Raphaël n'était pas quelqu'un de foncièrement mauvais. Après tout, tout ce qu'il faisait était dicté soit par des ordres venant d'un magicien (et auxquels, évidemment, il ne pouvait pas désobéir) soit par sa personnalité un peu trop marquée, un peu trop exubérante, un peu trop sans-gêne - mais mauvaise ? Jamais de la vie. Alors certes, on pouvait penser que les nombreux traquenards capillotractés dans lesquels il entraînait les gens avaient un air de manipulation injuste et cruelle, mais il fallait garder à l'esprit que le Génie agissait avant tout pour le bien des siens. Et qu'importait que son humble avis était le seul juge de cet état de fait. En plus, pour l'occasion, il avait fait l'effort de partager sa trouvaille avec Maverick et si ce dernier l'approuvait, ils étaient forcément dans le bon. Parce que Raphaël et Maverick avaient nécessairement raison, n'est-ce pas ?
« Sis ! » avait gueulé Raphaël en apercevant le troisième membre - parfaitement consentant malgré ses plaintes récurrentes - de leur trio infernal arriver au coin de la rue tandis que Maverick et lui-même patientaient devant la devanture du salon de tatouages. « Tu es en retard. » rajouta-t-il en levant le bras pour désigner son poignet, dénudé d'une quelconque montre, mais histoire de marquer sa désapprobation.
Bien sûr Sol était encore à plusieurs mètres d'eux et évidemment que Raphaël parlait beaucoup trop fort pour ne pas bouleverser le calme relatif de la rue, mais il semblait beaucoup trop excité et impatient pour se formaliser du regard des passants. D'ailleurs, sa mine exagérément sévère, qui traduisait quelque chose comme "je veux bien te faire comprendre que je suis mécontent de ce manque à la politesse mais je suis pas très doué pour ça" se mua bien vite en un sourire pétillant, tandis que le regard complice qu'il échangeait avec Maverick pouvait laisser présager à un bouleversement de l'ordre naturel des choses imminent. S'ils ne comptaient pas changer le Monde, ils semblaient bien décidés à faire de celui de Sol un chaos permanent.
« Sis, je sais qu'on t'a donné rendez-vous pour un cinéma, mais on a eu un changement de plan de dernière minute, hein bro ? Viens, rentrons à l'intérieur, on va t'expliquer. Tu vas voir, c'est cocasse. » Tout dans la surenchère, quitte à en bousiller sa crédibilité ; mais la crédibilité, Anonyme savait déjà bien trop en faire preuve, lorsqu'il s'agissait de s'inventer des personnalités et les vies qui allaient avec. C'était un menteur de première catégorie, un professionnel du bobard, un artiste dans le contrôle parfait de ses muscles faciaux. Parfois, a fortiori en compagnie de Maverick et Sol, il aimait en faire trop, ou pas assez, juste pour s'assurer que l'identité de Raphaël, si elle avait elle aussi été une préfabrication opportuniste, lui ressemblait alors assez pour être plus réelle que les autres.
Comblant l'espace qui le séparait de Sol pour glisser son bras autour de ses épaules, il marcha à ses côtés en l'entraînant de moitié pour rejoindre un peu plus vite son point de départ initial, glissant brièvement un clin d’œil au tatoueur ce faisant pour prendre un air plus sérieux. Plus rassurant également, juste histoire de faire comprendre au tempestaire d'orage qu'ils ne lui causeraient jamais de tort avec leurs conneries. Enfin. Presque jamais.
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Mer 31 Aoû - 3:05
▲▼ bound by skin. La ponctualité était seulement une chose factice, une construction de l'homme pour se donner bonne conscience. S'il avait décidé qu'il était trois heures de l'après-midi, il en serait ainsi et pas autrement. C'est dans cette optique que Sól Skjeggestad traînait des pieds jusqu'à l'autre bout du quartier, une cigarette déjà éteinte entre les lèvres. Il avait laissé son briquet chez lui. Alors qu'il arrivait enfin au coin de la rue, ses trajets se trouvant rallongés depuis qu'il n'a plus de bicyclette, il entendait déjà Raphaël le héler. « Sis », qu'il l'appelait. Déjà que le danseur ne supportait pas les surnoms, celui-ci était probablement un des pires qu'on ne lui ait jamais attribué, devancé seulement par « Toto » car c'est ainsi que l'appelaient les autres gamins quand il allait encore à l'école.
