, c'est lui qui l'a à chaque fois. Doté d'une imagination débordante et d'une répartie du tonnerre, jonglant entre calembours et jeux de mots, c'est sa façon à lui de se faire des amis. A coup de vannes et répliques cinglantes. Ah ça, il aime rire, à gorge déployée, à en avoir mal aux côtes. Bon vivant, il l'est assurément. Il est très gourmand et serait incapable de citer un plat qu'il n'aime pas. Il n'est jamais de boisson trop fraîche ou de plaisir trop petit : tout ce qui existe est beau et il n'en démordra pas. Il suffit donc de peu pour contenter Allen, pour contenter un gosse qui a grandi dans les Hébrides, sur ce morceau de fin du monde.

Pourtant, Buchanan ne fait pas dans l'irrévérence. C'est même au contraire un être particulièrement obéissant. Parfait petit soldat, il applique les règles sans trop se poser de question. C'est ce qu'on lui a toujours dit de faire et c'est ce qu'il a toujours fait. Et se changer en félin n'a en rien changé les choses. On pourrait le croire doté d'une volonté de fer, il n'est en réalité pas si compliqué de le faire flancher. Il n'est pas belliqueux, s'il se plie, c'est avant tout pour adoucir les choses. Pour ne pas se rompre. C'est un être brisé, Allen, un être fracturé qui emmagasine une quantité surprenante de colère et de violence qu'il ne relâche que sous sa forme animale, que lorsqu'il chasse. Ça arrive que son grand corps tremble de rage. Ça arrive qu'il traque, qu'il martèle, qu'il déchiquette, qu'il rogne.
Et quand il ne brise pas les choses et les gens, Allen les choie et les caresse du bout de ses doigts écorchés. Allen est accablé de remords car il est allé à l'encontre de ses idéaux, seuls concepts pour lesquels il refuse de ployer. Allen est accablé de remords car il n'est pas aussi bon et humain qu'il l'aurait souhaité. Allen boit la tasse et se noie dans cette amertume. L'amertume de celui qui ne sera jamais que la moitié d'un homme.

Je suis Naomi, Hydromel sur les internets ! J'ai 17 ans ans. On me verra dans les parages assez souvent. Je suis fier de dire que j'ai découvert le forum sur un top-site il me semble, d'ailleurs je le trouve très beau !   Je rajoute aussi que je suis un scénario  

En principe c'était la fin de l'hiver. Ça ne paraissait pas. Le climat écossais n'a jamais été des plus agréables. C'était peu après ton onzième anniversaire. Tu jouais avec ton voisin, ton unique ami. Et vous vous êtes faits emmener. Noir. Lumière. Blanche, agressive. Plus douloureuse encore que le ciel gris des Hébrides. Tu étais dans une cellule. Il était à côté. Tes yeux plissés. Tu ne comprends pas. Des voix, tes tympans sifflent. La première année fut la pire. Tu n'étais qu'un gamin, tu ne méritais pas de subir ça. Heures après heures. Jours après jours. Et tu pleurais chaque soir. Et tu pensais à ton île, à ta mère qui t'a élevée seule, aux oiseaux que tu observais depuis les falaises le matin de bonne heure.
Et l'autre est arrivée. Elle était si petite, si frêle. Elle vous rappelait la maison. Chase s'est tout de suite pris d'affection pour elle. Toi, tu savais qu'elle allait mourir, car tous les autres étaient morts avant elle. Mais vous étiez si jeunes, vous ne méritiez pas de subir ça. Contre toute attente, elle a survécu. Peut-être un peu grâce à ton ami. Peut-être un peu comme toi. Enfin, ta décision était prise. Vous alliez vous serrer les coudes, tous les trois face à ce monde qui allait vous bouffer. Elle qui semblait si triste, ton second but après survivre était de la faire sourire.

Vous étiez plus grands, plus forts. Il était temps de sortir des cellules, de sortir dans la nature. Plus tu te sentais proche de Skye, plus tu avais l'impression qu'elle t'échappait. Elle semblait s'effacer de mission en mission, elle semblait se noyer et Chase ne voyait rien. Aveugle, comme toujours. Des initiatives, tu n'en prenais pas souvent. Presque jamais, même. Une mission que ne ressemblait pas à une autre, tu l'as aidée à s'enfuir. Vous vous étiez mis d'accord, Chase devait savoir. Et pourtant, tu n'as pas tenu parole. Tu ne savais pas comment vivre sans elle, mais tu as préféré la protéger à tout prix. Tu aurais pu partir avec elle, mais ta loyauté envers Chase était malgré tout trop forte. Il n'aurait pas tenu en vous perdant tous les deux. Il n'a déjà pas tenu en ne perdant qu'elle.
Rage. Culpabilité. Chase commençait à débloquer et c'était de ta faute. Chase se faisait encore plus torturer qu'à l'accoutumée et c'était entièrement de ta faute. Tu étais tiraillé par ta loyauté envers l'un et envers l'autre, et ton ami qui avait oublié jusqu'à qui il était. Pourquoi as-tu gardé le silence ? Si tu lui avais tout dit, peut-être que ça n'aurait pas fini comme ça, peut-être qu'il se serait rappelé ton visage. Vous qui aviez été élevé ensemble. Mais toi, pauvre Allen, tu avais peur, si peur. Par-dessus tout tu ne méritais pas d'assister à ça. Il n'y avait plus que Cinaéd et toi. Mais toi, tu ne connaissais pas Cinaéd. Cinaéd n'était pas ton ami. Pourtant, tu t’efforçais à prendre soin de lui. Avais-tu seulement le choix ?

C'est trop lentement que le temps est passé, trop lentement que tu as essayé de réapprivoiser celui que tu considérais jadis comme un frère. Trop tard que tu as découvert qui il pourchassait. Tu as lu ses rapports. Tu ne lui as jamais dit. Tu te lanças à leur recherche, sur leurs traces à tous les deux, que pouvais-tu faire d'autre ? Et une fois que tu les auras retrouvés, que vas-tu faire, Allen ? Dire bonjour et ramener Cinaéd ? Te cacher à ton tour ? Tu aurais du y réfléchir un peu plus sérieusement.