Celui qui parlait bien trop fort avait aussi l'air bien trop impatient et ce n'était pas pour rassurer celui qui arrivait. N'étaient-ils pas censés aller au cinéma ? Sól n'était pas particulièrement cinéphile, il n'arrivait pas à comprendre que quelqu'un puisse ressentir un tel engouement juste pour un film. Il y avait certainement anguille sous roche. « Tu apprendras, Raphaël, que je ne suis jamais en retard. Vous n'aviez qu'à ne pas prendre autant d'avance. » se contenta-t-il de rétorquer sans grande conviction face aux accusations du génie. Il l'écouta faire son speech, hochant la tête machinalement, ponctuant le tout d'un « Cocasse, en effet. », et alors qu'il s'apprêtait à demander un feu à Maverick, c'est un bras trop grand pour lui se posa sur ses épaules pour l'entraîner dans le salon de tatouage. C'était mauvais ça. Très mauvais.
▲▼ bound by skin. Un sourire sur tes lèvres, alors que tu attendais après la troisième partie de votre trio, les bras croisé, près de Raphaël. Tu avais fermé le salon pour l’occasion, déplacé des rendez-vous, après tout, tu étais l’un des meilleurs tatoueurs de la ville, tu avais bien quelques privilège, n’est-ce pas? Et puis, sur ton corps déjà rempli de tattoo, un de plus ou un de moins, ça ne faisait pas une grande différence pour toi, mais sur celui qui venait vers vous deux, c’était une toute autre histoire. Tu éclatait de rire, fort, alors que Raphaël montrait sa désapprobation, beaucoup trop fort pour ne pas déranger la moitié de la rue. Seul, vous étiez seulement un peu disturbateur, mais ensemble vous étiez le chaos ambulant. “Toi? Jamais en retard? Mais putain Sis’, si on allait vraiment voir un film, on en serait déjà à la moitié.” Bon, avec tes cinq ans dans l’armée, tu arrivais souvent plus en avance qu’en retard, tu avais quand même retenu certaine chose de toutes ses années. Tu n’avais aucun problème avec ceux qui était en retard par contre, fût un temps où tu l’avais toujours été toi aussi.
C'était presque prévisible. Absurde et à mourir de rire, également, mais Raphaël se contenta de rouler des yeux ; de toutes les choses sur lesquelles Sol pouvait s'étonner, sa seule réaction était de commenter la propreté des lieux ? À bien des égards, ce garçon vivait sur le même plan astral que les deux hurluberlus qui s'étaient pris d'affection pour sa personne. Et il fallait au moins posséder un tel détachement et une telle fatalité pour les supporter au jour le jour. Mais l'affection d'Anonyme, si elle était dure à gagner, n'était jamais feinte, et il serra l'épaule de Sol d'une poigne assez forte pour lui transmettre sa compassion et l'inciter à avoir du courage avant de laisser Maverick prendre le relais.
« Rien de bizarre, rien de dégueulasse, et pas trop de douleur. C'était déjà prévu dans les plans, Sis, pour qui nous prends-tu ? » Il s'offusqua juste assez pour marquer sa désapprobation du fait que Sol ne leur fasse pas confiance, mais laissa là le reste du trio pour aller chercher un bocal vide plus loin, revenant tranquillement s'installer sur une chaise en face de la table sur laquelle le danseur avait été installé, laissant le tatoueur terminer ses instructions pour mieux éclater d'un rire clair amusé au possible. « Je ne pense pas qu'il cherchera à partir en courant. » Parce que la confiance marchait dans les deux sens, et que Raphaël ne doutait pas du fait que Sol les appréciait également, à sa manière plus discrète, plus décente également.
« Tu verras, Sis, tu vas adorer. On a eu une idée de génie, avec Mav. Encore plus que d'habitude, s'entend. Mais comme c'est ta première fois et qu'on ignore ta résistance à la douleur.. » Et de glisser un clin d'œil complice à Maverick ce disant, partageant ses doutes quant à la réaction qu'aurait Sol à la piqûre. « .. je vais te divertir pour que tu te concentres sur autre chose en attendant. Tu connais le théâtre d'ombres ? J'ai appris ça en Chine, au onzième siècle. »
Tenant le bocal dans une main, il glissa le bout de ses doigts à l'intérieur pour y allumer une flamme qu'il laissa flotter à l'intérieur, orientant sa position vers le mur pour pouvoir esquisser des formes avec sa main libre et y projeter son ombre, le tout bien en face de Sol, comme un spectacle privé appelé à monopoliser son attention pour l'empêcher de se concentrer sur son bras et le tatouage qui s'apprêtait à y être inscrit.
« Ils font ça avec des marionnettes, normalement, mais je t'avoue que je suis davantage dans l'improvisation. Une légende nordique, ça te va ? C'est par chez toi, si je ne m'abuse. À quelques siècles près, évidemment. Parce que, sans offense, les gênes vikings ont dû se perdre en cours de route. » Il lui jeta un regard complice, plus taquin que réellement mesquin.
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Mar 20 Sep - 21:01
▲▼ bound by skin. Tout était prévu, hein ? Il s'était donc fait entourlouper en beauté par les deux compères. Sól passait comme une poupée de chiffon des gros bras de Raphaël aux mains expertes de Maverick. « Il en faut plus qu'une petite aiguille pour m'effrayer ! » Il mentait. Il était terrorisé. Pas tant par l'aiguille elle-même mais par ce que Maverick comptait dessiner sur sa victime. Et si ça ne lui plaisait pas ? Le tatoueur qu'il le faisait déjà s'asseoir était son ami, il n'aurait même pas le droit de l'insulter. Le malheureux saisit le joint qui lui était tendu, marmonnant un « je ne suis pas tendu... » quasi-inaudible et tira dessus. Il oubliait presque toujours que O'Neill avait fait l'armée et de la prison. Ce n'était qu'un détail sans importance à ses yeux. Un détail tout de même confirmé par le contact froid de la prothèse sur sa peau. Merde. Tout le monde va le voir, un tatouage sur le bras. Il devra se frotter aux insupportables "ça veut dire quoiiiii ?". Les gens étaient vraiment trop curieux. L'alcool aussi était froid, l'odeur lui piquait le nez, il fronça les sourcils. Sól planta son regard dans celui du plus maigrichon du trio et fit une moue des plus sévères. « Si tu fais un truc moche je te tue. » Puis il sourit. Il fallait qu'il ait confiance.
▲▼ bound by skin. Un rire qui s’échappait de ta gorge, alors que tu le faisait s’asseoir sur ta table. Vous étiez beaucoup trop semblable Raphaël et toi, vous étiez pareil, les mêmes idées, les mêmes envies de faire le bordel, de rire, d’être. Et Sol, il vous complétait, on aurait pu croire qu’il était le plus sage du trio, mais tous savaient que ce n’était pas le cas, que ce ne serait jamais le cas. Il était aussi timbré que vous deux, seulement, il le cachait un peu mieux, même si toi et Raph, vous n'essayez pas réellement de vous cacher au yeux des autres. Vous étiez simplement, vous n'avez rien à faire de ce que les autres pensaient de vous. “Probablement pour les monstres que l’on ait Bro’. Il voit bien trop clair dans notre jeu. Une chance qu’il ait des nôtre, sinon il aurait peut-être fallut le faire disparaître!” Il était pareil que vous, la même chose, et il avait beau dire l’inverse, tu le savais. Et ce tattoo, il avait beau être réticent à l’instant précis, mais tu le savais que ce ne serait pas le cas plus tard.
Raphaël soupira de manière très - trop - prononcée lorsque Sol osa douter du talent de Maverick, comme s'il s'agissait là d'une aberration parfaite puisque, hé, le génie choisissait forcément des gens doués dans son cercle privé (si, si ; entre Maverick pour le dessin et Sol pour la danse, on pouvait même dire qu'il tapait dans l'élite). Il ignorait si c'était un trait racial, si tous les génies et djinns subissaient le même sort, mais il avait toujours été particulièrement attiré par les artistes, comme un coléoptère obnubilé par la lumière - et cette qualité, il la retrouvait chez toutes les personnes qui finissaient d'une manière ou d'une autre à traverser l'énorme amure qui protégeait sa fibre affective. Celle qu'il avait développé à force de côtoyer les humains, celle qui le mettait toujours un peu mal à l'aise quand on savait à quel point il était inepte avec les humains. Sol et Maverick étaient d'ailleurs un peu à blâmer pour ça, mais il les aimait sans doute trop pour le leur reprocher ouvertement.
« Tu auras de l'art lorsque tu arrêteras de te plaindre. Et fais gaffe à ne pas le surdoser, bro, je ne sais pas s'il a l'habitude. » Il désigna le splif du menton, toujours un peu maladroit lorsqu'il en parlait puisque refusant de toucher à toutes substances qui pourraient lui altérer ses fonctions sensorielles, mais honnêtement concerné quant au bien-être du norvégien. « Alrighty, Sis. Cesse de regarder ton bras et concentre-toi sur mes mains. »
Raphaël retira sa main de sous le bocal qui continua à flotter dans les airs, immobile et presque fantomatique, comme porté par un courant d'air invisible, pour mieux la frotter contre sa sœur, échauffant ses paumes et étirant ses doigts. Puis, en un mouvement un brin grandiloquent, il salua son public avant d'entamer son spectacle d'ombres, les yeux portés vers le mur pour observer la danse silencieuse de ses mains. Il n'était pas spécialement doué, mais les formes projetées contre la surface claire se reconnaissaient, ersatz de serpent géant et de mer houleuse - et s'il ne doutait pas du fait que Sol connaisse les légendes originelles de son pays natal, il s'efforça de ne rien omettre, comme s'il s'adressait aux gosses dont il s'occupait quotidiennement et pour lesquels il mettait toute son énergie à faire de son mieux. Au final, ce n'était pas si différent. Dans les deux cas, il cherchait à rassurer.
« Vous pouvez continuer à parler, hein. » lança-t-il par-dessus son épaule sans briser sa concentration, un mince sourire amusé aux coins des lèvres. « Normalement y'a de la musique d'ambiance mais tu comprendras que Mav ne peut pas te tatouer et jouer d'un instrument en même temps. Quoique avec un harmonica et un système de soutien.. Putain faudra tenter, bro. »
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Dim 30 Oct - 18:37
▲▼ bound by skin. Il ouvrit de grands yeux en contemplant les triangles au creux de son bras droit. C'était quel genre de mascarade ? Pourquoi les garçons s'entêtaient à vouloir graver ça dans sa peau ? Enfin, le supplice commença. Sól fut surpris. En fait, ce n'était pas si douloureux que ça. C'était même plutôt agréable, comme s'il se grattait avec un bout de bois. « Plus de weed ? » Il risqua un petit rire suffisant. « Tu me sous-estime, c'est tout à fait supportable comme douleur. » Il leva les yeux au ciel lorsque Raphaël manifesta de l'inquiétude à son égard et jeta un coup d’œil à sa cigarette abandonnée plus tôt à l'entrée. Il faudra qu'il pense à racheter du tabac avant de rentrer chez lui.
Il regarda à nouveau les mains de Maverick s'activer puis reporta son attention vers le génie comme celui-ci venait de suggérer, ou plutôt vers les images qu'il projetait au mur. A l'entendre conter ces histoires d'un autre temps il avait l'impression d'être à nouveau un enfant. C'était si joli, il était presque émerveillé. Il ne les connaissait que trop bien, ces divinités archaïques. Et c'est ce moment précis que choisit la douleur pour se manifester. C'était violent, c'était inattendu. Il s'en mordait la lèvre inférieur, ses yeux étaient déjà humides. Il ne fallait pas qu'il pleure, sinon ça le poursuivrait jusqu'à la fin de ses jours. Il les connaissait, les deux énergumènes, ils se moqueraient de lui sans trêve ni repos, ad vitam aeternam.
▲▼ bound by skin.Tu ne réagit pas aux paroles de Sol, te contentant d’un petit sourire en coin, amusé. En vérité, tu n’avais jamais aucune idée de comment tes clients allaient réagir à leurs premiers tatouage, tu avais déjà vu des hommes, tout ce qui as de plus viril, couinez sous la douleur, et des gens chétif ne pas réagir plus qu’il ne fallait. Comme cette fille qui était venu se faire tatouer un tigre sur ses côtes. Ce n’était pas son premier tatouage, mais tu savais que les côtes étaient particulièrement sensible, trop sensible, et tu t’étais attendu au pire, malgré les cicatrices qui recouvrait son joli corps. Elle t’avais supris, elle n’avait pas dit un mot de la séance, mais elle n’avait même pas tressailit lorsque ton aiguille avait heurter un os. Comme si la douleur ne faisait plus partie de son corps. Expérience qui t’avait laissé sur une sensation étrange. Tu secouais la tête, faisant disparaître le souvenir, un nouveau rire éclatant à la proposition de Raphaël, tu ne serais pas contre, ça te manquait de jouer de la musique, en fait, surtout de gratter sur ta guitare, que tu ne possédait plus d’ailleurs. La musique te manquait, même si tu n’avais jamais trouvé ta voix vraiment magnifique, elle était assez quelconque en fait, mais tu adorais faire de ce son qui sortait d’outre monde. “Faudra surtout trouvé un moyen pour que je puisse à nouveau jouer de la guitare.” Malgré que tu pouvais toujours apprendre à faire tes accords avec ta main droite et gratter avec ton moignon. C’était pas le plus facile, mais c’était faisable. Après tout, tu avais abandonné la facilité lorsque tu t’étais retrouvé avec un moignon au lieu d’un bras. Il n’y avait rien de facile avec seulement un bras et demi.